A 60 ans, Laddawan Kamsong a suivi sa première formation agricole, elle qui plante du riz depuis plus de 40 ans. Confrontée à la sécheresse, la junte thaïlandaise a mis en place un programme axé sur la diversification dans les champs.
«Je vais remplacer certaines parcelles de riz par des citrons. C'est décidé!», explique cette élégante agricultrice installée dans une province située à une heure au nord de Bangkok.
Elle n'en peut plus de voir ses plants se dessécher et sa production décroître chaque année: il y a encore deux ans, elle faisait trois récoltes de riz par an. Cette année elle est passée à deux et n'en fera qu'une seule l'an prochain.
«Nous n'avons pas le choix, nous devons nous adapter», ajoute-t-elle, convaincue de la nécessité de se diversifier après avoir suivi quelques jours de formation.
Ils sont une vingtaine à s'être déplacés pour rejoindre cette salle de classe en plein air, faite de quelques planches de bois, de chaises en plastique, au milieu des bananiers. Face à eux, des agronomes leur détaillent les spécificités de chaque plante et les étapes de leur culture.
Dans cette province, la junte arrivée au pouvoir par un coup d'Etat en 2014 a mis l'accent sur la plantation d'arbres fruitiers. Dans d'autres, sur celle de la canne à sucre ou bien des haricots.
Des alternatives qui permettent de réduire énormément la consommation d'eau et aussi de rompre le cycle de la monoculture qui détériore les terres agricoles thaïlandaises depuis des décennies.
Après une saison des pluies faible en 2015, les militaires au pouvoir avaient demandé aux riziculteurs de renoncer à la culture d'hiver, qui se fait normalement grâce à l'irrigation.
Et ils veulent les inciter à revoir leur culture sur le long terme, convaincus qu'avec le changement climatique cette situation va se reproduire.
«Nous avons peu d'eau dans les barrages actuellement et nous nous attendons à ce que la saison des pluies soit décalée à cause d'el Nino cette année», concède Suphot Tovichakchaikul, chef du département en charge de la gestion de l'eau dans le pays.
Au total, 22 provinces sur 76 sont touchées par la sécheresse, notamment dans le centre et le nord-est du pays.
Près de 2.000 villages n'ont plus une goutte au robinet depuis plusieurs semaines, le gouvernement organise donc régulièrement des livraisons d'eau.
Les avions créateurs de pluie artificielle, toujours actifs en période sèche, multiplient les rondes, envoyant une solution iodée dans l'atmosphère chargée de créer davantage de nuages et donc de pluies.
La sécheresse affecte toute l'Asie du Sud-Est et est aussi très critique dans le delta du Mékong au Vietnam.
D'après une étude de l'Université de la Chambre de commerce de Thaïlande, elle pourrait coûter à la croissance du pays entre 0,5 et 0,8 point.
- Une production amputée de 30% -
«Nous devons trouver le moyen de motiver les producteurs de riz pour qu'ils passent à d'autres cultures», a récemment lancé le Premier ministre Prayut Chan-O-Cha, par ailleurs très critiqué pour ses plans de relance de l'économie.
Base de l'alimentation, le riz est un sujet sensible pour les Thaïlandais.
Le pays est l'un des premiers exportateurs mondiaux de cette céréale, mais est fortement concurrencé par l'Inde et le Vietnam.
Et dans un contexte d'économie atone avec des exportations manufacturières qui chutent, la junte veille sur le secteur agricole, qui représente environ 8% du PIB.
Le riz est aussi un enjeu politique: l'ancienne Première ministre déchue Yingluck Shinawatra avait mis en place une politique de subvention aux riziculteurs, qui lui vaut aujourd'hui un procès. Et a laissé au pays des millions de tonnes de stock de riz.
Ces largesses ont été vertement critiquées par les élites conservatrices, au premier rang desquelles l'armée, qui a pourtant opté pour la même politique une fois au pouvoir.
«Il est difficile de convaincre les fermiers de produire moins de riz et d'opter pour d'autres plantes», reconnaît Somnuk Srithiengtrong, responsable du ministère de l'Agriculture dans la province de Nonthaburi.
«Mais chaque année, il y a moins d'eau donc ils se rendent compte qu'il faut faire quelque chose», ajoute-t-il.
Cette année, avec l'interdiction de planter du riz en saison sèche, le royaume devrait voir sa production de riz amputée de près de 30%, à 25 millions de tonnes.
Mais c'est un cap encore difficile à franchir pour certains, comme pour Prateep Jinpracha, 46 ans, qui vient de finir quelques jours de formation: «Je ne peux pas tout arrêter. Faire pousser du riz, c'est ce que j'ai toujours fait et mes parents et mes grands-parents avant moi. C'est toute ma vie».
Photo: Un agriculteur marche dans un champ de riz dessécher à Nonthaburi en Thaïlande, le 23 mars 2016 - CHRISTOPHE ARCHAMBAULT AFP
© 2016 AFP
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Posté Le : 08/04/2016
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: CHRISTOPHE ARCHAMBAULT AFP ; texte: © 2016 AFP du dimanche 3 avril 2016
Source : 20minutes.fr