Algérie

"Plan d'urgence pour 592 communes"


img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P180729-20.jpg" alt=""Plan d'urgence pour 592 communes"" /Le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, ne se noie pas dans l'euphorisme ambiant et ne sombre pas dans le pessimisme nocif
L'Expression: Monsieur le ministre, le pays a frôlé les émeutes de l'eau l'année dernière et de ce fait, votre département sera sous les feux de la rampe encore une fois cet été. Quelles leçons avez-vous tiré de cette crise'
Hocine Necib: Effectivement, je suis tout à fait d'accord avec vous en disant que la saison estivale 2017 a été difficile dans la mesure où elle a été marquée par un repli des précipitations dans certaines régions du pays conjuguées à une vague de chaleur exceptionnelle qui ont occasionné une perturbation dans l'alimentation en eau potable. Mais j'aimerai revenir sur le concept de crise comme vous l'avez évoqué dans votre question. Nous avons vécu une situation avec des perturbations, mais non une crise. Parce qu'une crise de l'eau c'est autre chose. Laissez-moi vous rappeler qu'au début des années 2000, lorsque l'Algérie sortait de la décennie noire, il y avait une absence de l'investissement public ajoutée à une sécheresse qui sévissait dans le pays durant des années à tel point que les pouvoirs publics avaient songé sérieusement à importer de l'eau. Là, c'était la crise... Et heureusement avec la volonté et il faut le reconnaître, son Excellence le président de la République, Abdelaziz Bouteflika a été visionnaire et a compris, dès le début, la nature des enjeux et des défis qui attendaient notre pays et d'autres à travers le monde. Ce qui l'a conduit à placer la question de l'eau parmi les grandes priorités nationales et cette volonté politique a été traduite par des investissements colossaux consentis depuis les années 2000 dans le secteur de l'eau et qui ont permis de mettre l'Algérie dans une situation relativement sécurisée par rapport au stress hydrique.
Je reviens à cette saison estivale 2017. Nous avons fait un bilan à la fin de la saison estivale qui a fait ressortir que 25 willayas ont connu des perturbations à des degrés différents. Avec les walis, nous avons fait un diagnostic approfondi par wilaya et par commune et nous avons dressé une feuille de route que nous avons partagée avec mon collègue, le ministre de l'Intérieur. C'est ainsi que nous sommes allés proposer au gouvernement un plan d'urgence pour que les communes qui ont été affectées par ces perturbations d'alimentation en eau potable en 2017, et qui sont au nombre de 592, soient ciblées par des investissements supplémentaires pour leur permettre une généralisation en eau potable au quotidien. Ces communes avaient de l'eau dans le meilleur des cas un jour sur deux et dans beaucoup de cas c'est un jour sur trois, un jour sur quatre et parfois plus. Une planification a donc été mise en place et avec mon collègue de l'Intérieur M. Bedoui, nous avons présenté le dossier au niveau du gouvernement et ce dernier a mobilisé un financement de 31 milliards de dinars sous la forme d'un plan d'urgence pour mieux appréhender les difficulté éventuelles qui pourraient ressurgir en cet été 2018. Nous avons donc mobilisé les financements pour les 592 communes en plus, bien sûr, des programmes sectoriels et les programme des collectivités locales qui étaient déjà inscrits et/ou en cours de réalisation.
Le deuxième volet, toujours en matière d'investissement, est que nous avons tout fait en 2017 pour qu'un certain nombre de projets structurants soient livrés avant ou pendant la saison estivale. Je cite à titre d'exemple: Nous avons mis en service le transfert à partir de la station de dessalement d'eau de mer d' El Magtaâ dans la wilaya d'Oran vers Mascara au profit d'une vingtaine de communes, y compris le chef-lieu de la wilaya. C'est environ 80% de la population de Mascara qui est aujourd'hui dans une situation meilleure. Nous avons aussi mis en service l'un des plus grands transferts qui structurent le Schéma national de l'hydraulique. Il prend naissance des champs captants de Naâma et alimente plusieurs communes au sud de Tlemcen et au sud de la wilaya de Sidi Bel Abbès. Le transfert fait plus de 600 km avec de grandes infrastructures et il permettra à terme également d'irriguer environs 3000 hectares en terres agricoles. Nous avons aussi mis en service le programme d'urgence Annaba-Taref. Il y a quelques jours, j'ai été à Bordj Bou Arréridj, une wilaya qui a beaucoup souffert, notamment dans sa partie nord et sa partie Ouest. Il a fallu opérer des transferts hors wilaya pour venir au secours des populations. Nous avons donc mis en service un grand transfert à partir du barrage de Tilesdit dans la wilaya de Bouira vers les communes de la daïra d'El Mansourah qui étaient vraiment dans une situation très difficile. De même, pour les communes du Nord de la wilaya de Bordj Bou arreridj, nous avons mis en service un transfert à partir du barrage de Tichy Haff pour alimenter plusieurs communes qui ne disposent pas d'une ressource souterraine. Le transfert d'eau à partir du barrage réservoir d' Ourkis sera mis en service courant de la semaine pour alimenter la wilaya d'Oum El Bouaghi où sévit une sécheresse depuis plusieurs années. Ce transfert intégré au grand système de Beni Haroun dont le barrage contient actuellement près d'un milliard de m3 d'eau profitera à plus de 400.000 habitants. Il y a aussi le transfert du barrage de Maouane vers Sétif-El Eulma mis en service à l'occasion du 8 mai 1945 au bénéfice de 600.000 personnes.
