"Nous voulons que nos enfants vivent dans une Amérique qui ne soit pas menacée par le pouvoir destructeur d'une planète qui se réchauffe": ces mots prononcés par Barack Obama à Chicago, mardi 6 novembre, après sa victoire à l'élection présidentielle américaine, ont rallumé chez les écologistes l'espoir de voir le pays relancer sa politique de lutte contre le changement climatique.
Le soir même, devant la Maison Blanche, de jeunes militants brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "Day 1: climate action", réclamant que le président s'attaque sans délai au dossier.
L'espoir est pourtant fragile, alors que les Etats-Unis ont assis leur rebond économique sur l'exploitation de ressources fossiles, le pétrole et le gaz de schiste, bien plus que sur les énergies renouvelables.
Grand absent de la campagne malgré la sécheresse historique qui a ravagé le pays cet été, le thème du réchauffement n'a fait irruption dans la présidentielle qu'à la dernière minute, dans le fracas de l'ouragan Sandy.
C'est parce que le président sortant était le mieux à même, d'après lui, de lutter contre le changement climatique que le maire de New York, Michael Bloomberg, a apporté, le 1er novembre, son soutien au candidat démocrate.
Que peut faire Barack Obama?
En 2010, face à l'opposition républicaine, le président américain avait dû renoncer à faire adopter par le Sénat son projet de loi sur le climat, censé imposer des mesures contraignantes pour limiter les rejets de gaz à effet de serre.
Mercredi, au lendemain de la réélection de M. Obama, le chef de file démocrate au Sénat, Harry Reid, a dit espérer que les sénateurs remettront sur le métier la législation sur le climat – sans toutefois s'engager sur le moindre calendrier.
"Le changement climatique est un sujet extrêmement important à mes yeux et j'espère que nous pouvons le régler raisonnablement", a assuré M. Reid.
L'ARME DE LA RÉGLEMENTATION
Mais si les démocrates ont conservé le contrôle du Sénat, les républicains gardent la majorité à la Chambre des représentants. Et bien qu'une partie des nouveaux élus démocrates doivent leur siège au soutien de groupes écologistes, la composition du Congrès n'est "pas très différente de la précédente" législature, relève Dave Hamilton, chargé du climat au Sierra Club, la plus grande organisation américaine de défense de l'environnement.
Les chances sont donc minces de voir adopté le marché de quotas de CO2 un temps proposé par l'administration Obama.
"En écoutant parler, mercredi, des porte-parole des membres républicains du Congrès, je ne les ai pas trouvés disposés à faire des compromis", observe M. Hamilton.
Barack Obama pourrait donc, comme en 2011, faire appel à l'Agence de protection de l'environnement (EPA) et à l'arme réglementaire pour tenir son engagement international de réduire les émissions américaines de 17 % d'ici à 2020 par rapport à 2005.
Gelés pendant la campagne, des décrets de l'EPA destinés à encadrer la production de charbon, de pétrole et de gaz de schiste pourraient revenir sur l'agenda.
"Ce second mandat va être plus rude pour le pétrole et le gaz, étant donné qu'Obama a moins intérêt à les protéger maintenant que sa dernière élection est derrière lui", analyse le consultant Robert McNally, ancien conseiller à l'énergie à la Maison Blanche sous la présidence de George Bush.
Les spéculations vont bon train à Washington pour savoir si l'administratrice de l'EPA, Lisa Jackson, qualifiée de "femme la plus dangereuse du pays" par l'industrie, sera confirmée à son poste.
ENCADRER LE GAZ DE SCHISTE
Les autorisations accordées par l'EPA aux raffineries et aux centrales électriques fonctionnant aux énergies fossiles pourraient rapidement être conditionnées à leurs émissions de CO2.
Pour limiter les fuites de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, les exploitants de gaz de schiste devront aussi brûler les rejets de méthane à la sortie des puits.
Et, à partir de 2015, ils devront capter ces gaz pour permettre leur réutilisation.
Les groupes écologistes font aussi pression pour que Washington durcisse les lois fédérales sur l'air et sur l'eau afin de limiter les pollutions liées à la fracturation hydraulique, utilisée dans le forage des puits de gaz de schiste.
La stricte application du Clean Air Act de 1970 "permettrait de réduire les émissions de CO2 de 16 % ou 17 % sous leur niveau de 2005", estime Nat Keohan, directeur de l'ONG Environmental Defense Fund.
Cela suffira-t-il à inverser le jeu des Etats-Unis dans la négociation internationale sur le climat?
Jusqu'à ce jour, l'envoyé spécial américain, Todd Stern, s'est illustré par son immobilisme et son inflexibilité dans la recherche d'un accord global de lutte contre le réchauffement.
La prochaine session, prévue à Doha à partir du 26 novembre, donnera le ton.
* Photo: Puits de gaz de schiste, à Springfield, en Pennsylvanie. | AFP/SPENCER PLATT
Grégoire Allix
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Posté Le : 10/11/2012
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: AFP/SPENCER PLATT ; texte: Grégoire Allix du vendredi 9 novembre 2012
Source : lemonde.fr/planete