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Planète - Climat: La température augmente, comme nos conflits avec les animaux


Planète - Climat:  La température augmente, comme nos conflits avec les animaux


Selon une revue de littérature scientifique, la raréfaction des ressources et la réduction des habitats naturels ont amplifié le risque de frictions entre les animaux sauvages et les êtres humains.

Le changement climatique exacerbe les «conflits» entre la faune sauvage et les humains. C’est ce que montre une revue de littérature scientifique publiée lundi 27 février dans Nature Climate Change. Ses auteurs, une équipe de neuf chercheurs des universités du Michigan, de Washington et de Colombie-Britannique sont parvenus à cette conclusion après avoir examiné une cinquantaine d’études scientifiques réalisées entre 1994 et 2021. Leur analyse montre que l’augmentation de la température globale génère des rencontres violentes, parfois mortelles, entre des humains et des animaux sauvages sur l’ensemble de la planète (à l’exception de l’Antarctique).

Par «conflit», les scientifiques désignent des interactions directes entre des humains et des non-humains, aux conséquences funestes pour les uns ou les autres. L’attaque d’un randonneur par un ours, par exemple, le massacre d’un troupeau de moutons bleus par un léopard des neiges, ou encore la collision mortelle entre une baleine et un navire. Ces conflits impliquent toutes sortes d’oiseaux, de poissons, de mammifères, de reptiles et d’invertébrés, dont le poids peut osciller entre quelques milligrammes, dans le cas du moustique, et plusieurs tonnes, pour l’éléphant d’Afrique.

«Ces conflits ont souvent lieu au sein de communautés pastorales qui ne disposent pas d’une grande sécurité économique et sont déjà très vulnérables au changement climatique, précise à Reporterre Briana Abrahms, professeure à l’université de Washington et coautrice de cette étude. Mais, même dans les pays plus riches, les communautés agricoles peuvent être très impactées.»

. Les collisions mortelles entre des baleines et des navires ont augmenté ces dernières années. Pxhere/CC0 (Photo, à voir sur site)

- Bataille autour de l’accès à l’eau

Les rencontres entre humains et animaux sauvages ne datent pas d’hier. L’augmentation de la température, les sécheresses, les changements de régime de précipitation et autres manifestations du bouleversement climatique ont cependant «amplifié» ce phénomène, selon l’équipe de chercheurs. Au cours de la dernière décennie, le nombre d’articles scientifiques établissant un lien entre l’augmentation de la température globale et les conflits interespèces a quadruplé, observent-ils.

Parmi les principaux facteurs de risque identifiés par les chercheurs: la raréfaction des ressources en eau et en nourriture, qui poussent humains et animaux sauvages à s’aventurer dans de nouveaux territoires propices aux mauvaises rencontres. Ce mécanisme a été mis en lumière dans 74 % des études publiées sur le sujet au cours des trente dernières années.

La réduction des précipitations dans la péninsule du Yucatán, au sud-est du Mexique, pousse par exemple les tapirs à s’introduire dans les villages en quête d’eau, selon un article publié en 2021 dans la revue scientifique Neotropical. En Tanzanie, en 2009, une sécheresse particulièrement intense a forcé des d’éléphants à se servir dans les champs de petits agriculteurs, détruisant des canalisations sur leur passage. Six d’entre eux ont été tués par les villageois en représailles. Au Soudan du Sud, lorsque l’eau vient à manquer, les éleveurs emmènent leurs troupeaux pâturer près des rivières où vivent les crocodiles. En raison de la désertification progressive du pays, les scientifiques s’attendent à ce que le nombre d’attaques mortelles augmente.

- Les incidents avec des ours ont triplé

Autre facteur de frictions entre humains et non-humains: la disparition progressive de certains habitats, notamment glacés. En Arctique, la fonte de la banquise contraint les ours polaires à chasser sur des terres habitées. À Churchill, dans la province canadienne du Manitoba, à l’est du pays, le nombre d’incidents entre ours et humains a triplé entre 1970 et 2005.

Le changement climatique modifie également les habitudes humaines et animales, ce qui augmente la probabilité qu’elles empiètent l’une sur l’autre. Entre 2014 et 2016, la côte ouest des États-Unis a par exemple subi une canicule marine intense, à laquelle s’est greffé un épisode de prolifération algale. Ces deux événements ont forcé les pêcheurs à retarder l’ouverture de la saison de pêche, qui a fini par coïncider avec la période de migration des baleines. Résultat: le nombre de cétacés entremêlés dans les filets a été multiplié par cinq. En Amérique du Nord, l’augmentation de la température a diminué la période d’hibernation des ours noirs. Ces derniers ont donc davantage de chance de tomber nez à nez avec des humains au cours de l’année.

. Avec l’augmentation des températures, les ours hibernent de plus en plus tard. Les randonneurs ont donc plus de risques de tomber sur l’un d’entre eux. Pxhere/CC0 (Photo, à voir sur site)

Les conséquences de ces rencontres peuvent être graves, souligne l’équipe de chercheurs. 45 % des conflits mentionnés dans la littérature scientifique ont débouché sur la mort d’un ou plusieurs animaux sauvages; 43 % ont entraîné le décès d’un ou plusieurs humains. Les répercussions économiques sont également importantes. Dans près de la moitié des cas étudiés, des champs ont été détruits ou des troupeaux tués, entraînant une réduction notable de la production alimentaire. «Il y a beaucoup de bénéfices à avoir des animaux sauvages dans notre paysage, tient à préciser Briana Abrahms. Les humains en tirent beaucoup de bienfaits. Mais lorsque nos activités se chevauchent, il peut y avoir des conflits.»

- Sensibiliser et anticiper

Que faire pour les éviter? Les auteurs de cette revue de littérature donnent quelques pistes pour mieux partager notre monde bouleversé avec le reste du vivant. En Amérique centrale, les humains ont par exemple coutume d’installer des abreuvoirs dans les endroits prisés par les tapirs afin de limiter leurs visites importunes. Dans l’océan, la mise en place d’aires marines protégées mobiles, dont les frontières évolueraient en fonction des conditions environnementales, pourrait également limiter les interactions funestes entre les animaux marins et les pêcheries.

«Sensibiliser le grand public au fait que ces conflits vont augmenter à cause du changement climatique peut aider les gens à mieux se préparer, en fortifiant leurs clôtures, par exemple, ou en faisant rentrer leurs troupeaux plus tôt dans la journée», ajoute Briana Abrahms. La chercheuse évoque l’exemple des attaques d’ours au sud-ouest des États-Unis: «Une étude a montré qu’elles étaient plus probables lors des années sèches, où les ours ont moins de nourriture disponible. On peut donc assez bien prédire quand il risque d’y avoir des problèmes. En faisant des campagnes de sensibilisation, on pourrait pousser les gens à être plus vigilants lorsqu’ils font de la randonnée, à mieux sécuriser leur nourriture...»

Le plus crucial reste cependant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, et mettre un terme à la destruction des forêts, des jungles et des mers où vivent les animaux sauvages. Nos relations avec le reste du vivant risquent, sans cela, de ressembler à un immense champ de bataille.





Photo: Les rencontres entre humains et animaux sauvages peuvent s'avérer mortelles. Photo d'illustration d'un zèbre en Allemagne, 2019. - © AFP/DPA/ Bernd Wüstneck

Voir l'article dans son intégralité avec plus d'illustrations: https://reporterre.net/La-temperature-augmente-comme-nos-conflits-avec-les-animaux

Par Hortense Chauvin




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