Un poisson avec "une tête en forme de goutte", une salamandre arboricole, une souris amphibie, une chauve-souris frugivore à queue courte... Ces animaux figurent parmi les incroyables découvertes réalisées par les chercheurs de l'ONG Conservation International lors d'une expédition dans l'Alto Mayo au Pérou, une région menacée par la déforestation.
Alors que l'humain pense parfois avoir exploré tous les recoins de la planète, la nature continue de lui offrir des surprises exceptionnelles. Preuve en est: 27 nouvelles espèces animales ont été découvertes lors d'une expédition en Amazonie péruvienne, dans la région de l'Alto Mayo.
Pendant 38 jours, une équipe de chercheurs du RAP (Programme d'Évaluation Rapide) de l'ONG Conservation International a mené une étude biologique, répertoriant plus de 2.000 espèces.
- L'Alto Mayo: un écosystème unique mais menacé
L'Alto Mayo s'étend sur près de 780.700 hectares dans le bassin supérieur du fleuve Mayo, situé dans les provinces de Moyobamba et de Rioja, au cœur du département de San Martin, au Pérou. Ce paysage diversifié abrite des communautés indigènes du groupe Awajún, ainsi que plusieurs villes et villages. Cependant, avec une population dense, la région fait face à une forte déforestation et à une expansion agricole qui menacent sa biodiversité unique.
. Lever de Soleil sur le paysage de l'Alto Mayo, avec la cordillère des Andes en arrière-plan. Cette photo a été prise à l'aide d'un drone. Crédit : Trond Larsen (Voir photo sur site ci-dessous)
Pendant un mois, une équipe de 13 scientifiques et 7 assistants techniques locaux a mené une étude biologique dans huit zones encore mal documentées, couvrant une variété d'écosystèmes. L'objectif était de mieux comprendre cette partie centrale de l'Alto Mayo afin de fournir des données essentielles pour le développement d'un corridor de conservation reliant deux zones protégées: la forêt de protection d'Alto Mayo et la zone de conservation régionale de la Cordillère Escalera.
Les chercheurs de Conservation International ont été rejoints sur le terrain par des scientifiques péruviens de l'UCSM (Université Catholique de Santa Maria). Mais aussi par des experts locaux dotés de vastes connaissances traditionnelles, la FERIAAM (la Fédération régionale autochtone des communautés Awajun d'Alto Mayo) représentant 16 peuples de la région amazonienne de San Martin et Loreto.
Une fois sur le terrain, les chercheurs ont complété les méthodes d'enquêtes traditionnelles par des technologies comme des pièges photographiques, des capteurs bioacoustiques ou de l'ADN environnemental collecté dans l'eau. Et leurs observations sont extraordinaires...
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- Une souris amphibie, un écureuil nain et un poisson étrange parmi les découvertes
Sur les 2.046 espèces recensées, au moins 34 semblent ne vivre que dans la région de l'Alto Mayo ou à San Martin. Au total, ce sont 151 mammifères (quatre nouvellement documentés dont une chauve-souris frugivore à queue courte, un écureuil nain, une souris épineuse et une souris amphibie), 68 espèces de poissons (dont 8 nouvelles comme le poisson à "tête en forme de goutte"), 45 reptiles et amphibiens (dont trois nouveaux: une grenouille de pluie, une grenouille à bouche étroite et une salamandre arboricole), 289 insectes, 536 oiseaux, 955 espèces végétales et enfin, 48 découvertes encore en cours d'analyse.
L'espèce appartient à un groupe de rongeurs semi-aquatiques considéré comme l'un des plus rares au monde, et les quelques espèces connues n'ont été observées que quelques fois par les scientifiques, et il reste encore beaucoup à apprendre sur leur écologie.
. La souris amphibie appartient à un groupe de rongeurs semi-aquatiques considéré comme l'un des plus rares au monde. Crédits : Conservation International/ photo de Ronald Diaz (Voir photo sur site ci-dessous)
"Découvrir quatre nouveaux mammifères au cours d’une expédition est surprenant. Les trouver dans une région où vivent d’importantes populations humaines est extraordinaire", a déclaré dans un communiqué Trond Larsen, qui a dirigé le programme d’évaluation rapide de Conservation International au Moore Center for Science.
. Photographie d'un écureuil nain. Après une révision taxonomique appropriée, cette espèce nouvelle pour la science appartiendra également à un nouveau genre - un niveau de distinction plus élevé qu'une simple nouvelle espèce. Crédits : Conservation International /photo de Ronald Diaz (Voir photo sur site ci-dessous)
"Ces résultats soulignent que même dans les zones fortement influencées par l’Homme, la biodiversité peut perdurer, mais seulement si les écosystèmes sont gérés de manière durable", poursuit Trond Larsen.
. Ce poisson à 'tête en forme de goutte' (Chaetostoma sp.) est également nouveau pour la science. Sa tête élargie en forme de goutte est une caractéristique que les scientifiques n'avaient jamais vue auparavant. La fonction de cette structure inhabituelle reste un mystère. Crédits : Conservation International/photo de Robinson Olivera (Voir photo sur site ci-dessous)
- Préserver la biodiversité et la culture Awajún
Les données récoltées lors de l'expédition du RAP de l'Alto Mayo ont donc permis de combler de nombreuses lacunes et sont désormais utilisées par diverses parties prenantes, telles que l'ONG CI, le gouvernement régional, les peuples autochtones et les communautés locales. Ces informations serviront à élaborer un plan de gestion spatiale pour l'Alto Mayo, visant à protéger et à gérer durablement cette région unique.
"Cette évaluation rapide permet aux Awajún de protéger notre culture, nos ressources naturelles et notre territoire, car nous avons un lien profond avec la nature", rapporte dans un communiqué du CI, Yulisa Tuwi, une femme Awajún qui a participé à la recherche sur les reptiles et les amphibiens. "Participer à cette recherche m’a permis de mieux comprendre comment les plantes, les animaux et les écosystèmes interagissent les uns avec les autres, et comment cela fait partie de notre cosmovision Awajún", poursuit-elle.
En plus des nouvelles espèces découvertes, l'expédition a mis en lumière 49 espèces déjà classées comme menacées sur la Liste rouge de l'UICN. Parmi elles, deux primates en danger critique d'extinction: le singe laineux à queue jaune du Pérou et le singe titi de San Martin. L'expédition a également observé deux oiseaux en voie de disparition, le piculet à poitrine tâchetée et la chouette à longues moustaches, ainsi qu'une grenouille arlequin (photo ci-dessous) en péril.
Cette grenouille arlequin (Atelopus seminiferus) est considérée comme en danger par la Liste rouge de l'UICN. L'équipe d'évaluation rapide de Conservation International a découvert des populations jusqu'alors inconnues de cette espèce importante dans des zones et à des altitudes où l'espèce n'avait pas été observée auparavant. Crédit: Trond Larsen (Voir photo sur site ci-dessous)
Photo: Une nouvelle espèce de salamandre (Bolitoglossa sp.) qui passe la majeure partie de son temps dans la végétation basse et les arbustes. Elle appartient à un groupe de salamandres connues sous le nom de salamandres grimpantes tropicales ou salamandres à langue fongique, qui attrapent des insectes et d'autres proies avec leur longue langue collante. © TROND LARSEN
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Par Julie de Coucy
Posté Le : 01/01/2025
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par Julie de Coucy le 30.12.2024
Source : https://www.sciencesetavenir.fr/