Certaines techniques écologiques de fertilisation des sols augmentent le rendement agricole en l'absence d'engrais chimiques, selon une méta-analyse - synthèse de plusieurs études dont les résultats font l'objet d'une analyse statistique commune (Nature Sustainability).
Les engrais chimiques, c'est pas automatique! L'utilisation de ces substances visant à fournir des nutriments aux plantes, en particulier de l'azote assimilable par les végétaux, a fait bondir les rendements agricoles après la seconde guerre mondiale. Mais ces composés, à l'instar des pesticides de synthèse, font peser un lourd fardeau sur le climat et sur la biodiversité mondiale.
Pour fabriquer de l'engrais azoté, il est nécessaire de fixer l'azote présent dans l'air, ce qui nécessite de l'énergie - généralement de l'énergie fossile, contribuant au changement climatique en émettant des gaz à effet de serre. De plus, une partie des substances épandues dans les champs ne sont pas absorbées par les plantes, et se trouvent emportées par l'eau de pluie, polluant les nappes phréatiques.
Il existe toutefois des alternatives, telles que l'ajout de compost, de fumier ou de résidus végétaux dans les sols, la mise en culture d'une diversité de plantes à un même endroit plutôt que d'une seule, ou encore, l'emploi de légumineuses (lentilles, haricots, pois et trèfle), une famille de végétaux qui fixe naturellement l'azote et enrichit le substrat.
Ces méthodes ont pour point commun d'être basées sur les services écosystémiques (services offerts par la nature), raison pour laquelle les chercheurs les regroupent sous l'expression "intensification écologique".
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Si plusieurs études avaient déjà conclu à la possibilité d'employer ces alternatives sans faire baisser le rendement (production agricole calculée par hectare de surface), c'est la première fois qu'une méta-analyse - offrant le plus haut niveau de preuve scientifique - vient le confirmer.
- 30 expériences et plus de 25.000 données de rendement à travers l'Europe et l'Afrique
Parue dans la revue Nature Sustainability, cette synthèse rassemble les résultats d'une trentaine d'expériences menées au long-terme (sur neuf années ou plus) en Europe et en Afrique, soit plus de 25.000 données de rendement obtenues dans différentes conditions : avec ou sans engrais chimique, et utilisant une ou plusieurs méthodes d'intensification écologique.
Les auteurs de l'étude confirment que les pratiques d'intensification écologique ont des effets globalement positifs sur les rendement des cultures de base (blé, maïs, avoine, orge, betterave sucrière et pomme de terre), en particulier l'ajout de fumier - davantage que le compost - ainsi que le fait de planter une diversité de cultures et des légumineuses.
Plus important encore, ils montrent également que ces techniques ont une interaction dite "substitutive" avec les engrais chimiques. Ainsi, ces méthodes ont un effet minime ou nul sur le rendement lorsque des fertilisants azotés sont employés à des doses élevées, mais elles l'augmentent de façon significative lorsque de faibles doses d'engrais chimiques sont utilisées.
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"La réduction de la dépendance aux engrais chimiques contribuerait à protéger les agriculteurs et les consommateurs contre les chocs économiques, tels que la flambée actuelle des coûts des engrais et l'augmentation consécutive des prix des denrées alimentaires", souligne Chloe MacLaren, écologiste des plantes à la Station expérimentale de Rothamsted (Royaume-Uni) et autrice principale de l'article, citée par le Guardian.
Ces conclusions sont d'autant plus encourageantes, alors que l'Europe et l'Afrique doivent en effet affronter des pénuries alimentaires dans le contexte de la guerre en Ukraine et de son impact sur la production agricole. Avec la lutte contre le gaspillage alimentaire et la réduction de la part d'origine animale dans l'alimentation humaine, nul doute que l'intensification écologique aura, elle aussi, toute sa place pour garantir notre sécurité alimentaire tout en protégeant l'environnement.
Photo: Le blé et l'orge comptent parmi les cultures de base qui peuvent bénéficier de techniques agricoles écologiques. © kangbc/Pixabay
Pour accéder et lire les articles cités en annexe: https://www.geo.fr/environnement/agriculture-peut-on-se-passer-des-engrais-chimiques-la-reponse-est-oui-selon-une-synthese-scientifique-210601
NASTASIA MICHAELS
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Posté Le : 29/12/2022
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : NASTASIA MICHAELS - Publié le 28/06/2022
Source : https://www.geo.fr/