David Heimhofer est le président-directeur général du Groupe mondial suisse-allemand Terra Sola, un investisseur et développeur de projets d’énergie solaire photovoltaïque intégrés avec pour mandat d’opérer et d’investir dans la région MENA. Président du conseil d’administration du groupe, M. Heimhofer est porteur d’un programme effectif pour l’Algérie.
Ce groupe au sein duquel travaille une compétence algérienne reconnue, en l’occurrence Belkacem Haouche, entame, depuis quelques mois, la réalisation d’un mégaprojet de production de l’énergie solaire. Selon le PDG de Terra Sola, le projet est très prometteur.
Il devra non seulement garantir l’installation d’une solide industrie solaire en Algérie, mais aussi assurer une production de 4.000 MW d’électricité pour un investissement sur les fonds du groupe de 5 milliards de dollars. Le projet, ajoute-t-il, permettra des gains de 17,7 milliards de dollars de gains pour le pays, sans aucune prise de risque financier de l’Etat. David Heimhofer fournit plus de détails sur le projet dans cette interview…
– Votre groupe a lancé, à travers sa filiale en Algérie, un projet intégré pour la production de l’énergie solaire à l’horizon 2024. Pouvez-vous nous fournir les détails de ce projet?
Dans notre programme intégré pour l’Algérie, il existe quatre maillons de la chaîne qui comporte la mise en place d’installations solaires photovoltaïques pour 4.000 MW, incluant le transport de l’énergie du Sud vers le Nord et bientôt vers l’Europe, la construction d’une plateforme industrielle solaire à Ras El Ma à Sidi Bel Abbès composée de trois complexes de fabrication des composants essentiels de l’industrie solaire photovoltaïque, à savoir les panneaux photovoltaïques, les onduleurs et structures de montage, ainsi qu’un programme de développement de la capacité humaine pour former et éduquer 10.000 Algériens, et enfin le développement systématique de l’industrie de l’approvisionnement en soutenant financièrement 1.000 PME en Algérie.
Le financement-investissement de ce programme pour un montant de 5 milliards de dollars a été proposé par le conseil d’administration du groupe Terra Sola et ses partenaires internationaux regroupés en consortium pour être soumis à l’Algérie dans une démarche de partenaire gagnant-gagnant.
Ce financement sécurisé prendra en charge le parachèvement de l’implémentation du programme intégré. L’Algérie ne prendra aucun risque financier, car le remboursement de l’investissement se fera par la vente de l’énergie produite.
La production d’énergie sera garantie par les sociétés mères internationales de nos partenaires technologiques et soutenue par la garantie de performance émise par l’une des plus grandes sociétés de réassurance au monde partenaire du groupe Terra Sola.
Le recours de l’Algérie à l’énergie solaire photovoltaïque au lieu du gaz pour produire l’électricité destiné à la consommation locale et à l’exportation lui permettra de réaliser un gain de 10 milliards de dollars, outre une économie du gaz non utilisé évaluée selon les coûts du marché mondial du gaz pour un montant moyen de 7,7 milliards de dollars en devises étrangères qui renforceront la trésorerie de l’Etat.
Cet investissement est proposé comme démarche imprégnée du programme national de développer des énergies renouvelables permettant la production de 15.000 MW d’électricité à l’horizon 2035 dont 4.000 MW d’ici à 2024.
– Qu’est-ce qui a motivé votre choix pour l’Algérie?
D’un côté, l’intérêt de Terra Sola, de ses partenaires technologiques internationaux et des investisseurs pour mettre en œuvre ce programme en Algérie est lié au facteur géophysique et naturel du pays avec certaines des irradiations les plus élevées du monde et le vaste espace disponible pour le solaire.
Néanmoins, d’autres pays de la région MENA disposent également des mêmes atouts que l’Algérie, comme l’Egypte ou le Maroc.
Mais l’Algérie a une particularité par rapport à ces pays, celle de disposer d’une très bonne infrastructure et d’une base de connaissances dans le secteur de l’énergie, ce qui confère à l’Algérie un avantage important dans la réalisation d’un tel programme.
En plus, je pourrais vous surprendre si je vous disais que dans notre groupe, nous avons un membre influent du conseil d’administration, Belkacem Haouche, un Algérien qui a des compétences dans le domaine des relations internationales.
