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Planète - Alternatives: À Thessalonique, on transforme les camps militaires en potagers collectifs



Planète - Alternatives:  À Thessalonique, on transforme les camps militaires en potagers collectifs




À Thessalonique, un jardin autogéré, le Perka, s’est installé sur un ancien camp militaire. On y cultive des légumes en bio, et on vit l’expérience enthousiasmante d’une communauté diverse mais unie.

- Thessalonique (Grèce), reportage

Ils ont décidé d’appeler leur jardin « PERKA », une contraction des mots « cultures périurbaines » en grec. Les fleurs y profitent des douces températures de la fin d’automne. Les salades poussent encore, mais les tomates et les poivrons flétrissent. Certaines parcelles ont déjà été retournées pour les semis d’hiver. Des bâtiments bas et allongés, à l’abandon, entourent la série de potagers et servent de remises aux outils de jardin. Un rappel qu’ici, on se trouve sur un ancien terrain militaire.

L’idée de ce jardin communautaire est venue d’un groupe d’habitants de Thessalonique qui achetait déjà les légumes en direct aux producteurs, à la manière des AMAP en France. L’appel lancé sur internet réunit quarante personnes, la première assemblée a lieu au printemps 2011. Avant de se mettre à cultiver, pendant plusieurs mois tout le monde discute: comment s’organiser?

Occuper le terrain

L’assemblée se met d’accord sur une série de principes. Les intrants chimiques sont bannis, la culture doit être biologique. Seules les variétés paysannes, libres de toute propriété intellectuelle sont autorisées. Les décisions sont prises par l’assemblée et par consensus, on ne vote pas. Enfin, on ne peut pas faire d’aménagements permanents sur une parcelle, car cela empêcherait qu’elle soit utilisée pour un autre usage ensuite.

Mais surtout, il faut trouver un lieu pour s’installer. L’assemblée de Perka rencontre l’association culturelle du quartier de Karatasiou. A dix minutes du centre de Thessalonique, elle a décidé d’investir cet immense terrain abandonné depuis le début des années 2000. Le gouvernement en a chassé l’armée. Depuis, il fait l’objet d’une bataille juridique entre les ministères de l’armée et des finances, ce qui lui permet d’échapper temporairement à l’appétit des promoteurs immobiliers.

«L’association a aménagé un centre culturel et organise des événements ici. Ils veulent faire connaître le parc aux habitants pour que l’endroit reste ouvert et accessible», raconte Zora, une des fondatrices de Perka. Pour l’association de quartier, installer un jardin partagé est un excellent moyen de poursuivre l’occupation du lieu.

Aujourd’hui, six jardins collectifs Perka sont dispersés sur l’ancienne base militaire et rassemblent environ deux-cents jardiniers. Un collectif vegan, et un autre qui fait la cuisine pour les migrants ont également investi des parcelles. Tous doivent adhérer aux principes fondateurs, mais ensuite libre à eux de s’organiser différemment au sein de chaque assemblée.

Des abeilles sont installées sur un toit. Un poulailler est en cours de construction. Pour organiser des projections et d’autres événements, un des bâtiments a été réhabilité en salle commune, appelée «la serre»: «C’est l’endroit où l’on fait pousser les idées», traduit Zora.

Peu à peu, le lieu s’est mis à accueillir des événements : un festival d’échanges de graines ou des stages de permaculture. Un jour, sur la proposition d’un vieux crétois, un four à pain traditionnel a été construit collectivement.

«C’est aussi un acte politique»

Beaucoup de jardiniers sont retraités ou chômeurs, comme Nikos, sans travail depuis un an. Le plus important pour lui c’est de «garder une activité»: «Venir ici me permet de participer à la société, de rencontrer des gens», confie-t-il. «Mais c’est aussi un acte politique. Le gouvernement nous a rendu la vie si difficile...» Parfois, il donne une partie de sa récolte aux centres sociaux, qui distribuent de la nourriture à ceux qui ne peuvent plus se payer à manger.

«Perka est un lieu qui permet de rassembler des personnes qui ne sont pas très actives politiquement, c’est un endroit où l’on échange et on construit une communauté», estime Giorgos, présent depuis le début à Perka.

Sur le bord des parcelles, les cailloux s’entassent. «La terre est pleine de pierres, elle est très difficile à cultiver ici», explique Natasha, elle aussi fondatrice de Perka. Les plus assidus arrivent quand même à entretenir des potagers luxuriants.

Mais avec Giorgos et Natasha, il l’admettent, leurs parcelles ne sont pas toujours très bien entretenues. Les trois jeunes travaillent ou ont des engagements militants ailleurs et n’ont le temps de passer que le week-end. «Il y a deux mondes parallèles, reconnaît Natasha. Les personnes comme les retraités qui viennent chaque jour, dès l’aube, s’occuper de leur jardin et ceux qui participent autrement, par exemple en organisant des événements ou en s’occupant du site internet.»

«Il y a des gens de cultures, d’origines sociales et d’âges différents qui sont plus ou moins familiarisés avec la prise de décision collective», poursuit Giorgos. «C’est pourquoi on doit discuter de tout cela en assemblée», complète Zora.

Une unité nécessaire, car il ne faut pas oublier qu’ils sont des occupants illégaux. «Au début, l’armée et la police pensaient que nous étions juste des hippies et nous ignoraient, raconte Natasha. Mais au bout d’un an, l’armée est venue poser un cadenas et un avertissement. On les a retirés. Une semaine plus tard c’est la police qui est venue, elle a arrêté des femmes et des enfants, c’était ridicule!»

L’avocat de l’association culturelle du parc a porté plainte. Aujourd’hui, l’armée comme la police les laisse tranquille. En attendant le jour où le tribunal décidera qui est le propriétaire: «Quel que soit le ministère qui gagne, ils voudront forcément construire ici», craint Giorgos. Ce n’est pas pour autant qu’ils comptent abandonner leur terrain. «Ce jour là, nous seront à nouveau unis», assure Natasha.

Source et photos : Marie Astier pour Reporterre

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