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Planète - Des oasis de biodiversité menacées par l'extraction minière du lithium, du cobalt ou du calcaire



Planète - Des oasis de biodiversité menacées par l'extraction minière du lithium, du cobalt ou du calcaire


Carrières, mines, forages… Les activités extractives nécessaires à la transition énergétique menacent plus de 4.600 espèces de vertébrés terrestres (poissons d'eau douce, reptiles, oiseaux…) au niveau des "points chauds" de la biodiversité sur la planète, estime une étude.

Cyrtodactylus hidupselamanya. Telle une formule magique, ce nom d'espèce choisi pour déjouer le sort transcrit en fait toute la fragilité du vivant.

Les scientifiques qui ont découvert ce gecko à doigts courbés l'ont ainsi nommé d'après une expression malaise signifiant "qui vit pour toujours" (hidup selamanya)... En sachant pertinemment que l'unique habitat de ce lézard, une chaîne de montagnes de la péninsule malaisienne exploitée pour ses carrières de calcaire, était voué à disparaître sous les bulldozers.

Le cas de ce fragile reptile est évoqué par les auteurs d'une étude pour illustrer les quelque 4.642 espèces de vertébrés menacées par les activités extractives (mines, carrières et forages pétroliers ou gaziers) dans le monde entier, selon leur estimation se voulant la plus exhaustive à ce jour (Lamb et al., Current Biology, 2024).

- Lithium, cobalt, calcaire…

Ces chercheurs se sont basés sur les données de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) afin de lister les espèces dont le statut mentionnait la menace de l'exploitation minière. En cartographiant la localisation de ces animaux, ils ont alors pu étudier les types d'activités extractives concernées, et identifier les zones à risque sur la planète.

L'activité minière coïncide avec les "points chauds" de la biodiversité dans le monde, notamment dans les Andes, en Afrique occidentale et centrale côtière, ainsi qu'en Asie du Sud-Est, révèle leur analyse. Appelés "biodiversity hotspots" en anglais, ces lieux abritent par définition une très forte diversité d'habitats et d'espèces, dont certaines n'existent nulle part ailleurs sur Terre.

Le risque le plus important pour les espèces provient de l'extraction de matériaux essentiels à la transition énergétique, tels que le lithium et le cobalt – deux composants des panneaux solaires, des éoliennes et des voitures électriques. L'exploitation des carrières de calcaire, nécessaire pour fabriquer le ciment, met elle aussi de nombreuses espèces en danger, à l'instar du gecko cité plus haut.

- Pollution des cours d'eau

La menace ne se limiterait d'ailleurs pas à l'emplacement physique des mines, les espèces vivant à de grandes distances pouvant aussi être affectées, note l'étude.

Ainsi, la pollution de l'eau peut toucher des centaines de milliers de kilomètres carrés de rivières et de plaines inondables – les poissons d'eau douce représentant près de la moitié des espèces de vertébrés listées par les auteurs. La déforestation pour la construction de routes et d'infrastructures liées aux activités minières vient également étendre le périmètre des effets sur la biodiversité.

Si leur recherche n'a porté que sur les animaux vertébrés, les auteurs affirment que l'exploitation minière est également susceptible de présenter un risque important pour les plantes et les invertébrés. Et par conséquent, sur les puits naturels de carbone qui atténuent le changement climatique.

- Limiter la casse ?

"Nous ne pourrons tout simplement pas fournir l'énergie propre dont nous avons besoin pour réduire notre impact sur le climat sans extraire les matériaux nécessaires, et cela pose problème car nous exploitons des mines dans des endroits où la biodiversité est souvent très riche", résume le Professeur David Edwards, chercheur à l'université de Cambridge, qui a supervisé la recherche (communiqué).

Notre rapport est une première étape essentielle pour éviter la perte de biodiversité dans le contexte de l'expansion drastique prévue de l'industrie minière.

"La faune et la flore sont plus sensibles à l'exploitation minière dans certaines régions du monde que dans d'autres, et notre rapport peut éclairer les choix concernant les priorités d'extraction de nos minerais afin de causer le moins de dommages possible à la biodiversité", espère Ieuan Lamb, chercheur à l'université de Sheffield (Royaume-Uni) et premier auteur de l'étude.

"Les politiques futures devraient également se concentrer sur la création d'économies plus circulaires, en augmentant le recyclage et la réutilisation des matériaux, plutôt que de se contenter d'en extraire davantage", préconise-t-il. Une piste qui avait précédemment été évoquée pour éviter d'avoir à recourir au minage en eau profonde, source d'inquiétude pour ses conséquences difficiles à anticiper.


NASTASIA MICHAELS


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