Selon une nouvelle étude, les castors constituent des alliés non négligeables face aux incendies en Amérique du Nord. En construisant des barrages et en creusant des canaux, ils créent des espaces irrigués qui constituent des refuges pour la végétation et la faune face aux feux.
Plus de 20.000 kilomètres carrés. C'est la surface dévastée par les feux qui continuent de sévir sur la côte Ouest américaine. Selon le dernier bilan, 27 incendies "majeurs" étaient encore recensés en Californie en début de semaine et plus de 19.000 pompiers étaient mobilisés pour tenter de les maîtriser. Dans l'Oregon, ce sont plus d'un demi-million de personnes qui ont dû être évacuées.
Face à ces incendies d'une ampleur sans précédent, c'est un allié méconnu qu'une nouvelle étude publiée dans la revue Ecological Applications met en lumière. Un animal dont les activités pourraient permettre de réduire la progression des feux et de protéger la végétation et la faune: le castor.
- Ingénieur des écosystèmes
Qu'il vive en Eurasie (Castor fiber) ou en Amérique du nord (Castor canadensis), le castor est bien connu pour être un véritable ingénieur des écosystèmes. Ce rongeur semi-aquatique construit des barrages sur les cours d'eau en utilisant du bois, des pierres et de la boue. Il peut également creuser des étangs et des canaux dans une grande variété de paysages.
On sait aujourd'hui que ces constructions ont un impact important sur les écosystèmes. En bloquant les flux ou en ouvrant de nouvelles voies, elles ont notamment pour effet de répandre l'eau à travers le paysage. Un processus qui peut s'avérer particulièrement bénéfique en cas de conditions extrêmes telles que des sécheresses ou des inondations.
. Un barrage construit par des castors sur une rivière du nord de la Californie. © Walter Siegmund/CC BY 2.5 (Photo à voir sur site)
Des études ont montré que la végétation à proximité des étangs de castor souffrait moins du manque d'eau en période de sécheresse. Mais les bénéfices du rongeur ne s'arrêteraient pas là. La végétation sèche étant plus susceptible de brûler que la végétation verte et luxuriante, les scientifiques soupçonnaient déjà que les activités du castor pouvaient influer sur les feux de forêt. Restait à le démontrer.
- Des incendies avec ou sans castors
C'est ce que Emily Fairfax, écohydrologue de l'université d'État de Californie à Channel Islands, et son collègue Andrew Whittle de l'Ecole des Mines du Colorado se sont appliqués à faire. Ils ont sélectionné des incendies majeurs survenus depuis 2000 dans cinq Etats américains - la Californie, le Colorado, l'Idaho, l'Oregon et le Wyoming -, avec des ampleurs et intensités différentes.
Chacun des feux impliquait des rivières ayant montré des zones d'activité de castors. Les chercheurs ont ainsi collecté des images obtenus par satellite pour rechercher d'éventuels barrages et étangs construits dans chaque zone. Enfin, ils se sont intéressés à l'abondance de la végétation avant, pendant et après les incendies.
Les spécialistes ont constaté que la végétation était en moyenne trois fois moins affectée par les feux dans les zones avec castors que dans les zones qui en étaient dépourvues. Dans les premières, la flore est ainsi apparue presque aussi luxuriante après les incendies qu'avant. Dans les secondes, en revanche, son abondance était significativement réduite.
"Nos résultats indiquent que l'activité des castors joue un rôle significatif dans la protection de la végétation environnante durant les incendies, et qu'il s'agit d'un phénomène systématiquement visible à travers les paysages", écrivent les auteurs dans leur rapport. Sans surprise, l'eau est au cœur de cet effet protecteur apporté par les rongeurs.
D'après les chercheurs, les données suggèrent que les zones abritant des constructions de castors recèlent suffisamment d'eau pour hydrater la végétation si un feu se déclenche. Les plantes ont alors moins de risque de se mettre à brûler. "C'est comme tenter de démarrer un feu avec une pile de feuilles humides plutôt qu'avec du petit bois", illustrent Emily Fairfax et Andrew Whittle.
Les castors et la flore ne seraient pas les seuls à bénéficier de cet effet. D'autres animaux y compris des amphibiens, des reptiles, des oiseaux, des petits mammifères ou encore du bétail, pourraient aussi profiter de ces refuges, comme le soulignent les chercheurs. Ils "pourraient être particulièrement importants pour toutes les espèces incapables d'échapper physiquement aux incendies".
En plus de ces observations, les données ont permis de comparer la régénération de la végétation après des feux. Aucune différence majeure n'est apparue entre les zones avec et sans castors, laissant penser que ces derniers ne jouent pas de rôle significatif dans le phénomène. Ce serait pourtant bien le cas selon une autre étude dont les résultats restent à publier.
Dirigés par Alexa Whipple, directrice du Methow Beaver Project, ces travaux laissent penser que les rongeurs favoriseraient le retour des espèces natives et limiteraient à l'inverse les espèces invasives. "Si vous avez un paysage plus humide, vous allez résister au feu et mieux vous en remettre", a affirmé Alexa Whipple au National Geographic.
- Des solutions naturelles contre les incendies
"L'étude d'Emily ne pouvait pas mieux tomber", a confié au site Joe Wheaton, chercheur à l'université d'Etat de l'Utah qui a observé en 2018 une poche de végétation ayant résisté à un incendie dans l'Idaho grâce à des castors. "Ceci met en évidence l'importance des solutions basées sur la nature et des infrastructures naturelles (contre les incendies), et nous donne la science nécessaire pour les soutenir".
A travers ces recherches, Emily Fairfax espèrent également redorer le blason des castors encore parfois considérés comme nuisibles en raison des barrages qu'ils construisent, des arbres qu'ils grignotent et des éventuels dommages causés sur les constructions humaines. Des milliers d'entre eux sont ainsi tués chaque année aux Etats-Unis.
"Adopter de façon stratégique les castors dans les bassins hydrologiques locaux pourraient apporter la garantie d'avoir des sols humides et des plantes luxuriantes autour de votre ville", a conclu la spécialiste pour le National Geographic.
Photo: Le castor est connu pour être un ingénieur des écosystèmes en raison des constructions qu'il réalise dans son environnement. © Troy Harrison/Getty Images
Emeline Férard
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Posté Le : 19/03/2022
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Emeline Férard - Publié le 23/09/2020
Source : https://www.geo.fr