Reportage: Petit pays d’Amérique centrale, le Costa Rica s’évertue depuis trente ans à reboiser ses forêts. Par des initiatives publiques à travers les parcs nationaux et des récompenses financières aux particuliers œuvrant pour la biodiversité. COP26, des solutions au changement climatique.
L’amitié, ça se mérite. Le parc naturel du même nom aussi. Pour pénétrer l’aire de conservation de La Amistad, il faut sortir de la Route panaméricaine, s’engouffrer en 4 × 4 dans la cordillère émeraude de Talamanca, là où les pneus classiques n’avancent plus, et continuer à pied sous la forêt primaire. Le mont Chirripo, la plus haute montagne d’Amérique latine, n’est pas loin, derrière le manteau vert.
«Ici, on n’a pas de minerais, ni d’hydrocarbures. Mais on a ça», sourit Shankar Sied, propriétaire de la réserve Aurora, au sein de La Amistad. Plus il s’enfonce, plus la couverture végétale y est dense. Une montagne se découvre, un flanc est couvert d’un bois centenaire, l’autre d’arbres à peine matures. «Cette parcelle a 20 ans, c’est l’exemple type de reforestation récente ici, au Costa Rica.» Plus loin, un pré où broutent des vaches, et des jeunes troncs en maturation.
- Des rétributions pour bonne conduite écologique
Petite langue de terre entre Pacifique et Caraïbe, le Costa Rica n’a pas attendu la COP21 de 2015 à Paris pour se mettre à l’écologie: de 20 % dans les années 1980, les Ticos se vantent d’avoir dépassé les 52 % de couverture forestière en 2017: un record. À la COP21, la vice-présidente de l’époque, Ana Helena Chacón, avait prôné une action climatique centrée sur l’humain, qui devait inclure «des mesures d’adaptation qui garantissent aux communautés, surtout les plus vulnérables, d’augmenter leur résilience et leur développement».
Car si le Costa Rica a regagné sa biodiversité, c’est en grande partie grâce à une politique de subventions incitant les habitants à s’investir dans l’économie verte. En 2020, le pays a créé le Contrat pour la réduction des émissions forestières (Cref). Les forêts étant de véritables puits de carbone, chaque hectare boisé rapportera 18 dollars (15 €) à son propriétaire, comme c’est le cas pour la réserve Aurora où travaille Shankar.
Objectif: «conserver 535.000 hectares de forêt primaire pour capter encore plus de gaz à effet de serre», détaille Gilmar Navarrete, responsable au Fonds de financement forestier (Fonafifo), chargé de rétribuer ce dû. «Nous avions présenté ce projet de subventions auprès du Fond vert pour le climat», un organe rattaché à l’ONU qui a récompensé le Costa Rica de 54 millions de dollars (46 millions d’euros) pour financer le Cref. Ce dû vient donc s’ajouter à d’autres incitations, dont le Paiement pour service environnemental (PSA), «un impôt de 3,5 % sur les hydrocarbures pour récompenser les efforts des propriétaires, qui a grandement contribué à la reforestation du pays», rappelle Pablo Castillo, ingénieur forestier.
- Vers une Constitution verte
Au détour d’un sentier, un rapace coiffé d’une houppette s’envole. «C’est un aigle orné, un symbole de ces bois», lâche Shankar. Chaque réserve qui recrée sa biodiversité non seulement capte de plus en plus de carbone, mais rebouche aussi les trous laissés par l’homme et reconstitue les couloirs de migration. Alors qu’il ne représente que 0,03 % de la surface du globe, le Costa Rica abrite 5 % de la biodiversité mondiale. Un quart du territoire est aujourd’hui considéré comme protégé en parc ou en réserve.
Par ailleurs, certains députés discutaient en août d’une loi interdisant l’exploration et l’extraction d’hydrocarbures afin de réduire toujours plus son empreinte carbone. «On va dans le bon sens, estime Pablo Castillo. Mais il faut continuer, déterminer des zones sans interaction avec l’être humain car il y a toujours des politiques ou des entreprises qui veulent profiter de la terre. On n’est jamais à l’abri d’un retour en arrière.»
Le 17 octobre, la République du Costa Rica a remporté le prix Earthshot qui récompense les initiatives «ayant un impact considérable» sur l’environnement. Pas juste une victoire, mais un sceptre de légitimité. «À la COP26, on espère que la communauté internationale prendra de véritables mesures cette fois-ci et assurera le suivi, prévient Gilmar Navarrete. Dernièrement, il y a eu beaucoup de discussions pour peu de mesures.»
Photo: Alors qu’il ne représente que 0,03 % de la surface du globe, le Costa Rica abrite 5 % de la biodiversité mondiale. Ici, dans le parc national Carara.
JEFFREY ARGUEDAS/EPA
Esteban Rios (envoyé spécial au parc national de La Amistad)
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Posté Le : 01/01/2022
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Esteban Rios (envoyé spécial au parc national de La Amistad), le 12/11/2021
Source : https://www.la-croix.com/