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Planète - En 2060, «on va vers un monde invivable puisque les plastiques détruisent notre cadre de vie», alerte Tara Océan



Planète - En 2060, «on va vers un monde invivable puisque les plastiques détruisent notre cadre de vie», alerte Tara Océan


CLIMAT • Si un accord mondial n’est pas trouvé cette semaine en Corée du Sud sur la réduction des plastiques, tous les écosystèmes en pâtiront, met en garde Henri Bourgeois-Costa, de la fondation Tara Océan

- L'essentiel

. Selon une projection de l’OCDE, 1.014 millions de tonnes de déchets pourraient s’accumuler en 2060 sur Terre si rien n’est fait.

. En Corée du Sud, 175 pays sont actuellement réunis jusqu’au 1er décembre afin de conclure un traité international sur la pollution plastique.

. «On va vers un monde invivable puisque les plastiques détruisent notre alimentation, notre santé, notre cadre de vie», alerte Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques économie circulaire et pollutions plastiques de la fondation Tara Océan.

Plus d’un milliard de tonnes. Cette quantité, difficilement imaginable, représente les déchets plastiques qui pourraient s’accumuler en 2060 dans le monde si rien ne change, selon une projection datant de 2022 de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). A Busan, en Corée du Sud, 175 pays sont actuellement réunis, jusqu’au 1er décembre, afin d’essayer de conclure un traité international sur la pollution plastique. L’objectif pour les plus ambitieux: parvenir à un accord contraignant afin de réduire la production de plastiques, ce qui s’annonce difficile.

Henri Bourgeois-Costa, directeur des affaires publiques économie circulaire et pollutions plastiques de la fondation Tara Océan, est présent sur place en tant qu’observateur. Il nous explique pourquoi ce texte est fondamental pour la protection des océans (entre autres).

- En 2024, 353 millions de tonnes de déchets plastiques ont été produites. En 2060, l’OCDE prévoit 1.014 millions de tonnes si rien ne change. Comment cela affecterait-il le monde?

Les conséquences sont à peu près mécaniques, c’est-à-dire qu’on prévoit quasiment une multiplication par trois de la production plastique, et donc quasiment une multiplication par trois en matière de déchets. Tout simplement parce qu’on n’a pas d’amélioration significative envisagée des systèmes de collecte-traitement. Les modélisations de l’OCDE nous laissent imaginer qu’on passera au mieux de 9 % de collecte-recyclage des plastiques aujourd’hui à 12 % en 2060.

Autre conséquence importante, la contribution majeure de la production plastique aux émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, on est à 4 % des émissions globales, et les projections officielles sont à 15 % d’ici 2050. Sur les dimensions toxiques du plastique, on sait aujourd’hui que 16.000 molécules chimiques sont impliquées dans la production et la dégradation des plastiques, parmi lesquelles 4.200 sont identifiées comme toxiques pour la santé humaine et l’environnement.

Donc, ce n’est pas avec une approche de collecte et d’amélioration de recyclage qu’on peut résoudre cette problématique. Ça nous renvoie vraiment à un impératif de réduction.

- De quelle manière cette pollution toucherait-elle les océans? Ce qu’on appelle les continents de plastique pourrait-il s’élargir?

Ces zones de concentrations de plastique, qu’on trouve dans chaque océan ou mer, en Méditerranée, en Atlantique Sud ou Nord, etc., ont focalisé l’attention du public, des médias, mais ce n’est pas toute la pollution plastique. Il y a notamment tous les plastiques qui ont une densité lourde et polluent plutôt les fonds. Je ne me risquerais pas à faire des projections sur ces concentrations.

Mais ce que l’on sait, c’est que la pollution plastique affecterait évidemment beaucoup plus l’ensemble des écosystèmes, qui sont déjà très dégradés. Dans certaines zones, comme en Méditerranée, on a des concentrations qui dépassent de très loin la quantité de matière vivante. Les travaux de la mission Tara Méditerranée ont démontré des zones de concentration où les gyres, ces courants qui rassemblent les eaux à un endroit donné, sont très largement au-dessus de 80 % de plastique dans la masse collectée.

Aux îles Fidji, la perte de rendements de pêche liée à la pollution plastique a été estimée à 600.000 dollars. On va vers un monde invivable puisque les plastiques détruisent notre alimentation, notre santé, notre cadre de vie. C’est un peu affreux de le dire comme ça, mais ce terme de «vivabilité» de la Terre va prendre de plus en plus sens.

- Cela fait vingt ans que la fondation Tara documente la pollution plastique dans les océans. Comment avez-vous vu évoluer la situation?

On s’est beaucoup intéressé aux océans parce que c’est par là qu’on a découvert la problématique dans les années 1970. De macrodéchets d’abord, puis avec les travaux Tara de microdéchets.

Il y a une inertie très importante entre l’essentiel de la production, la consommation, la pollution des plastiques qui se passe à terre, et la mer. C’est-à-dire qu’il faut beaucoup de temps pour constater des changements dans un sens ou dans un autre, de concentration ou de dégradation. La part de macrodéchets, donc de gros déchets visibles, elle est en petite diminution, et la part de microdéchets en petite augmentation.

. Notre dossier sur les plastiques (A voir sur site ci-dessous)

Quand on va s’intéresser aux fleuves, comme on l’a fait avec la mission Tara microplastiques, on constate qu’il y a déjà énormément de microplastiques dans les eaux douces. Cela révèle probablement un stock gigantesque à terre. Et chaque fois qu’il y a un épisode climatique un peu fort - orages, pluies un peu violentes - cela va venir lessiver les zones urbaines et les zones agricoles qui contiennent beaucoup de plastique déposés au fur et à mesure du temps ou plus récents.

Et la difficulté, c’est qu’il n’y a pas un effet immédiat. On ne prend pas une gifle immédiatement dès qu’on jette des plastiques. Mais il faut bien être conscient que ce que l’on fait maintenant est très grave et dans des proportions complètement folles.

La pollution plastique constatée il y a vingt ans était celle d’une époque où l’on consommait infiniment moins qu’aujourd’hui. Il y a une urgence absolue non pas à se focaliser sur comment on enlève ce qui est déjà dans les milieux naturels - parce que de toute façon, ce n’est pas faisable –, mais sur comment est-ce qu’on arrête de continuer à en déverser autant?





Pour accéder au dossier plastique: https://www.20minutes.fr/planete/rechauffement-climatique/4123356-20241127-2060-va-vers-monde-invivable-puisque-plastiques-detruisent-cadre-vie-alerte-tara-ocean

Propos recueillis par Emilie Jehanno


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