Algérie

Planche ou crawl



A voir tous les vestiges des théâtres antiques qui parsèment notre pays, on peut se demander si le quatrième art n?était pas plus prospère il y a deux mille ans que de nos jours. Y aurait-il un archéologue dans la salle pour répondre à cette question dont nous craignons de connaître la réponse ? A voir les programmes actuels, on perçoit un frémissement des scènes. Ici, le TNA annonce la programmation de trois nouvelles productions issues d?Oran, Béchar et Mostaganem tandis que seront reprises quatre pièces : Le pêcheur et le palais du TRC de Constantine, El Haila du mouvement théâtral de Koléa et deux « pièces-maison », El Bouaqala et La maison de Bernarda Alba. Là, le théâtre régional de Tizi Ouzou entame une tournée de sa pièce L?amoureux de Aouicha et El Haraz à travers 22 wilayas. Le public reprend le chemin des salles. De Tindouf, nous est parvenue une improbable adaptation de Hamlet en plein désert. Des troupes indépendantes se créent dans plusieurs villes et régions. A Constantine, des pompiers et pompières ont créé la leur, nous enseignant ainsi que l?art fait partie de la Protection civile. A voir tout cela donc et d?autres encore, on peut se réjouir. Puis, une fois réjoui, s?interroger légitimement s?il ne s?agit pas de l?hirondelle avérée d?un printemps qui ne l?est pas forcément ou alors, plus abruptement, affirmer comme Mohamed Kacimi (voir p.22) : « Quand je vois l?état du théâtre en Algérie, je me dis que c?est un Tchernobyl de la culture, de l?écriture, de la scène et de l?art ». Depuis sa création, le théâtre algérien a eu des périodes plus actives que d?autres, des petits pics de bonheur, des élans, des avancées mais, sur la ligne implacable du temps, la morosité et l?adversité ont hélas dominé. On ne considère pas toujours à sa juste mesure le fait que les périodes de faste ? le mot est trop fort ? reposaient essentiellement sur des individualités, sur la foi, l?ardeur et les sacrifices de quelques hommes et femmes qui ont oublié d?aller faire des carrières ou du business. Mais jamais encore, comme pour les autres arts d?ailleurs, ce potentiel n?a pu compter sur l?organisation de la discipline : des structures solides, des traditions établies, des mécanismes pérennes de financement et de promotion, de la formation de pointe dans les nombreux métiers de cet art, etc. Jamais aussi, notre théâtre n?a pu s?incruster vraiment dans le tissu social, à l?image d?un pays comme l?Egypte où, cependant, la télé et la vidéo ont mis à mal cette tradition. L?élan actuel a besoin d?encouragements mais, plus que cela, d?un investissement à long terme. Sinon, pour faire ce jeu de mots facile, le théâtre algérien continuera à faire la planche, parfois la brasse, jamais du crawl.


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