Algérie

Plagiat ou intertextualité'



Il s'agit du roman intitulé «Orages» paru aux éditions Frantz-Fanon que dirige le journaliste et écrivain Amar Ingrachen. Qu'en est-il au juste' En plus de l'écrivaine Hedia Bensahli, deux autres personnes y sont impliquées. Il s'agit de l'auteure et poétesse Nadia Belkacemi, de Hedia Bensalhi ainsi que de Amar Ingrachen en sa qualité d'éditeur. Tout a commencé quand Nadia Belkacemi, auteure ayant pris l'habitude de publier ses textes littéraires sur Facebook depuis plusieurs années, a découvert l'un de ses textes insérés dans le roman «Orages» de Hedia Bensahli.La concernée rappelle qu'elle a commencé à lire ce livre au début du mois d'août. «J'avais adoré les deux premiers chapitres et je l'ai même dit à l'autrice en privé», souligne Nadia Belkacemi. Cette dernière ajoute: «À partir de la page 107, cela n'allait plus, j'avais une impression d'une écriture plus aussi régulière qu'au début, mais je me suis dite: c'est long un roman, on a des instants de vide, de lassitude, d'ennui même et peu d'écrivains y échappent... Je continue, cependant, ma lecture me disant que cela allait revenir jusqu'à arriver à la page 143 et je trouve le fameux passage de Fouzi...». Nadia Belkacemi découvre alors un texte qu'elle avait écrit et publié sur sa page Facebook il y a quelques années: «Je me dis: ce n'est pas possible, il y a sûrement une erreur, je retourne alors à mes vieux posts Fb et je relis: mon post, mot par mot, la ponctuation comprise sauf que le mien m'ayant fait imaginer un personnage qui finit par glisser peu à peu dans une folie sans retour, criminelle, Fouzi est un banlieusard qui prend son goûter chez sa mère et lui tient ce discours qui était le summum du détachement de son entourage et conduisit mon personnage à ne plus retourner chez lui, à refuser tout lien l'obligeant à tergiverser sur sa folie seule issue désormais à ses yeux... Seule, face à la mer, loin de tout, j'ai pris le temps de réfléchir, patienter le temps de lancer une procédure pour récupérer mon écrit ou en parler et me libérer de ce poids'». Nadia Belkacemi qui se voit donc être victime d'un plagiat affirme que la balle est dans le camp des concernés: «S'ils peuvent présenter un texte antérieur au mien -sachant que l'Internet note la date réelle du partage et toutes les modifications, sachant que les commentaires, il y a 8 ans, de mes amis en certifient la véracité, sachant enfin que je dis la vérité, je ne vais plus me morfondre dans mon coin et à eux de jouer». La réaction de l'écrivaine Hedia Bensahli ne s'est pas faite attendre. Cette dernière a expliqué les raisons qui ont fait que le texte de Nadia Belkacemi s'est inscrusté dans son propre roman. Elle souligne: «Je lis énormément. Lorsque je tombe sur des passages fulgurants, je prends des notes sur un cahier ou sur mon PC parce que l'idée me fait vibrer (je mets scrupuleusement des guillemets et je note le nom de l'auteur), puis je complète parce que l'idée m'inspire, je peux ainsi écrire des pages. Hedia Bensahli révèle que lorsqu'elle a commencé la rédaction de «Orages», plusieurs années après, en 2019, elle a repris mes notes et les idées écrites dans le feu de l'action; et dans les centaines de pages accumulées: «Il s'avère qu'un passage sans guillemets (par oubli, et je suis sincère) s'est glissé. Le style me ressemblait tellement, j'aurais pu écrire exactement la même chose, et donc, je n'ai pas douté une seconde. Si je n'avais pas reconnu mon style, j'aurais demandé, comme je l'ai déjà fait une fois avec Yasmina Khadra pour un passage, alors que j'écrivais «L'agonisant»; il m'avait d'ailleurs gentiment répondu par la négative. Alors, ajoute Hedia Bensahli, dans le doute, je ne l'ai pas repris ce passage dans mon roman. Hedia Bensahli reconnait que le passage en question figurant dans son roman appartient bel et bien à l'auteur-poétesse Nadia Belkacemi. Hedia Bensahli a, d'ailleurs, tenu à féliciter cette dernière et lui présenter mes excuses. «Et si le livre est réédité, je mettrai des guillemets et je la citerai comme j'ai l'habitude de le faire dans mes romans. Si mes lecteurs me pardonnent cette méprise, j'en serai ravie, si le doute persiste dans leur esprit, je