Les responsables du ministère des Finances, estiment que la question des
bons du Trésor américain détenus par l'Algérie «doit être abordée autrement que
d'un point de vue technique.»
« Techniquement, disent-ils, l'Algérie n'a pas fait un bon ou un mauvais
choix parce qu'un placement d'argent est toujours porteur de risque quel que
soit le pays, les conditions et la conjoncture dans lesquels il est placé. »
Les experts financiers n'en n'ajoutent pas beaucoup en tentant de donner une
réponse convaincante à la question « si oui ou non les bons de trésor
américains détenus par l'Algérie sont rentables.» Hauts fonctionnaires du
ministère des Finances et experts financiers s'accordent à souligner qu' «il
faille aborder la problématique autrement pour comprendre un tant soit peu les
raisons qui ont poussé les décideurs algériens à opérer des placements d'argent
notamment en dollar US.» Avaient-ils d'autres choix que de jouer à la roulette
russe en ces temps de crise ? interrogent nos
interlocuteurs. «Bien sûr qu'on a toujours le choix,» répondent-ils alors. Dès
qu'il est question d'argent, il faut, expliquent-ils «toujours penser en même
temps aux profits et aux pertes.» Et pour ce qui est des bons de trésor
américains détenus par l'Algérie, «l'on calcule toujours avec les uns et les
autres et ce quelle que soit la situation.» En clair, les techniciens de la
finance affirment que «de toute manière, crise ou pas crise américaine, l'Algérie
perdrait toujours quelque part au change selon les fluctuations des marchés
boursiers et de la cotation du dollar qui bougent au gré des décisions
politiques, des guerres engagées, des discours et même des comportements des
puissants de ce monde.»
Les responsables au ministère des
Finances que nous avons rencontrés se contentent de ces explications qui
rejoignent celles des experts. Le reste, tout le reste est et dépend de
décisions politiques dans la prise desquelles «nous n'avons absolument aucun
mot à dire.»
Une décision éminemment politique
Un haut fonctionnaire rebondit pour lâcher que « la meilleure gestion des
affaires de l'Etat, c'est là où il n'y a pas d'argent.» Digression oblige, c'est
lorsqu'il lui a été signalé que le ministre des Finances était présent à toutes
les auditions des membres du gouvernement que le président de la République
tient depuis le début de Ramadhan. «Vous voyez que nos politiques ne peuvent
rien faire sans argent tant les idées leur manquent, » affirme-t-il. La
présence du ministre des Finances à toutes les séances d'auditions de l'ensemble
des ministres -tous secteurs confondus- se veut, disent nos sources, «une
garantie du Président pour dégager les fonds nécessaires à l'exécution de
programmes complémentaires que les ministres soumettent au Président. » L'on
rappelle que lorsqu'il faisait le tour des wilayas « Bouteflika
ne manquait jamais d'ordonner l'octroi d'enveloppes supplémentaires pour
financer des projets locaux. » Des rallonges budgétaires ont toujours ainsi été
décidées en dehors des lois de finances y compris celles complémentaires. C'est
à se demander alors comment comptabiliser toutes les sorties d'argent que le
chef de l'Etat débloque en dehors de tout cadre réglementaire. Mais ceci est
une autre question de gestion qui, disent les experts, ne peut être expliquée
techniquement. Et c'est d'ailleurs ce qui les laissent préciser que « la
décision du placement de l'argent algérien aux Etats-Unis est éminemment
politique, elle relève des décideurs politiques et non pas de l'Exécutif
gouvernemental. » Ils expliquent ainsi que « lorsque le pays a de l'argent et
que ses gestionnaires ne savent pas quoi en faire, il le place, ils achètent
des bons de trésors. » L'idéal pour nos interlocuteurs est qu' «au lieu d'être
placé dans des banques étrangères, l'argent algérien aurait dû être fructifié à
travers des investissements productifs.» La détention par l'Algérie de bons de
trésor US signifie donc que les décideurs ont opté pour la solution de facilité.
«Comme ça, ils ne sont pas obligés de réfléchir et prendre des initiatives,»
nous dit un haut fonctionnaire de l'Etat qui rappelle que «l'argent dort bien
dans les banques publiques mais aucun politique ne donne le feu vert pour le
rentabiliser en le faisant travailler.» Pour ce haut fonctionnaire d'Etat, «c'est
une manière de ne prendre aucun risque.» Et la décision du placement est, dit-il
«synonyme d'indécision politique puisque les banquiers et les financiers ne
peuvent décider à eux seuls de l'investir.» Pour des cadres du ministère des
Finances, «la décision reflète un état d'esprit, c'est même un aveu
d'impuissance de nos dirigeants. » Ce qui les amène à conclure que «si l'on
tente d'expliquer si les placements sont rentables en se basant sur des raisons
purement techniques tout en ignorant celles politiques, ça devient
incontestablement un faux débat !»
Les raisons d'une puissance
Nos interlocuteurs préfèrent cependant, positiver les choses en rappelant
que «les Etats-Unis restent le plus fort pays au monde et ce quel que soit son
niveau d'endettement, c'est pour ça que le placement de l'argent algérien chez
eux ne peut pas être totalement une mauvaise option.» Ils rappellent d'ailleurs
à juste titre que «la zone euro vit de graves problèmes de faillites
économiques de certains de ses membres. » Problèmes dont les conséquences se déversent
sur l'ensemble des économies européennes obligeant ainsi leurs premiers
responsables à opter pour des mesures d'austérité financière et des rigueurs
budgétaires sans pareilles. Hier, le directeur de la Banque mondiale a
d'ailleurs reconnu que la crise de la zone euro est plus dure que celle
provoquée par la dette américaine. Les experts rappellent que les Etats-Unis
ont toujours vécu sous les effets de la dette. Pourquoi le monde panique-t-il
alors ? avions-nous demandé à un diplomate américain
accrédité à Alger. « C'est peut-être parce que les Etats-Unis sont arrivés à la
limite, » nous a-t-il répondu. « La limite » ne signifiera certainement jamais
que le pays qui commande et finance de nombreuses guerres dans le monde (avec
les placements des pays étrangers) est déclaré en cessation de paiement. Et
pourtant, les Etats-Unis le sont et doivent dans ce cas, appliquer des plans
d'ajustements structurels (PAS) dictés par le FMI sous des conditionnalités
draconiennes, comme ça été le cas pour l'Algérie et pour bien d'autres pays
dans le monde, avions-nous tenu à dire au diplomate américain. « Non… Ce n'est
pas la même chose…, ils vont trouver une solution, » a-t-il dit en riant. La
solution est que les Etats-Unis ont décidé de baisser de 2300 milliards de
dollars leurs dépenses publiques sans rajouter aucun impôt. Une véritable
gageure. « Le président Obama n'a pas voulu défendre
une idéologie contre une autre (démocrate et républicaine) mais a fait dans le
pur pragmatisme, » souligne le diplomate américain. Tout explique pourquoi les
hauts fonctionnaires du ministère des Finances estiment que le placement de
l'argent algérien en bons de trésor US n'est pas aussi mauvais qu'on ne le
pense « puisque bon gré mal gré, il arrime l'Algérie au pays le plus puissant
au monde. »
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Posté Le : 14/08/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghania Oukazi
Source : www.lequotidien-oran.com