Alger - Place des Martyrs	(Commune de Casbah, Wilaya d'Alger)

Place des Martyrs سَاحَة اَلشُّهَدَاءِ Alger



Place des Martyrs سَاحَة اَلشُّهَدَاءِ Alger


La Place des Martyrs fait sa mue
22 mai 2019 - ogebc.dz
Un reportage de Neila Benrahal
La place, en plein centre de la capitale est méconnaissable. Elle a repris la couleur d’ « Alger la Blanche » avec ses immeubles, magasins et murs peints en blanc. La transformation est visible. le visiteur ne peut s’empêcher de constater le changement qui donne à la place un visage plus accueillant. Une ambiance particulière régnait sur les lieux en cet après midi du Lundi. Un engouement est constaté à quelques mètres de la Station du métro, suite au retrait des clôtures, en prévision de l’inauguration de la nouvelle station. Des jeunes, moins jeunes, des vieux, munis de leurs téléphones portables, prenaient des selfies, à proximité du musée souterrain.

« El Sayyida » …une mosquée deterrée

Deux panneaux venaient d’être affichés, par l’Office de gestion et d’exploitation des biens culturels protégés (OGEBC). Les explications en français et en arabe évoquent «El Sayyida » l’une des plus vieilles mosquées de la Casbah , en 1830.Il s’agit selon l’office, d’un ensemble de bâti, à la fois, centre spirituel , politico-économique majeur qui a subi avec les ateliers attenants , les dégradations liées à l’aménagement de la Place d’Armes entre 1830 et 1832 . Cette dernière comptait deux édifices majeurs, « Bayt al mâl », siège de l’administration financière et la mosquée hanéfite. Les fouilles archéologiques ont mis en évidence le soubassement du minaret d’El Sayyida ou jusqu’en 1817 les Pachas venaient prier. Elle renfermait une école construite en 1703. LA mosquée avait été rasée en 1831, au tout début de la colonisation afin d’aménager la place du Roi, devenue ultérieurement place du Gouvernement puis rebaptisée place des Martyrs après l'indépendance. On s’accorde à dire que l’édifice exhumé est l’un des plus raffinés de la ville d’Alger. Une bonne partie des fondations du lieu de culte sont visibles. Un peu plus vers le bas , on voit les dallages des voies romaines et d’une basilique byzantine et une très belle fontaine.Les colonnes de marbre à chapiteaux décorés de motifs floraux, ont été réemployés dans la construction de la galerie extérieure de la Grande Mosquée almoravide en 1836. Selon l’OGEBC, l’emplacement de la station du métro de la Place des Martyrs est situé sur une zone à fort potentiel archéologique, à proximité immédiate d’Ikosim, ancien comptoir punique dont la localisation supposée se trouve sous le quartier de la Marine. Cité automne de Mauré, la ville passera sous l’autorité du royaume de Juba II, avant son annexion par Rome vers l’an 40. Elle devient alors municipe sous le nom d’Icosium, comme toutes les cités d’Afrique du Nord. Elle passe ensuite sous domination vandale puis byzantine. Les béni Mezghenna, refondent la ville. La ville d’El Djezair deviendra alors prospère grâce à son port et atteint son apogée durant la période ottomane entre 1510 et 1830. Cette mosquée avait été rasée en 1831, au tout début de la colonisation française, afin de réaliser la place du Roi, devenue ultérieurement place du Gouvernement, et rebaptisée place des Martyrs après l'indépendance.


Ce quartier Ottoman de la basse- Casbah, est devenu un lieu de « pèlerinage » pour de nombreuses familles d’Alger et d’ailleurs. Mohamed accompagné de sa femme et de ses trois enfants est venu de Bouira. « C’est un véritable musée à ciel ouvert, un vrai chef d’œuvre qui mérite d’être visité », s’exclame t-il. Le père de famille, travaillant dans le secteur de la santé, expliquait à ses deux filles jumelles, le génie de cette ville déterrée. Les adolescentes occupées à prendre des photos et des selfies demandèrent à leur mère : « Une mosquée sous la terre ? Comment y faisait la prière ? ». Celle-ci les oriente aussitôt vers le panneau qui comportait toutes les explications. Des étudiantes résidentes à la cité Universitaire de Bab Ezzouar, ont décidé de faire un crochet par les lieux. « C’est très beau. J’étais très curieuse de découvrir un musée enterré », dit Sarah, originaire de M’Sila « Nous avons l’habitude faire des excursions en groupe à Tipaza, M’Sila, Blida et même au Sud. Je trouve que cette ville souterraine est unique », ajoute t-il. Une autre étudiante, Ibtissem a souhaité l’ouverture d’un accès à l’intérieur, pour découvrir de prés le musée. « La clôture agresse le paysage », regrette t elle. Parmi les visiteurs, une vieille dame, peinait à utiliser son téléphone portable Samsung, pour filmer les ruines. « J’habite à Bab El Oued. Je ne suis pas à ma première visite. Aujourd’hui, je suis venue prendre des photos pour mes enfants, un résident au Canada et ma fille en France. Ils veulent les montrer à leurs amis étrangers. L’Algérie est un beau pays et riche de son histoire et patrimoine que les médias doivent valoriser », lance t elle. Zouhir lui, est un pizzarello, habitant le quartier de « Zouj Ayoune ne cache pas sa joie. « Je suis très fier du nouveau visage de la Place des Martyrs. Ce musée peut promouvoir le tourisme et surtout le commerce », soutient –il. Samira cadre dans une société de télécommunications abonde dans le meme sens « J’ai été à Dubaï, c’est presque similaire. Ce musée est très riche et permet de mettre en valeur notre patrimoine, je suis vraiment contente». Un avis largement partagé par un chauffeur en retraite « On ne peut qu’être fier. Des milliers de personnes vont emprunter le métro ».Par contre, Saida, qui se dit « une accro »de shopping déplore l’’éradication du marché informel « qui faisait le charme de la place des Martyrs ». Son avis n’est pas partagé par une autre ménagère qui dit y acheter les trousseaux du mariage de « zenket el Arayess »(le boulevard des mariées) à Bab Azzoune et y faire courses durant le mois de ramadhan. « L’extension jusqu’à la Place des Martyrs va faciliter toutefois les déplacements de Ma fille qui travaille au tribunal de Sidi M’Hamed évitera les retards à cause de l’embouteillage », reconnait elle .

