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Pierre et Claudine Chaulet : le «choix de l'Algérie» ou l'histoire d'une militance exemplaire



Nous publions cet article avec l'aimable autorisation de la revue Afkar-Idées, où il a paru initialement (numéro 34). C'est une note de lecture d'un livre de mémoires, Le Choix de l'Algérie, deux voix, une mémoire (Alger, Barzakh, 2012) qui relate la vie de Pierre Chaulet, militant de l'indépendance algérienne qui nous a quittés aujourd'hui, et de son épouse Claudine Chaulet, engagée aussi tôt que lui dans la résistance à l'occupation française.
« Le choix de l'Algérie, deux voix, une mémoire » relate la vie et le parcours politique de Pierre et Claudine Chaulet, un « Français d'Algérie » et une « Française de France » qui ont rejoint le Front de libération nationale (FLN) dès le déclenchement de la Révolution, en novembre 1954, et ont opté, à l'indépendance, en 1962, pour la nationalité algérienne.
Dans le « livre premier », chacun des deux auteurs raconte sa « première vie » avant la rencontre de l'autre et de la Révolution. Cette partie fournit un saisissant aperçu d'un monde ancien qui a fait naufrage avec la colonisation, celui du peuplement européen de l'Algérie. Elle est, surtout, l'histoire d'une patiente décantation au sein de ce peuplement grâce à laquelle s'uniront les destins de Pierre et Claudine Chaulet, un certain 21 novembre 1954. Ensemble ils prendront le chemin de la solidarité avec les « indigènes » en lutte pour leur liberté et, après l'indépendance, apporteront leur pierre à l'édifice Algérie, ravagé par 8 ans de guerre et 132 ans d'occupation. Une même prise de conscience anti-raciste et deux « voies familiales » pour y parvenir. Pour lui, celle du catholicisme social de son père, Alexandre Chaulet, un leader du mouvement syndical chrétien, et pour elle, la voie des idées républicaines et humanistes de ses parents dont la condition coloniale en Algérie - où elle s'installera avec eux en 1946 - était la totale négation.
Les quatre autres livres couvrent la période allant de 1954 à nos jours. Un double « je » éclaire les circonstances politiques et humaines de tant d'événements cruciaux, pendant la Guerre de libération (évasion d'Abane Ramdane, tête pensante du FLN, etc.) et après l'indépendance, en Algérie comme à l'étranger, où Pierre et Claudine Chaulet voyageront au hasard des missions dont ils seront chargés, pour le FLN puis pour l'Etat algérien.
Ces mémoires sont aussi une chronique subjective de la période post-indépendance. Après 1962, Pierre sera un des principaux concepteurs des programmes de lutte anti-tuberculeuse dans son pays et dans le monde. Claudine sera, quant elle, chercheuse en sociologie, spécialiste des campagnes et de la condition féminine en milieu rural. De leurs positions respectives, ils verront se succéder espoirs et désillusions au fil des époques. Ils verront s'ouvrir écoles et dispensaires dans les zones montagneuses enclavées et les lointaines steppes et la révolution agraire sortir les campagnes d'un isolement séculaire. Dans l'impuissance, ils vivront les ravages de la décennie noire (1980), celle de la libéralisation, et les douleurs de la « décennie rouge » (1990), marquée par la montée de l'islamisme qui les a contraints à l'exil de 1994 à 1999.
« Le choix de l'Algérie » livre aux lecteurs une mémoire de 80 ans d'histoire, magistrale de précision sur les noms, les lieux et les enjeux politiques, des plus particuliers (réorganisation des services de santé dans l'Algérois) aux plus généraux (l'avenir de l'agriculture algérienne). Il est, toutefois, d'abord l'histoire d'une militance exemplaire. Peu d'Algériens d'origine européenne ont compris que leur paradis de soleil, réglé par la vieille horloge coloniale, était condamné à disparaître et ont rejoint le FLN. Pierre et Claudine Chaulet font partie de cette glorieuse minorité. Leur témoignage est un hommage à tant d'autres justes qui, comme eux, ont fait le périlleux « choix de l'Algérie ».
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