Analyse : Le rapport démographique des Nations unies, publié hier, pointe les défis liés à l’environnement.
Nous y sommes : 7 milliards d’individus se partagent la Terre. C’est autour de ce chiffre symbolique que s’articule le dernier rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), publié hier. Il aura fallu à peine douze ans pour gagner un milliard d’êtres humains, alors qu’il a fallu cent vingt-trois années pour que l’humanité du XIXe siècle bondisse de 1 milliard, en 1804, à 2 milliards, en 1927. Cette accélération de la croissance démographique a pourtant fait long feu. Depuis cinquante ans, grâce à une meilleure éducation des femmes, à un plus grand accès au planning familial, la progression ralentit. Il n’empêche, ce chiffre de 7 milliards soulève une question essentielle : la Terre peut-elle subvenir aux besoins de tous ? Climat, ressources en eau, en énergie et en terres arables font aussi partie des défis d’une humanité alourdie.
Vraiment trop nombreux ?
C’est l’idée qui affleure dans les milieux écologistes, souvent taboue car néomalthusienne, et qui colle aux écolos comme le sparadrap au capitaine Haddock. Or, pour l’UNFPA, ce n’est pas une histoire de nombre. «La croissance démographique a certes été un facteur de dégradation environnementale, confirme François Farah, représentant de l’UNFPA pour la Roumanie, la Macédoine et la Serbie. Mais l’influence humaine sur les changements climatiques est multidimensionnelle. Il s’agit aussi de ce que nous consommons, des types d’énergie que nous produisons ou utilisons, du lieu où nous vivons, de notre âge, de notre nourriture.» Certes. Le rapport s’appuie ainsi abondamment sur l’ouvrage du journaliste Fred Pearce (1), qui s’avère catégorique : le problème est celui de la répartition des ressources. Les 500 millions d’individus les plus riches vivant sur Terre( soit 7% de la population du globe) sont responsables d’environ la moitié des émissions mondiales de CO2. Les 50% les plus pauvres ne produisent que 7% des émissions. Ce qui rejoint la notion d’«héritage intergénérationnel» développée par Paul Murtaugh de l’université d’Etat de l’Oregon. Il explique qu’un enfant né aujourd’hui aux Etats-Unis, aurait, au fil de sa vie, une empreinte carbone 7 fois supérieure à celle d’un enfant chinois, 55 fois supérieure à celle d’un Indien, ou 86 fois à celle d’un enfant nigérian.
Plus de monde, plus de CO2 ?
Les climatologues n’hésitent plus à se pencher sur la question démographique. En 2010, lors des négociations climatiques de Cancùn, les ONG ont rappelé la nécessité pour les pouvoirs publics de «tenir compte des tendances démographiques dans leur stratégie d’adaptation»,mais aussi de «les intégrer à l’agenda des grands rendez-vous environnementaux». Certains comptabilisent l’empreinte carbone de la croissance démographique, comme Brian O’Neill du Centre national de recherches atmosphériques de Boulder, au Colorado, qui a planché sur la «première évaluation complète des implications des changements démographiques pour les émissions mondiales de CO2». L’étude, fondée sur les données de 34 pays représentant 61% de la population mondiale, passe trois scénarios démographiques au crible : 7,5 milliards d’humains en 2050, 9 milliards ou 11 milliards. La conclusion est climatiquement logique : «Un ralentissement de la croissance démographique équivaudrait à 20% des efforts à fournir pour éviter un réchauffement supérieur à 2 °C en 2050»,indique O’Neill. Toutefois, même si l’on parvenait à une croissance démographique nulle, le problème ne serait pas résolu. «Vu les inégalités de revenu existantes,rappelle Fred Pearce, il est incontestable que la surconsommation de la petite minorité riche est le problème clé, pas la surpopulation de la majorité pauvre.»
Plus de vieux, moins de CO2 ?
Toute médaille ayant son revers, un monde à la croissance démographique ralentie vieillit. «Le vieillissement est associé à une réduction de la productivité de la main-d’œuvre»et donc à une réduction des émissions allant jusqu’à 20% dans certaines régions. Mais la baisse de la participation des populations âgées à la force de travail mène aussi «à un ralentissement de la croissance économique»,prévient O’Neill, rappelant que le vieillissement ne concerne que les pays industrialisés à taux d’émissions élevés. De plus, l’effet climatiquement positif du vieillissement «pourrait être compensé par l’urbanisation», qui peut provoquer une augmentation de 25% des émissions d’ici à 2050. Puits de questionnements sans fond.
Quelles solutions ?
«Faire face à la croissance mondiale de la population n’est pas la même chose que contrôler la population»,déclare Robert Engelman, président du Worldwatch Institute. «Le moyen le plus rapide de réduire le taux de natalité est de s’assurer que les grossesses soient désirées. Nous devons aussi transformer notre consommation d’énergie, d’eau et de matériaux.» D’après le Worldwatch Institute, les hommes s’approprient entre 24% et 40% des productions photosynthétiques de la planète pour leurs besoins en nourriture, et plus de la moitié des ressources accessibles en eaux renouvelables. Ce n’est peut-être pas une histoire de nombre, mais assurément une question de quantité.
(1) «L’apocalypse démographique n’aura pas lieu», éditions de la Martinière.
* Photo ci-dessus: Une plage de Rio de Janeiro. Les 500 millions d'individus les plus riches du globe émettent la moitié du CO2. (REUTERS)
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Posté Le : 28/10/2011
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Laure Noualhat
Source : Libération du vendredi 28 octobre 2011