« Zouj Ayoune » récupère ses trottoirs

Au niveau de la station, des travaux sont toujours en cours. Les ouvriers dont des subsahariens, sont à pied d’œuvre en cette fin de journée. Des agents de sécurité sont déjà opérationnels et expliquent aux passagers que « la station n’est pas encore fonctionnelle ». Le tunnel du métro n’est pas à 18 mètres de profondeur, mais à 35 mètres, affirment des responsables du projet. Une partie des objets déterrés sera exposée dans des vitrines d’un musée classique. Par contre, les vestiges immobiliers, seront présentés dans un musée in situ, pour certains à plus de 7 mètres sous terre et sur 1200 m2. Entre les deux accès de la station du métro, un espace a été aménagé en jardin bien entretenu. Le paysage est beau. Le site est entouré de la grande mosquée à droite et la mosquée de Zouj Ayoune, à gauche, peintes en blanc et illuminées le soir en multicolore. Le long des ruelles du Boulevard de Bab El Oued, en face la station, plus de trace des marchands à la sauvette. Des policiers en tenue, sillonnaient le lieu à pied. Le marché de Zouj Ayoune a été réhabilité et toutes les façades des magasins peintes en blanc et noir. « Ce sont des autocollants, j’aurais aimé voir les couleurs du drapeau national», fait savoir Nadir, gérant d’un magasin de vente de sacs. : « Non, c’est parce que c’est un supporter du MCA », le charrie son compagnon. Les deux jeunes commerçants dont l’un gérant d’un Fast Food se disent optimistes. « La nouvelle ligne du métro va booster le commerce car elle facilitera le déplacement des citoyens. Il faut juste ancrer la culture du tourisme. les gens viennent de plusieurs villes pour voir les ruines, mais il faut veiller à préserver la propreté des lieux et la poursuite des travaux de rénovation », clame Sidi Mohamed, un sportif.


Un site touristique par excellence

Un peu plus loin, d’en haut apparait la mosquée Ketchaoua, qui sera inaugurée le même jour, nous dit-on. L’entrée fermée ne désemplit pas de visiteurs pour prendre des photos de la façade, ou sont accrochés les drapeaux de l’Algérie et de la Turquie. « Elle sera ouverte incessamment. Elle a été bien restaurée et j’espère qu’elle va drainer des touristes étrangers, notamment les turcs », lance un retraité rencontré sur les escaliers. « L’accès est interdit », a-t-il averti. Son compagnon nous apprend que la mosquée attire déjà des touristes s. « Des Français, belges, Chinois, des Tunisiens et des émigrés viennent. Mails il faut organiser les choses. Pourquoi, ne pas recruter des guides devant la station du métro, des retraités ou des jeunes de la Casbah, pour faire la promotion du tourisme culturel à travers des visites guidées avec les écoliers. Il est nécessaire d’ouvrir des boutiques d’artisanat et des restaurants traditionnels. Les hôtels et les chauffeurs de taxis doivent contribuer», renchérit il. Cette partie de la basse Casbah a un grand potentiel touristique. La mosquée Ketchaoua est mitoyenne du Palais Hacen Pacha, en chantier et situé face à « Dar Aziza ». A quelques mètres, se trouve le siège de l’Agence Nationale des Secteurs Sauvegardés, ANSS, qui abritait jusqu' aux années 80 «Dar el Kadi » (la maison du juge) qui se situe dans le quartier «Souk-el-Djemâa», bordant la rue Hadj Omar. Ce Palais garde toujours son charme. La ruelle mène également à « Dar Khdaouaj Lamia », un palais qui raconte également un pan de notre histoire. Sous les escaliers, un petit local est ouvert. C’est un vrai musée d’antiquités et de pièces très rares dont la statuette de Cervantès et le plateau rond traditionnel en cuivre (S’NI) de Hassan Pacha. Le propriétaire de cette grotte inédite, nous révèle que l’épouse du président Erdogan, a visité le local ainsi que plusieurs touristes étrangers en quête de « souvenirs ». Des immeubles situés sur le grand boulevard ou « Zouj Ayoune » ont été repeints ou sont encore drapés d’échafaudages et de bâches. Les travaux ont été bien accueillis par les habitants car de nombreux bâtiments tombaient en ruine et représentaient un véritable danger. « Sahat Echouhada » n’est plus aujourd’hui réputée pour son marché informel. Elle fait sa mue pour devenir « un site touristique par excellence ».

NB





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