Finies les
vacances, fini le Ramadan, fini l'été. Place au jeu. Le jeu qui consiste à
rembourser les dettes pour les uns, à compter l'argent gagné pour les autres,
grâce à la stupidité des premiers. Le jeu qui consiste à perdre pour tout le
monde un avenir incertain du fait de croire qu'on peut gagner tout le temps.
Bien sûr que le
Ministère des couffins et du blabla a essayé de contenter quelques-uns en leur
offrant l'aumône et qui gagnerait à disparaître, pour voir plus clair dans la
différence, pour voir qu'il n'y a plus que deux catégories sociales bien
distinctes. Celle qui distribue les baffes et celle qui tend perpétuellement
les joues pour les recevoir chaudement. Celle qui donne des coups de pieds dans
les fesses et celle qui sait soulever les pans arrière du kamis pour les
recevoir, en évitant de salir l'imaginaire blancheur sociale. L'habitude dit-on
est une seconde nature.
On y prend goût facilement. Mais comme
l'Histoire nous enseigne que les gifleurs et les giflés changent avec le temps
et qu'à ce train, nous seront un jour appelés à protéger le loup contre la
chèvre, il reste quelques solutions pour que la nature demeure identique à
elle-même. Il reste que les loups ne quittent jamais du regard le niveau des
puits pour que juste avant leur assèchement, ils changent de territoire,
laissant les chèvres à leur soif, continuant de mastiquer dans le vide quelques
sachets en plastique hérités d'une tradition d'achat, sous haute protection.
Finies les vacances pour laisser place à l'annonce d'une rentrée scolaire en
couleurs, pour mieux embrigader l'enfance et l'emprisonner dans une cécité de
la différence. Pour mieux cacher la nudité des uns et la richesse honteuse des
autres, avant que les tabliers des premiers ne se déchirent en cours d'année et
ne laissent paraître l'horreur dans tous ses états. Finies les vacances pour
laisser place à un transport scolaire luxueux pour ruraux en guenilles, avant
que les pannes mécaniques ne remettent des enfants à redevenir piétons
naturellement contrôlés. Fini l'été et ses chaudes soirées à se débattre dans
un lit de fortune, à attendre les premières brèves fraîcheurs de l'aube, pour
respirer enfin sous un drap de fortune. Fini le Ramadan et ses tables de dettes
qui étouffent une foi dans un Dieu pourtant unique pour tous, ne laissant à la
langue que la force de se plaindre au premier plaignant de passage. Finies les
chaînes devant les distributeurs manuels blottis dans des locaux vidés de sens,
pour tendre la main à quelques denrées qui maintiennent à peine perceptible le
souffle des femmes, fait pourtant pour exprimer le bien-être. Fini le Ramadan
et ses interrogatoires ministériels au pied d'un roi visible seulement en
prière ou en partance vers ailleurs, accrochant les espoirs d'une cour
infernale à ses lèvres, dans l'attente d'un pronunciamiento qui remplacerait
Moussa El-Hadj par lui-même autrement prononcé. Il l'a promis et il ne le fera
pas. Et après ? Après ? Rien. C'est juste une façon d'attendre, l'été et le
Ramadan prochains en faisant semblant de se souhaiter bonne fête sans passer
par les phrases incongrues des SMS à usage collectif. Un prêt-à-porter qui fait
l'économie d'un effort d'imagination. C'est juste que le roi prend tout son
temps pour compter les cours infernales qui attendent d'être vues par lui et
qui le hèlent les bras levés vers son ciel, avant de disparaître. Finies les
cours infernales qui hèlent puisque avec la sienne déjà, trop de bruits
arrivent à ses oreilles franchissant les murs de son palais comme un kamikaze
franchirait les défuntes tours jumelles. Fini le Ramadan et la concurrence
entre Djemaï Family, une facture honorable et un souk de Hadj Lakhdar aussi
tapageur et nul qu'un gouvernement qui n'arrive même pas à discipliner un pays
aussi riche qu'un souk. Finie l'attente de l'heure du f'tour à grand coup
d'estomac dans un pays qui a réussi à faire d'un peuple un immense estomac à
deux entrées, aussi faux qu'un tableau statistique.
Là-haut, le roi pense. Peut-être qu'il pense
que le temps travaille contre lui et que les vagues sont inutiles pour son
bateau arrivé à bon port même sans équipage. Quand le roi est sauf, on peut
même faire couler le bateau, peu importe la hache qui donnera le primer coup à
la coque. Fini le Ramadan et ses Mahométanes rencontres livrées par une
télévision unique en son genre, qui les sert sous forme d'apéritif religieux,
pour annoncer le début d'une goinfrerie précédent un sommeil profond dont
profitent des nations aux yeux bridés, et d'autres aux cheveux blonds qui
livrent quant à elles des bras en remplacement des nôtres, réservés à supporter
des mains pointées éternellement vers le ciel ou plongées dans les profondeurs
du Trésor public pour les autres. Fini l'été et tous les rituels du thé
commentés par quelques littératures en mal d'image alors qu'ils ne sont en fait
que l'expression de l'ennui. Ennui d'une jeunesse qui, après avoir rasé les
murs et se coller à eux à la recherche d'une simple ombre, a fini par donner le
dos à des millions de murs qui font un pays pour lui préférer l'espoir de
mourir loin de lui ou de vivre ailleurs avec pour seul espoir de ne plus y
retourner. Ennui d'un peuple qui a fini par n'avoir de choix qu'entre quelques
enfers dans l'attente d'un moins brûlant et qui trouve encore la force de
sourire à la vie comme on sourit sans grand espoir à une jolie fille attendue
par autrui, au fond d'un jardin, au terme d'un voyage. Comme un jeu de séduction
qui laisse une graine d'espérance sans grande conviction.
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Posté Le : 24/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saifi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com