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Planète (Amérique du Sud) - Incendies au Chili: «On aurait dit un monstre qui crachait du feu»



Planète (Amérique du Sud) - Incendies au Chili: «On aurait dit un monstre qui crachait du feu»


Les incendies meurtriers au Chili, renforcés par la sécheresse du sol et de l’air, ont déferlé à une vitesse inouïe sur des quartiers exposés. Des habitants qui ont dû quitter leurs maisons en courant témoignent.

Chili, correspondance

«Vendredi [2 février], en fin d’après-midi, ma femme, ma fille et mes petits-fils étaient à la plage. Il faisait anormalement chaud en cette journée d’été austral. J’étais resté au frais à l’intérieur de la maison, quand une braise a embrasé le toit en tombant dessus», raconte Gabriel, un habitant de Viña del Mar, dans le centre du Chili.

El Olivar, son quartier situé sur les hauteurs de la ville, est l’un des plus touchés par les gigantesques incendies qui ont ravagé le centre du pays. «J’ai essayé d’éteindre le feu avec le tuyau d’arrosage mais il se propageait trop vite. Je suis parti en courant, en dévalant la colline à pied.»

Sa maison fait partie des quelque 6.000 habitations qui ont brûlé entre vendredi et dimanche soir, dans le Grand Valparaíso. «C’est la plus grande tragédie qu’a connu le Chili depuis le tremblement de terre de 2010», a déclaré le président, Gabriel Boric.

«On aurait dit un monstre gigantesque qui crachait du feu»

Diego, un voisin de Gabriel, qui est lui aussi parti se réfugier chez sa famille, raconte que «les flammes sautaient littéralement d’une colline à l’autre. On aurait dit un monstre gigantesque qui crachait du feu». Il décrit «un vent violent et une chaleur insoutenable». Rodolfo, un autre habitant d’El Olivar, est rentré du travail vers 18 h 30, quelques minutes avant que les flammes ne consument sa maison. «J’ai tout de suite compris que tout allait partir en fumée, témoigne-t-il. J’ai attrapé quelques masques qui traînaient chez moi et je suis descendu pour alerter les voisins qui vivent plus bas.»

Construites sur les collines escarpées, les maisons aujourd’hui calcinées sont desservies par «des rues très étroites. Des embouteillages se sont rapidement générés empêchant toute évacuation. On ne pouvait plus respirer, ni fuir avec nos véhicules», poursuit Rodolfo. En moins de trente minutes, le quartier d’El Olivar a été réduit en cendres. Aucun des habitants ne pensait que les flammes arriveraient si vite; raison pour laquelle ils n’ont pas évacué la zone.

- Un environnement inflammable

«La géographie du Grand Valparaíso est très complexe», explique Luis Alvarez, professeur de géographie à l’université catholique de Valparaíso. Les centaines de collines urbanisées sont séparées par des ravins qui atteignent parfois 150 mètres de profondeur, ce qui «génère différentes densités atmosphériques qui accélèrent la propagation des feux».

À cela s’ajoute que les quartiers sinistrés sont des quartiers populaires, «où les gens ont construit leurs maisons de façon précaire, avec des matériaux légers inflammables, comme le bois». Plusieurs habitants n’ont pas voulu s’enfuir pour protéger leurs maisons et y sont malheureusement décédés. Lundi soir, à 20 heures, les autorités avaient établi un bilan, provisoire, de 123 décès.

Le feu s’est déclaré vendredi matin, sur les hauteurs du Grand Valparaiso, à quelques kilomètres des quartiers sinistrés. Les investigations sur son origine restent encore à déterminer. «Il a [ensuite] généré des dizaines de foyers en quelques minutes», explique Luis Alvarez, en s’alimentant «d’une énorme quantité de matière combustible», principalement des plantations de pins et d’eucalyptus abandonnées dans les années 80.

«Ces espèces exotiques puisent beaucoup d’eau dans les sous-sols.» Or, les nappes phréatiques du centre du Chili sont presque à sec, après quinze années de sécheresse. Quand il n’y a plus d’eau, «les pins et eucalyptus absorbent l’eau de l’atmosphère et se transforment en matière hautement inflammable». «Le monstre gigantesque qui crache du feu», que décrit Diego, est une excellente description de l’incendie, dit Luis Alvarez. Lui parle d’un «incendie dragon». Lorsque les flammes ont atteint la zone urbaine, elles avaient généré jusqu’à quatre-vingt-dix foyers.

Mais la sécheresse et les plantations forestières abandonnées ne sont pas les seuls facteurs aggravants. Luis Alvarez raconte que, dans cette région du Pacifique, l’humidité se situe généralement autour de 70 %. Quand l’incendie s’est déclaré, «l’humidité avait chuté à moins de 30 %. C’est comme si l’atmosphère devenait inflammable!» Pour le professeur de géographie, ces changements atmosphériques brutaux sont directement liés aux dérèglements climatiques, et au phénomène El Niño.

Avant cette tragédie, l’incendie le plus meurtrier dans le pays avait fait seize morts. C’était en 2014. «Les incendies de cette ampleur ne feront qu’augmenter et les populations vont devoir apprendre à s’adapter», dit Luis Alvarez, fataliste.






Photo: Un quartier détruit par les incendies au Chili, le 4 février 2024. - Gobierno de Chile / CC BY 3.0 CL Deed

Par Marion Esnault




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