Des scientifiques ont analysé les génomes de deux condors de Californie et constaté que leurs ADN correspondaient à 100% à celui de leurs mères. Les mâles seraient nés sans l'intervention d'un père grâce à un processus appelé parthénogenèse. Une découverte inédite chez l'espèce.
Avec ses près de trois mètres d'envergure, le condor de Californie (Gymnogyps californianus) représente le plus grand oiseau terrestre d'Amérique du Nord. Mais l'espèce ne se porte malheureusement pas au mieux. Elle est même classée en danger critique d'extinction par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
En cause: l'utilisation de pesticides dont le DDT, la dégradation de son habitat, les empoisonnements au plomb ou encore le braconnage qui ont fait drastiquement chuter la population. Au début des années 1980, à peine une vingtaine de condors étaient répertoriés. Ce qui a déclenché la mise en place d'un programme de reproduction en captivité.
Depuis, ses efforts ont porté leurs fruits. La population est désormais estimée à plus de 500 individus, dont 300 ont été réintroduits en Californie, en Arizona, en Utah et au Mexique. Ce sont deux d'entre eux qui ont révélé une étonnante découverte annoncée cette semaine dans une étude publiée par la revue Journal of Heredity.
- Des preuves inédites de parthénogenèse
Selon ce rapport, les femelles condors seraient capable de pratiquer la parthénogenèse. Autrement dit, de se reproduire sans l'intervention d'un mâle. Ceci se produit lorsqu'un individu se développe à partir d'une cellule sexuelle femelle non fécondée, donc sans apport de matériel génétique mâle.
Bien qu'il soit rare, ce processus est déjà connu chez d'autres espèces telles que des requins, des raies, des serpents, des lézards et a été observé chez certains oiseaux en captivité dont des dindes et des poules. C'est en revanche la première fois que des preuves d'une telle reproduction sont identifiées chez l'espèce G. californianus.
Dans le cadre du programme de reproduction, les spécialistes ont établi un registre qui identifie tous les mâles et les femelles et mentionne qui s'est reproduit avec qui, combien de petits sont nés de cette reproduction et ce qu'il en est advenu. C'est à l'aide de ce registre qu'ils se sont penchés sur deux mâles en particulier, SB260 et SB517, nés en 2001 et 2009 respectivement.
- Des ADN 100% issus des mères
En s'intéressant à leurs génomes, ils ont fait une observation inattendue: les ADN ne comportaient aucun trace des mâles censés être leurs pères. A l'inverse, ils correspondaient à 100% à ceux de leurs mères. Seule explication possible: les deux mâles seraient nés par parthénogenèse.
Si des cas ont bien été observés chez des oiseaux par le passé, il s'agissait généralement de femelles n'ayant pas accès à des mâles. C'est ici que l'affaire des condors prend une tournure plus étrange encore: d'après le registre, les deux femelles concernées étaient bien avec des mâles et s'étaient même déjà reproduites avec eux avec succès.
"Que s'est-il passé? Nous ne le savons simplement pas", a expliqué au National Geographic, Oliver Ryder, généticien de la San Diego Zoo Wildlife Alliance. Mais "nous savons que ça s'est produit plus d'une fois, et chez des femelles différentes. Cela se reproduira-t-il encore une fois? Je pense que oui".
Cette découverte suggère que la parthénogénèse pourrait être un mode de reproduction moins rare qu'on ne le pensait. Si la plupart des naissances "miracles" observées jusqu'ici l'ont été en captivité chez certains animaux, il est possible que d'autres vertébrés en soient capables, y compris dans la nature, sous certaines conditions qui restent à élucider.
- Deux mâles qui souffraient de problèmes de santé
Dans le cas présent, les chercheurs ne pourront malheureusement pas en apprendre davantage sur les "naissances vierges" (en anglais "virgin birth") de SB260 et SB517. Le premier est mort deux ans après avoir été relâché et le second n'a jamais quitté la captivité et a succombé à l'âge de huit ans. Aucun des deux n'a subi d'examens poussés de son vivant, ni d'examen post-mortem.
"Pour les personnes qui s'en occupaient, ces condors étaient comme les autres", a précisé Oliver Ryder à The Atlantic. On sait en revanche que les deux souffraient de problèmes de santé. SB260 a toujours été petit et ne s'intégrait pas bien aux spécimens sauvages. SB517 lui, avait une colonne vertébrale incurvée et des difficultés à marcher.
Difficile de dire si ces troubles étaient liés au fait qu'ils soient parthénogénotes. Mais des exemples similaires sont apparus chez d'autres espèces. Dans le cas des condors, toutefois, il est déjà intéressant que les individus aient réussi à éclore et à atteindre un certain stade de maturité, bien qu'ils ne se soient pas reproduits.
Oliver Ryder et ses collègues ont publié plus tôt cette année une étude complète sur le génome du condor qui pourrait aider à mieux comprendre comment le processus fonctionne chez l'espèce. Avec ces recherches, les scientifiques espèrent aussi mieux guider le programme de reproduction pour empêcher le plus grand oiseau terrestre d'Amérique du Nord de disparaitre.
Photo: Un condor de Californie (Gymnogyps californianus). © Mark Newman/Getty Images
Emeline Férard
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Posté Le : 31/10/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Emeline Férard - Publié le 29/10/2021
Source : https://www.geo.fr