Il a réussi à faire adhérer les membres du groupe pour obtenir pour son pays un investissement de 5 milliards de dollars pour réaliser le programme de 4.000 MW pour l’Algérie. Aujourd’hui, nous sommes enthousiasmés de continuer avec lui notre programme d’énergie solaire photovoltaïque en Algérie.
Nous l’avons déjà entamé par le lancement, cette année, dans la zone industrielle de Ras El Ma, dans la wilaya de Sidi Bel Abbès, pour un montant de 40 millions de dollars, en partenariat avec un investisseur algérien, de la première plateforme industrielle du continent. Ainsi, l’Algérie deviendra le hub de l’industrie solaire de l’Afrique.
Notre consortium a défini l’Algérie comme la plaque tournante du continent africain pour produire des composants et équipements locaux dans l’industrie solaire en Algérie «made in Algeria» pour l’exportation vers les marchés africain et international. De plus, son emplacement est optimal pour exporter de l’énergie verte sous différentes formes vers les pays voisins d’Europe.
– Comme vous l’avez souligné, la réalisation de ce chantier comprend différentes étapes. Avez-vous trouvé un écho favorable auprès des autorités algériennes pour son lancement?
Les autorités algériennes ont toujours été favorables au lancement de ce chantier. Nous avons été invités à disposer d’une assiette dans la zone industrielle à Ras El Ma afin d’asseoir notre programme sur une plateforme industrielle solaire réelle et solide.
Néanmoins, sur le plan énergétique, nous avons buté sur des difficultés à cause de l’absence d’un leadership institutionnel, ce qui expliquait les chevauchements dans les prérogatives entre le secteur de l’énergie, d’une part, et celui de l’énergie renouvelable, d’autre part, outre l’absence de leur coordination avec le secteur de l’industrie et celui de l’enseignement supérieur et la recherche scientifique.
Ces chevauchements ont beaucoup profité à la bureaucratie qui a fait perdre beaucoup de temps et d’argent à l’Algérie.
– Avez-vous senti un intérêt du gouvernement algérien pour cette initiative?
Notre programme intégré est l’aboutissement de nombreuses séances de travail technique et financier et de consultations officielles constructives qui se poursuivent depuis 2014 à ce jour en Algérie entre le groupe Terra Sola et les représentants des ministères de l’Energie, de l’Industrie, de la Recherche scientifique et de l’Environnement.
Le groupe a pris en charge la réalisation de 18 études pour le développement du programme et conclu 43 contrats avec ses partenaires fournisseurs mondiaux de technologies et des institutions financières internationales. La dernière réunion officielle de notre délégation avec le ministère de l’Energie remonte au 12 mars 2020.
Nous entretenons l’espoir que le tout nouveau ministère dédié réellement à la Transition énergétique et des Energies renouvelables va enfin pouvoir fédérer les prérogatives de l’ensemble des acteurs de la chaîne de processus de décision afin de profiter de notre programme intégré.
L’accès aux financements pour l’industrie solaire photovoltaïque devient de plus en plus difficile avec la crise économique de l’après-Covid-19. Les investisseurs internationaux réévaluent constamment leur position et nous pouvons nous attendre à ce que les investisseurs commencent à se retirer sensiblement du marché à partir de la fin du troisième trimestre 2020.
– Vous avez prévu un investissement de 5 milliards de dollars. Vos calculs ne risquent-ils pas d’être faussés en raison de la crise économique engendrée par la Covid-19?
L’obtention des financements par les pays de la région MENA pourrait subir les effets de la crise économique pouvant survenir dans l’après-Covid-19.
En outre, en raison de la dégradation de la cote de crédit des pays créditeurs, déclenchée principalement en raison de la baisse des prix du gaz, il est devenu de plus en plus difficile de maintenir l’engagement de l’investissement de 5 milliards de dollars en Algérie.
Pour notre part, tout en poursuivant nos efforts pour parachever la plateforme industrielle solaire de Ras El Ma, nous nous employons à convaincre nos partenaires, notamment notre assureur, à garder à l’Algérie ce financement que nous lui avons proposé.
Avec la dotation de l’Algérie d’un ministère dédié à la Transition énergétique et des Energies renouvelables, nous espérons une meilleure perception des enjeux. Le pays a comme défi de réussir cette transition énergétique qui met en avant l’atout solaire.
