A l'instar des politiques financières et monétaires, la politique fiscale est un outil qui permet aux gouvernements de réguler les marchés, protéger les économies et leur offrir les conditions d'une croissance extensive.
A travers cette modeste contribution, j'essaie de présenter quelques éléments de «l'environnement fiscal» dans lequel évolue l'agence de voyages algérienne appelée par les pouvoirs publics, mais aussi de par sa mission, à être, un jour ou l'autre, un des moteurs du développement du pays.Le levier fiscal par excellence et par lequel les gouvernements interviennent dans la sphère économique reste la TVA. Ainsi, la question qui se pose est de savoir si en Algérie la façon avec laquelle cette taxe est appliquée favorise le tourisme national.
Par tourisme national, on entend le tourisme domestique et le tourisme réceptif. Le tourisme domestique est l'ensemble des produits touristiques à consommer en Algérie et proposés aux résidents en Algérie. Le tourisme réceptif est l'ensemble des produits touristiques à consommer en Algérie et à proposer aux non résidents en Algérie. L'activité au réceptif est l'exportation du produit touristique du fait que ce dernier à la particularité d'être consommé à l'international, non pas dans le pays du client final, mais dans le pays de l'exportateur.
En Algérie, la taxe sur la valeur ajoutée «TVA» a été introduite à l'issue des réformes de la fiscalité de 1992. Elle a remplacé, chez nous, les ex-TUGP, TUGPS et autres taxes spéciales. Selon les documents de la société nationale de comptabilité, la TVA est assise sur la valeur ajoutée aux biens et services par chaque opérateur économique. Autrement dit, les intermédiaires, tel le cas les agences de voyages distributrices, sont soumis à la TVA sur le montant de leur rémunération, soit la marge qu'ils perçoivent. Cette taxe moderne est basée, au moins, sur trois principes.
Le premier est celui du paiement fractionné, c'est-à-dire que la TVA ne grève qu'une seule fois le prix de vente, elle laisse une traçabilité et assure la transparence. Le second principe est celui des déductions, ce qui favorise le négoce et améliore ses conditions. Le troisième principe est celui de l'assiette. La TVA est appliquée non pas à la personne mais à l'activité. Donc, ce qui est taxé, ce n'est pas le commerçant mais l'activité. Du coup, une personne est taxée qu'elle soit réputée commerçante ou non. Un particulier, non commerçant, qui loue des chambres de son immeuble directement à des clients ou via une agence de voyages est taxé de la TVA au titre de cette activité, même s'il n'a pas de registre de commerce.
Passé ces définitions, nous allons présenter deux cas qui plaident pour une refonte de la fiscalité appliquée au secteur du tourisme sans quoi le développement de cette activité sera hypothéqué.
Cas de la billetterie aérienne internationale
Certains grands fournisseurs ' amont des agences de voyages algériennes ' sont exonérés de la TVA à l'exportation. C'est le cas des compagnies aériennes pour leurs chiffres d'affaires «billetterie internationale». Logiquement, comme les agences de voyages ne sont que des distributeurs des produits des compagnies aériennes, il va de soi que cette exonération toucherait le chiffre d'affaires de ces agences issu de la vente de la billetterie à l'international. Sauf que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Le fisc algérien qui ne taxe pas l'activité à l'international d'Air Algérie, Aigle Azur, Air France,' taxe, par contre, la marge réalisée par les agences de voyages sur la vente de cette billetterie.
En taxant la marge réalisée par les agences de voyages sur la vente de la billetterie à l'international, on viole les trois principes énoncés au début de la contribution. Il y a d'abord le principe du fractionnement. On dit d'ailleurs que la TVA est un impôt moderne à cause de la construction rationnelle de l'assiette assujettie. Chaque intervenant est assujetti sur la valeur ajoutée qu'il apporte. L'imposition se fait une seule fois grâce au jeu des déductions. Or, lors de sa production, le produit billet à l'international n'est pas assujetti à cause de la non-taxation de la valeur ajoutée par la compagnie aérienne. D'où, dès le départ, il y a absence de la chaîne qui assure le fractionnement.
Le viol du deuxième principe, celui de la déduction, découle de la violation du premier, celui du fractionnement. L'agence de voyages, en intermédiaire, est située entre les compagnies aériennes censées être productrices de la valeur ajoutée et de l'assiette imposable et le consommateur final. Ainsi, les 7% prélevés sur la marge de l'activité billetterie aérienne internationale de l'agence de voyages n'ont aucune chance de devenir déductibles. Comme, par principe il n'existe pas de TVA non-déductible, cette imposition est tout sauf une TVA, elle est en violation même des principes de cet impôt censé être transparent, clair et juste.