En résumé, nous avons pris des mesures pour lancer le programme d'urgence, inculqué une dynamique aux programmes en cours et nous avons surtout assuré un suivi au quotidien pour booster ces projets structurants qui à eux seuls font bénéficier plus de 2.5 millions de citoyens.
D'ici la fin de l'année, nous passerons d'une distribution d'un jour sur deux à une distribution quotidienne pour les 592 communes. Parallèlement à cela, nous avons mis en place un dispositif spécial dans le cadre de la saison estivale, à savoir l'organisation sur le plan de l'exploitation: nous avons mieux régulé et planifié les congés, 70% du personnel sera disponible, nous avons pris toutes nos précaution, sur le plan du stock de produits de traitements, de pièces détachées, de pompes, comme nous avons fait bénéficier l'ADE d'un soutien financier de l'Etat pour payer ses dettes vis-à-vis de Sonelgaz et renforcer son budget d'exploitation.
Donc vous rassurez les Algériens que l'alimentation en eau potable connaîtra cet été une nette amélioration à travers le territoire national'
Absolument! C'est un engagement que nous avons pris tout à fait au départ et je le dis aujourd'hui en toute objectivité et responsabilité. La preuve du terrain est là. Nous faisons des bilans réguliers, nous pointons toutes les situations positives et négatives et la situation est incomparable par rapport à celle de 2017. Ceci dit, nous avons agi pour améliorer la situation qui a prévalu durant l'été 2017, une situation qui avait son caractère exceptionnel. Je dois dire aussi que nous n'avons pas encore résolu tous les problèmes de développement, il y a encore des rattrapages à faire. La roue du développement continue, Dieu merci, nous avons les moyens financiers pour faire face aux demandes et nous sommes en train d'évoluer. Maintenant, en termes de stratégie, l'Etat a beaucoup fait en amont, sur les projets structurants. C'est pour ça que nous disons très souvent «nous avons gagné la bataille de la mobilisation». L'expérience Algérienne dans ce domaine est saluée dans les plus grandes tribunes y compris par le Conseil Mondial de l'Eau. Avec 40 barrages réalisés depuis les années 2000, les grands transferts, les 11 grandes stations de dessalement de l'eau de mer (2,1 millions de m3/ jour), les 186 stations d'épuration qui représentent pour nous une quatrième ressource, produisent 400 millions de m3 par an pouvant être réutilisés dans l'irrigation.
Le fait d'avoir donné la priorité à l'eau dans un pays fortement menacé par le stress hydrique est une stratégie payante. Mais si nous avons gagné la bataille de la mobilisation, il nous reste encore la grande bataille, celle du service public. Je m'explique: Nous avons mobilisé la ressource, nous devons être capables de la protéger et en faire un usage rationnel. Nous en sommes à ce dernier point. Avec mon collègue Ministre de l'intérieur; nous avons bien compris les enjeux. C'est le maillon que nous devons faire avancer et que nous avons plaidé au niveau du gouvernement en soulignant que pour faire acheminer l'eau dans les zones rurales, les agglomérations secondaires, les zones isolées, il faut que les programmes sectoriels soient localement reliés par de petits projets pour avoir une couverture optimale. Le programme d'urgence que j'ai évoqué plus haut est orienté dans ce sens et le programme 2019, en matière d'eau potable est également orienté vers cet axe en plus de la ressource financière qui sera mobilisée par le ministère de l'Intérieur dans le cadre des PCD et la Caisse de solidarité et de garantie des collectivités locales. C'est dans ce contexte, que nous avons tracé un objectif pour alimenter au quotidien 367 communes sur les 592 communes déficitaires à fin juillet 2018. Cet objectif est aujourd'hui atteint. Les 225 communes restantes verront leur alimentation en eau potable passer au quotidien progressivement durant le deuxième semestre de l'année en cours.
Ce programme est-il suffisant pour sécuriser ces communes'
Vous savez, pour sécuriser une région, une commune, il faut toujours diversifier les ressources. Je vous cite l'exemple d'Annaba. Pendant longtemps, les barrages étaient pleins et on se préoccupait de moins en moins des eaux de forage. L'abondance nos mène donc à des gestes faciles. Lorsque le barrage de Chafia est descendu à son plus bas niveau; nous avons été obligés de nous rabattre sur les eaux souterraines.
Nous avons mené une opération coups de poing et avons réhabilité des dizaines de forages. Par souci de sécurisation, j'ai donc donné instruction de toujours diversifier les ressources (souterraines, superficielles et non conventionnelles)
Les coûts énergétiques sont énormes pour acheminer l'eau jusqu'au citoyen dans certaines régions du pays en raison de la topographie accidentée. C'est le cas de la Kabylie.
