Il s’agit du plus grand retour d'espèces sauvages de l’histoire de Madagascar. Ce 1er décembre 2024, sept mois jour pour jour après leur saisie dans le Sud de la Thaïlande, 48 lémuriens et près d’un millier de tortues, capturés illégalement à Madagascar, ont commencé à regagner le sol malgache. La première vague comprend 16 lémurs catta - une espèce aussi emblématique que menacée sur l’île - et a atterri à l’aéroport d’Antananarivo. Un signal fort dans la lutte contre ce trafic, dont les progrès restent largement freinés par la corruption.
À peine débarqués, au pied de l’avion, leurs yeux perçants, orangés et attendrissants se distinguent à travers les cages, sous le regard soulagé de Max Fontaine, ministre de l’Environnement. « C’est juste une grande émotion d’être sur le tarmac là ici, voir les lémuriens sortis des cages ».
Ces lémurs catta reviennent de loin. Les premiers soupçons laissent penser à une capture à bord de petites embarcations illicites sur la côte Ouest de Madagascar, puis à un transfert en haute mer jusqu’en Thaïlande, lieu de leur saisie et hub connu du trafic d’espèces sauvages. «C’est un fléau qui gagne du terrain en Asie du Sud-Est, la domestication de ces espèces sauvages qui attirent une affection particulière. Par exemple, on a eu des cas à Hong-Kong, de personnes qui se promènent dans la rue avec des tortues en laisse.»
- Une quinzaine d'arrestations
Parmi le millier de tortues saisies, les tortues radiées, endémiques de l’île. Sous l’effet de la déforestation et du trafic, l’espèce a perdu 75% de sa population initiale en 30 ans, passant de 12 millions en 1990 à 3 millions aujourd’hui. Dans le cadre de cette seule affaire, désormais classée comme un crime transnational organisé, une cinquantaine de tortues et un lémurien n’ont pas survécu aux conditions de captivité. Les animaux rapatriés s’apprêtent à présent à rejoindre le Sud de l’île, sous haute sécurité, en vue d’être réintroduits à terme dans leur habitat naturel.
L’enquête, menée par une branche dédiée du ministère de la Justice thaïlandaise et par le Pôle Anti corruption (PAC) côté malgache, a déjà permis d’arrêter six individus en Thaïlande et neuf individus à Madagascar. Les «moyens financiers colossaux» des suspects laissent deviner un grand réseau criminel organisé, difficile à démanteler, explique encore Max Fontaine. «Il y a toujours des potentielles failles, il y a toujours des forces du mal qui sont très bien organisées, car il y a des grosses sommes en jeu, quand on parle des tortues, c'est plusieurs milliers de dollars, quand on parle des lémuriens, c'est plusieurs dizaines de milliers de dollars.»
La lutte passera par l’éradication de pratiques de corruption au sommet de l’administration. Depuis des années, les forêts malgaches sont dilapidées avec la complicité de certains hauts responsables de l’État et d'autorités régionales. La difficile mise en œuvre de l’arsenal juridique existant est un autre défi à relever avec moins de 1% du budget général de l’État consacré au ministère de l’Environnement.
Photo: Des lémurs catta, espèce la plus connue des lémuriens en 2015. AFP PHOTO / MARCO BERTORELLO
Par RFI avec notre correspondante à Antananarivo, Pauline Le Troquier
Posté Le : 30/12/2024
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Par RFI avec notre correspondante à Antananarivo, Pauline Le Troquier
Source : https://www.rfi.fr/fr/environnement