A l’occasion de la Journée mondiale contre la désertification, trois solutions digitales développées par des jeunes maliens, sénégalais et burkinabés ont été choisies lors d’une compétition virtuelle.
Comment le numérique peut-il aider à développer le plein potentiel des territoires du Sahel? C’est la problématique sur laquelle se sont penchées les onze équipes de l’Agri-hackathon, une compétition virtuelle de programmation informatique qui s’est déroulée simultanément du 25 au 27 mai dans plusieurs villes de la région du Sahel.
Développée par l’organisation non gouvernementale SOS Sahel, l’initiative veut encourager la mise au point d’outils numériques pour lutter contre la désertification: la dégradation des sols, leur surexploitation ou encore l’utilisation inappropriée des terres.
Lire aussi Au Burkina Faso, une ferme agroécologique veut réinventer «le monde d’après» (Avoir sur site)
L’enjeu est de taille: selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, il faudrait restaurer chaque année plus de 10 millions d’hectares autour du Sahara afin d’endiguer la dégradation des terres d’ici à 2030. Le Sahel, région qui traverse l’Afrique d’est en ouest, va voir sa population doubler d’ici à 2050.
Pendant trois jours, une trentaine de jeunes développeurs, designers, informaticiens, programmateurs, entrepreneurs agricoles originaires du Bénin, du Burkina Faso, du Mali, du Niger et du Sénégal, ont concouru pour présenter leurs solutions.
- Pays mis en réseau
L’équipe du Mali est arrivée en tête de classement avec le projet «Agri-mairie» dont l’objectif est de renforcer l’autonomie économique et sociale des femmes en milieu rural. Le groupe d’entrepreneurs agricoles a conçu un site Internet destiné à connecter les coopératives de femmes aux opportunités de marchés, aux partenaires financiers et aux formations proposées par leurs mairies ou préfectures.
«Nous allons aider les femmes à s’organiser en coopératives puis nous allons enregistrer leurs activités sur notre plateforme. Cela leur permettra notamment de rentrer en contact avec des partenaires techniques et financiers afin de gagner en compétences», indique Adama Kanté, «agripreneur» et porte-parole du projet. Les participantes devront répondre à certains critères comme l’utilisation de moyens agroécologiques, de substituts aux produits chimiques et d’emballages biodégradables.
Lire aussi «Pour éliminer la pauvreté extrême en Afrique, la Banque mondiale doit donner la priorité au Sahel»
«Cette base de données permettra aussi aux autorités locales de prendre des décisions adaptées aux besoins des agricultrices sur le terrain», poursuit Adama Kanté, qui rappelle que l’agriculture durable est un outil majeur de prévention de la désertification.
Grâce au prix reçu (3.000 euros), l’équipe lauréate va pouvoir aller à la rencontre des femmes concernées, créer les bases de données, les coopératives et la plateforme. Une première étape. «Nous allons aussi chercher des financements pour mettre en place le réseau dans plusieurs pays du Sahel , précise M. Kanté.
L’ONG SOS Sahel souhaite continuer à les accompagner par un appui technique et financier pour développer cette technologie dans la zone sahélienne. «Ce service nous sera utile, notamment au Mali où nous travaillons dans une centaine de communes car il permet d’avoir accès à l’information et à des données malgré les longues distances et les questions d’insécurité», assure Rémi Hémerick, directeur de l’ONG.
- Technologies faciles à utiliser
Arrivés en deuxième position, les jeunes développeurs de l’équipe sénégalaise originaires de Casamance se sont penchés sur la question des conflits suscités par la gestion des terres, où élevage et maraîchage sont en concurrence. Le projet vise à créer une base de données qui permettra aux mairies d’identifier notamment les troupeaux et les terres disponibles. Avec le double objectif de prévenir les conflits et d’assurer la mise en valeur du sol. Marie Rose Henriette Bassène, représentante de l’équipe, y voit aussi une façon de lutter contre le déboisement. «Identifier les terres permet de limiter les terrains et de les clôturer en plantant des arbres», développe-t-elle.
Lire aussi Sahel: «La réponse humanitaire est loin d’être suffisante pour briser le cercle vicieux des crises alimentaires»
Au Burkina Faso, l’équipe d’étudiants ingénieurs propose un triple service. Un serveur téléphonique interactif en langues locales permettra d’informer les agriculteurs et les éleveurs des initiatives locales dans leur domaine, des formations, des aides, etc. Ils pourront également échanger avec des experts, dans des zones où une connexion Internet n’est pas toujours disponible. A destination des investisseurs et des mairies, l’équipe souhaite créer une page web et une application mobile. «Les acteurs privés et les partenaires auront accès à des données fiables et actualisées afin que leurs investissements soient rentables et efficaces», éclaire Gerald Farouk Beremwoudougou, étudiant en ingénierie électronique.
D’ici à 2030, SOS Sahel espère développer dix technologies facilement utilisables pour le développement dans les régions sahéliennes. «Lutter contre la désertification repose sur la capacité des individus à valoriser le potentiel des ressources naturelles. Pour cela, les autorités ont besoin d’avoir des données et des outils numériques de décision fiable», explique Rémi Hémerick.
Photo: Plantations dans le village de Malamawa, dans la région de Zinder, au Niger, en juillet 2019. LUIS TATO/AFP
Théa Ollivier(Dakar, correspondance)
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 24/07/2021
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Théa Ollivier(Dakar, correspondance)
Source : https://www.lemonde.fr/