Drapées de leurs tenues aux couleurs vives, elles campent par centaines place Somoud à In-Salah, dans le Sahara algérien, pour protester contre l'extraction du gaz de schiste.
Depuis deux mois, les femmes sont devenues le fer de lance de ce mouvement inédit dans cette région.
Jeunes ou mères de familles avec des enfants sur les genoux, instruites ou pas, elles sont là tous les jours sur cette place qui veut dire «résistance» en arabe.
«Nous ne voulons pas de gaz de schiste», tonne d'une voix énergique Baba Ben-Abdesselam, interrogée par l'AFP.
«Allah a rempli le sous-sol de l'Algérie de pétrole et de gaz conventionnel: pourquoi extraire du gaz de schiste qui va nuire à notre santé», explique cette femme.
Dans ce désert, le sous-sol ne recèle pas que des hydrocarbures qui procurent à l'Algérie plus de 95% de ses recettes extérieures. Il renferme aussi une immense nappe phréatique et ici l'eau, vitale comme dans toutes les oasis, est une affaire de femmes.
Or ces femmes, comme l'ensemble des habitants, craignent ainsi notamment que la fracturation hydraulique, qui consiste à créer des fissures souterraines et y infiltrer un mélange d'eau, de sable et de produits chimiques, pour permettre l'extraction de gaz capturé dans la roche, ne pollue les eaux du sous-sol.
En 2012, la loi sur l'extraction du gaz de schiste avait été votée dans une relative indifférence et les premiers travaux de forage avaient commencé à Ahnet, à une trentaine de km d'In-Salah, sans soulever la moindre protestation.
Mais il en a été tout autre fin décembre, après que les habitants d'In-Salah eurent entendu à la télévision le ministre de l'Energie Youssef Yousfi annonçant la réussite du premier forage test réalisé par la compagnie publique des hydrocarbures Sonatrach, tout près d'In-Salah (1.500 km au sud d'Alger), avec la société américaine Haliburton.
- "Trahison" -
L'annonce a provoqué une réaction inattendue dans cette ville qui a rang de sous-préfecture, rattachée à Tamanrasset, la «capitale» des Touaregs d'Algérie, carrefour africain où se côtoient des hommes et des femmes de nombreuses nationalités.
Les femmes se sont vite jointes à la mobilisation qui a surpris le gouvernement par sa durée, poussant le président Abdelaziz Bouteflika, qui recueille à chaque élection des scores record dans les provinces sahariennes, à envoyer sur place délégation après délégation.
Les plus jeunes rallient les cortèges des manifestants. Les autres campent sous les tentes pour assurer la logistique.
Baba dit prier pour la santé du président, affaibli depuis deux ans par la maladie, mais l'appelle à répondre aux craintes de la population.
«Nous avons voté pour lui, nous lui demandons de nous écouter et répondre à nos demandes, nous ne sommes pas dans une épreuve de force contre les autorités», explique-t-elle.
«N'est-ce pas au Sahara que vous avez récolté vos plus gros scores, M. Bouteflika ?», rappelle une autre femme dans une vidéo visionnée des milliers de fois sur les réseaux sociaux, principal vecteur de mobilisation.
«Vous avez agressé In-Salah, trahi ses habitants, blessé notre fierté, douté de notre patriotisme, manœuvré contre nous avec des compagnies étrangères», crie-t-elle en s'adressant aux «décideurs».
* Photo: Des femmes effectuent un sit-in le 4 mars 2015 à In-Salah dans le Sahara algérien, contre l'extraction du gaz de schiste - Farouk Batiche AFP
Posté Le : 08/03/2015
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo: Farouk Batiche AFP ; texte: AFP du samedi 7 mars 2015