Enfin, le viol du troisième principe, celui de la nature de l'assiette est plus flagrant.
A la différence des défuntes taxes sur le chiffre d'affaires (les TCA), la TVA s'applique non pas au commerçant mais à l'activité. Ce principe universel doit être respecté sinon on doit changer l'appellation de la taxe ou retourner aux ex-TUGP et TUGPS. Donc, l'activité billetterie à l'international, si elle est exonérée, elle l'est chez Air Algérie, Aigle Azur, l'agent de voyages ou même l'épicier du coin si un jour il est autorisé à vendre ce produit. Mieux, l'assiette est l'activité même si elle est exercée par un non-commerçant.
Cas du tourisme domestique et réceptif
Aujourd'hui, le gouvernement algérien est conscient que le tourisme domestique peut être l'avenir du tourisme algérien. Il est alors urgent de revoir les outils de régulation adoptés jusqu'ici. On doit auditer les différents leviers, dont la TVA, pour vérifier s'ils remplissent ou non leurs missions. L'exemple pédagogique suivant est à même d'éclairer les décideurs de la chose économique en Algérie et l'opinion publique sur l'apport de la TVA au tourisme national. Soit une agence de voyages algérienne qui se trouve devant trois choix. Envoyer 100 touristes à l'étranger, les convaincre de passer leurs vacances en Algérie et, enfin, ramener 100 touristes étrangers en Algérie. Soit l'hypothèse selon laquelle sur les 100 touristes traités, l'agence réalise un volume d'activité de 2000 000 DA HT et une marge maximum de 1000 DA par dossier. Ainsi, si notre agence de voyages algérienne envoie ces 100 Algériens en Tunisie ou en Turquie, elle va gagner 100 000 DA.
La totalité de la marge dégagée restera dans ses caisses. Cela découle du fait que ces clients, une fois en Tunisie ou en Turquie à titre d'exemple, vont utilisés des structures d'hébergement qui ne vont pas communiquer au fisc algérien le détail de leurs ventes. S'il s'agit de 100 touristes étrangers ramenés en Algérie, donc, si elle fait du réceptif, cette agence de voyages ne gagne que 93 000 DA du fait qu'elle reversera au Trésor 7000 DA à titre de TVA. En effet, actuellement, l'activité au réceptif est exonérée de la TAP qui est de 2% et non de la TVA qui est de 7%, et ce, depuis la LFC 2009.
Enfin, cette même agence, si elle arrive à convaincre 100 touristes algériens issus des 'uvres universitaires de Constantine, à titre d'exemple, de passer des vacances dans un hôtel-appartement en Algérie, elle ne gagne que 91 000 DA du fait qu'elle doit reverser au Trésor les 7% de la TVA et les 2% de la TAP (voir le tableau ci-joint qui résume ces trois cas). Si, par malheur, le propriétaire de l'hôtel-appartement ne procède pas à la facturation, l'agent de voyages se verra redresser par le fisc et, au lieu de gagner la somme de 91 000 DA, il va payer de sa poche les 7% de TVA et les 2% de TAP sur l'ensemble de la facture client, soit les deux millions de dinars. Dans notre exemple, cette agence sera appelée à payer au fisc, en plus des pénalités, 140 000 DA de TVA et 40 000 DA de TAP, un total de 180 000 DA hors pénalités alors qu'elle n'a eu comme marge totale que 100 000 DA.
Elle enregistre, alors, une perte hors pénalités de 80 000 DA. Comme aucune agence de voyages, de par le monde, n'est prête à travailler à perte, le tourisme national algérien, dans ces conditions, n'a aucune chance de se développer. Juste, je prends la liberté de remarquer que le fait qu'un produit destiné à l'exportation soit assujetti à la TVA est un fait rare si non unique dans le monde. D'usage, c'est cet impôt indirect que les nations utilisent comme levier pour encourager les exportations et non la TAP.
Après avoir traité ces deux cas problématiques, et ils ne sont pas les seuls, l'heure est à la mobilisation de tous les acteurs politiques et économiques pour faire de la TVA un outil de promotion de la destination Algérie et d'encouragement des agents de voyages qui s'investissent dans le tourisme national. La volonté politique existe et elle est décelable au niveau du ministère des Finances et du Tourisme, reste à 'uvrer en urgence sur le terrain pour faire aboutir des propositions qui collent à la réalité.
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Posté Le : 16/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mourad Kezzar journaliste consultant formateur en
Source : www.elwatan.com