n'y peux rien. Car sur les centaines de pages écrites avec sincérité, il serait vraiment injuste de me cataloguer comme plagiaire. Nadia Belkacemei a accepté d'avoir un échange avec moi et comprend parfaitement qu'il y a eu une méprise, a ajouté Hedia Bensahli. De son côté, l'éditeur Amar Ingrachen, qui est également auteur d'un roman édité et de nombreux autres textes publiés dans des ouvrages collectifs, a défendu l'auteure du roman «Orages» tout en récusant de façon catégorique l'existence d'un quelconque plagiat. Pour Amar Ingrachen, il s'agit uniquement d'intertextualité. Amar Ingrachen précise: «S'inspirer des propos d'un autre pour écrire, en reprendre des fragments ou une partie, pasticher un écrivain, etc., tout cela fait partie de ce que l'on appelle en littérature l'intertextualité. Elle peut être le fruit d'une rencontre hasardeuse avec une belle phrase que l'on s'attribue spontanément sous l'effet du charme comme elle peut être le fruit d'une coïncidence ou, carrément, de l'oubli ou de la confusion. C'est ce qu'il y a de plus normal puisque même les princes de la littérature comme Milan Kundera, Rachid Boudjedra, Ramain Gary, Amin Maalouf, Paul Auster sont tombés dans ce piège». Et de citer Djaout: On se rappelle bien d'une phrase qui, depuis des lustres, colle à la peau de Tahar Djaout: «Si tu parles tu meurs, si tu te tais tu meurs, alors parles et meurs». Cette phrase attribuée à l'auteur des
«Vigiles» qui l'a effectivement utilisée dans une de ses chroniques est écrite intégralement, avec les mêmes mots et la même syntaxe, par Richard Wright dans sa nouvelle «Long black song». Elle est également écrite, littéralement, par le poète palestinien Mou'in Bsissou. Peut-on pour autant dire que Tahar Djaout a plagié Richard Wright et Mou'in Bsissou', s'interroge Amar Ingrachen en ajoutant: «Il n'arrete pas de pleuvoir dans ce pays», cette phrase est utilisée dans le film «Forrest Gump» de Tom Hanks et elle est intégralement reproduite, et dans le même contexte, par Yasmina Khadra dans son dernier roman «Les vertueux». Peut-on dire que Yasmina Khadra a «plagié» Tom Hanks' Assurément non. C'est pareil pour Hedia Bensahli qui a écrit un superbe roman, «Orages», que Maissa Bey a qualifié de roman-choc avant de lui décerner, avec un jury d'universitaires, le prix Yamina Mechakra, explique Amar Ingrachen. Ce dernier considère que réduire ce roman monumental à deux phrases qui auraient été «plagiées» sur un mur Facebook, deux phrases somme toute ordinaires, c'est au mieux de la méchanceté gratuite, au pire de la malhonnêteté et de la franche volonté de briser une étoile montante de la littérature algérienne. «Car, comment expliquer que ni la sortie de ce roman en 2019, ni le prix Yamina Mechakra qu'il a reçu n'ont suscité que peu d'intérêt auprès de ce même public qui, aujourd'hui, s'alarme et remue ciel et terre pour si peu' Pourquoi «Orages» n'a pas fait parler de lui comme il le fait maintenant, auparavant' Naturellement, les amateurs de polémiques et autres querelles byzantines qui ne nécessitent pas beaucoup d'efforts sont légion et cela n'augure pas d'un avenir heureux pour l'Algérie en général et la littérature algérienne en particulier», enchaîne le responsable des éditions Frantz-Fanon. Ce dernier témoigne qu'il connait l'écrivaine Hedia Bensahli depuis plusieurs années et, c'est parce qu'il a longtemps insisté auprès d'elle qu'elle a accepté de publier son premier roman, «Orages», aux éditions Frantz Fanon. «En très peu de temps et avec seulement deux romans, elle a réussi à conquérir des milliers de lecteurs anonymes en Algérie et en France et ces lecteurs méritent bien sa sincérité et son honnêteté intellectuelle et elle sait être à la hauteur de ce qu'on attend d'elle. Elle le montre sans cesse à travers son écriture, son engagement et son comportement de tous les jours. Je profite de cette occasion pour renouveler ma confiance totale en elle et annoncer la sortie en février 2023, en Algérie et en France, de son troisième livre qui touche à un segment jusque-là inexploré de notre histoire sous le titre: «L'autre moi que je connais si peu», conclut Amar Ingrachen.


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