Depuis quelques mois, des comptes Facebook sont bloqués ou difficilement accessibles, notamment ceux des partisans du hirak et de la coupure avec les symboles de l’ancien système.
Des Algériens ont récemment manifesté devant le siège de Facebook à travers plusieurs capitales occidentales pour exprimer leur indignation face aux «restrictions imposées à l’opposition en Algérie à travers l’antenne émiratie» du géant américain des réseaux sociaux. Des sit-in ont été organisés à Paris, Bruxelles, Londres et Madrid pour transmettre un message fort au patron du plus grand réseau social au monde, Mark Zuckerberg, dont l’outil influent qu’il a créé en Californie se trouve au centre de la crise que traverse notre pays.
Le réseau Facebook, depuis le début du mouvement populaire, le 22 février dernier, est devenu une plateforme d’échanges entre militants du hirak, puis une véritable arène politique où s’affrontent les positions politiques. D’aucuns connaissent le phénomène des «mouches électroniques» et le travail de brouillage que ses promoteurs ont entrepris. Dernièrement, il a été constaté que les comptes des influenceurs, des lanceurs d’alerte, des opposants ont été fermés au fur et à mesure, les uns après les autres, dès leur signalement.
Répondant à des appels lancés sur la Toile pour manifester devant les sièges de Facebook aux quatre coins du monde, «une dizaine de personnes ont tenu un rassemblement en début de soirée devant les locaux du plus grand réseau social au monde à Paris. Elles ont exprimé leur mécontentement après le blocage et la suppression de dizaines, voire de centaines de comptes, pages et groupes pro-hirak par la direction de Facebook», écrivait Maghreb Emergent le 6 novembre. Selon la même source, le principal slogan scandé par les manifestants était «Pouvoir assassin, Facebook complice !» Les fonctionnaires de Facebook observaient la scène des fenêtres de l’édifice.
Mais Facebook est-il réellement un acteur majeur dans cette pratique assimilée par certains à une censure? A-t-il réellement un rôle à jouer pour minimiser la contestation en Algérie? Au-delà de ces questions pertinentes, il faut savoir que le poids de Facebook dans notre pays est très important et les chiffres le montrent clairement.
Sur une population de 42.450 000 habitants, l’Algérie compte plus de 22 millions de comptes Facebook. Les internautes suivent l’actualité à 52,34% sur Facebook, 36,73% à travers YouTube et 5,2% sur Twitter, selon Ali Kahlane, vice-président du think tank CARE, lors d’une récente intervention.
Les Algériens ne sont pas des consommateurs passifs sur ce support mais interagissent et apportent leur contribution et leur regard sur l’actualité. D’après Arab Izarouken, sociologue et consultant indépendant, «avec internet, le don d’ubiquité est multiplié». Ce phénomène s’est accentué grâce aux smartphones. Equipés d’appareils photo et de caméras, les Algériens ont de plus en plus la possibilité de prendre des photos pour les poster sur Facebook et même de retransmettre les manifestations en direct sur les réseaux sociaux. C’est dire l’importance des nouveaux médias. Ce sont maintenant des acteurs du changement et non des citoyens qui attendent des mesures d’en haut en toute passivité.
Et pour casser la dynamique du hirak, des «mouches électroniques» sont très actives sur les réseaux sociaux. C’est du moins la profonde conviction de Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), que nous avons contacté hier. Il confirme que son compte a déjà été bloqué.
«Ce sont des attaques ciblées contre toute personne qui porte la voix du hirak ou toute autre voix discordante. Après le verrouillage du champ médiatique, on passe maintenant aux réseaux sociaux, c’est clair: l’objectif est d’étouffer les voix qui relaient le mouvement. C’est une pratique systématique et je pense que ça va s’accentuer au fur et à mesure qu’on s’approchera du 12 décembre, date du scrutin présidentiel.»
Selon lui, «ils utilisent des signalements car Facebook a des clauses à respecter, mais ils signalent pour propos injurieux actionnés par ce qu’on appelle les mouches électroniques. Heureusement, qu’il y a de la contre-attaque dans le cadre de la solidarité. C’est une guerre électronique de l’information, c’est un enjeu. Les réseaux sociaux font partie des médias alternatifs pour contrecarrer le verrouillage médiatique classique (radio, télévision)».
Contacté par El Watan, Younes Grar, expert en TIC, donne son éclairage: «Il faut savoir que Facebook a une éthique et des règles qu’il respecte. Des infractions comme des attaques aux droits d’auteur ou des commentaires antisémites sont signalés et il prend ainsi des mesures. Certains clans du pouvoir considèrent que des pages sont contre eux, les attaquent par des messages pour polluer (commentaires désobligeants) et en même temps ils les signalent. Des machines de Facebook envoient des messages d’avertissement aux titulaires des comptes. Et si cela persiste, Facebook suspend les pages pour 1 mois ou 3 jours selon la gravité. Il faut ajouter que les Emiratis contrôlent le MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) de Facebook, ils interviennent parfois personnellement et la maison-mère bloque.»
Kamel Benelkadi
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Posté Le : 22/11/2019
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Kamel Benelkadi
Source : elwatan.com du jeudi 21 novembre 2019