Y a-t-il un plan spécial pour ces régions'
Vous avez raison d'aborder cette question. Il y a un cas édifiant, celui de Tizi Ouzou. Etant une wilaya montagneuse où plus de 90% de la population est fixée dans les villages.
A elle seule, la wilaya de Tizi Ouzou représente 25% du parc national des stations de pompage et dispose de 12 chaînes de pompage. La deuxième wilaya qui vient après n'en dispose que de la moitié. Sur les 12 chaînes, il y a trois grandes stations dont celle de Tassadorte qui alimente une centaine de villages et qui atteint une pression de service de 60 bars. Vous imaginez l'énergie qu'il faut pour atteindre une pareille pression' Et vous voyez la charge de la gestion économique de l'ADE de Tizi Ouzou! Ce qui nous a toujours conduits à venir en soutien à cette ADE. Nous faisions de même pour Médéa, Khenchela, Chlef,... enfin toutes les régions où le relief est accidenté. Bien sûr, au niveau de chaque wilaya, il y a une coordination parfaite avec Sonelgaz qui reste un partenaire de premier ordre.
Entre les branchements illicites, et les pertes dans les réseaux d'alimentation, il y a un énorme gaspillage de l'eau et donc non facturée. Que fait votre département pour remédier à cette situation'
Effectivement, cette situation a proliféré depuis ces dernières années. C'est ce que nous appelons chez nous les ENF (Eaux Non Facturées). Nous avons pris conscience de cette situation et nous avons pris des décisions. Au niveau du ministère et en collaboration avec les walis, nous avons mis en place des brigades qui sortent sur le terrain notamment pendant la saison estivale.
Nous avons pu régler beaucoup de problèmes mais ce phénomène a pris de l'ampleur. Il est certain que ce phénomène représente une perte sèche pour les opérateurs de l'eau et pour le service public de manière générale.
J'aime toujours rappeler le cas d'un chef-lieu de wilaya qui souffrait terriblement du manque d'eau. D'un volume de 120 litres/ seconde transféré, il n'arrive que 50 litres/seconde, le reste, près de 80% est perdu en cours de routes par plusieurs piquages illicites sur la canalisation principale et ce, pour créer la pénurie et pouvoir ensuite vendre cette eau à des prix exorbitants. S'agissant de la protection du domaine public la Loi doit être appliquée dans toute sa rigueur.
Le tabou du prix reste entièrement posé. De nombreux experts estiment qu'il est impossible de gérer correctement cette ressource si les prix actuels sont maintenus.
Il y a une politique sociale de l'Etat pour l'eau et pour d'autres produits. Si vous voyez la question sous l'angle strictement économique je vous répondrai oui, c'est un tarif bas. Mais l'Etat a une politique sociale et d'une manière générale, les subventions obéissent à une politique arrêtée par l'Etat. Pour le moment, cette question de révision de la tarification de l'eau n'est pas à l'ordre du jour.
L'irrigation agricole est un domaine qui semble relégué au second plan car il fallait pallier au plus urgent. A peine le quart de la surface agricole utile est irriguée dans notre pays. Ce qui explique d'ailleurs nos importations toujours élevées en blés, en légumes secs et en produits laitiers.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. Le constat que vous faites ne reflète pas à 100% la réalité. Notre ministère est impliqué à cette question de l'irrigation agricole. Au début des années 2000, Nous avions environ 350.000 hectares de périmètres irrigués, nous en sommes à 1,3 million d'hectares.
Un effort très important a été accompli; soit au niveau des grands périmètres irrigués (GPI), gérés par un office relevant de notre département ONID (Office National de l'Irrigation et du Drainage), soit en PMH (Petite et moyenne hydraulique), un volet relevant du Ministère de l'agriculture. Nous avons mis en route un programme important entre GPI et PMH portant sur 325.000 hectares qui seront terminés d'ici 2020.
Nous atteindrons donc les 82% de notre objectif tracé qui consiste à atteindre 2 millions d'hectares irrigués. En matière de produits agricoles, nous avons une couverture 100% et parfois excédentaire en produits frais. Concernant les céréales, il faut dire que des investissements assez prometteurs sont prévus.
On a remarqué depuis ces dernières années, une tendance des citoyens notamment dans les grands centres urbains, à consommer de plus l'eau minérale. Est-ce à dire que l'eau du robinet n'est pas bonne à consommer'
Aujourd'hui, plus que par le passé, nous avons des processus de traitement très performants conformes aux standards internationaux, nous avons un réseau de laboratoires de contrôle plus dense et nous avons des produits de traitement appropriés et en quantités suffisantes.
Nous avons tous grandi à l'eau du robinet mais de nouvelles habitudes de consommation sont apparues car le niveau de vie des citoyens a évolué et c'est tant mieux. Mais cela ne signifie aucunement que l'eau du robinet n'est pas bonne à la consommation.
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