Il est impossible de gagner ce pari sans la mise en place d’un programme fiable technologiquement, économiquement et socialement pour au moins 35 ans. Le recours à la fragmentation d’un programme de 4.000 MW en petits projets par des appels d’offres est porteur de gros risques en termes d’efficacité énergétique pour le pays et de perte de temps.
Il génère de graves problèmes de ruptures technologiques coûteuses dans un pays qui fait face à des difficultés financières nées historiquement de ses options pour l’énergie fossile. Tout ratage dans la gouvernance et dans les choix de systèmes de technologies compromettra la chance de réussir la mutation vers l’énergie solaire.
Le groupe mondial Terra Sola que je conduis est motivé pour faire partager avec les pouvoirs publics l’ambition de faire de l’Algérie un leader et partenaire de l’Europe dans les futurs achats de production et d’exportation d’hydrogène.
Cependant, la production d’hydrogène nécessite une énorme quantité d’énergie et l’Union européenne en accord avec sa récente stratégie n’entrera en discussion avec l’Algérie que si elle peut prouver sa propre capacité à produire un excédent substantiel d’énergie qui est demandé pour la production d’hydrogène.
Si l’Algérie souhaite bénéficier à l’avenir des futurs échanges commerciaux transfrontaliers avec l’hydrogène vert, elle doit en lancer les bases dès maintenant.
– Parmi les objectifs de ce projet, il y a le transfert de technologie et la création des postes d’emploi et la réalisation d’un important taux d’intégration. Pensez-vous être en mesure de réaliser ces objectifs, sachant que de nombreux projets industriels étrangers lancés en Algérie ont échoué par le passé?
Le diagnostic de ces échecs indique, absolument, qu’aucun promoteur de ces projets en Algérie n’a créé du savoir-faire local et des capacités de fabrication locale pour produire localement l’équipement et entretenir les usines avec des ressources humaines locales également.
Nous conduisons notre stratégie avec l’Algérie avec la conviction que sans la construction d’une forte et solide base de savoir et de connaissances locales, le pays ne sera jamais en mesure de construire sa propre industrie solaire durable et créatrice des avantages socioéconomiques.
La construction du complexe de Ras El Ma permettra de prendre en charge ces problèmes en évitant des surcoûts liés à la maintenance et aux coûts des composants qui seront désormais fabriqués en Algérie et permettront au pays d’adopter le programme d’installations solaires photovoltaïques que nous avons proposé pour un taux d’intégration de 90%.
Tout comme la plateforme industrielle solaire, ce transfert de savoir et de technologie que nous assurons est un préalable et une nécessité pour la réussite de notre programme d’installations solaires photovoltaïques pour 4.000 MW. Il est au cœur de la démarche de B to B du consortium de Terra Sola. Il est impossible d’atteindre un niveau requis d’intégration dans un projet sans la prise en charge du transfert du savoir et de la technologie qui lui est lié.
Je voudrais vous indiquer à ce titre que dans uns notre consortium figure un assureur mondial, qui garantit la performance de nos centrales solaires et nos usines, en l’occurrence l’allemand Allianz SE, une des plus grandes sociétés d’assurance au monde, cotée à la Bourse de Frankfurt et qui ne saurait accepter d’assurer des projets non fiables économiquement et non certifiés technologiquement.
Cette solide compagnie d’assurance mondiale ne peut garantir la production de la centrale photovoltaïque que lorsque tous les composants des centrales solaires sont produits selon les normes de certification internationales.
Nous avons plus d’une douzaine de certificats pour nos produits (certificats ISO, certificats pour le système de formation, certificats du processus de production, etc.), sans lesquelles l’assurance ne peut garantir la production.
C’est le seul moyen de générer pour le gouvernement une garantie de performance solide pour la centrale photovoltaïque. La compagnie d’assurance a des exigences extrêmement fortes concernant les équipements certifiés.
Nombre de fabricants de panneaux dans la région MENA parlent de certification, mais ils disposent de faux certificats. Dans le monde entier, seules quelques sociétés sont capables de produire des panneaux solaires entièrement bancables et acceptés par les sociétés d’assurance. Nous sommes l’une de ces sociétés et la seule en Algérie.
Entretien réalisé par Madjid Makedhi
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Posté Le : 21/07/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Entretien réalisé par Madjid Makedhi
Source : elwatan.com du lundi 20 juillet 2020