On l’appelle la planète bleue du fait que 70% de sa surface est couverte d’eau, mais seulement moins de 3% de cette eau est douce.
Cette dernière se présente à 79% sous forme de glace polaire et 20% enfouis à des profondeurs difficilement accessibles. Autour du 1% qui reste, englobant les rivières, les lacs et les puits, la population de la Terre se concentre. Le volume correspondant est de 45 000 km3, mais ce qui est économiquement accessible varie entre 9000 et 14 000 km3, soit une goutte d’eau dans l’hydrosphère. Les prélèvements annuels en eau pour la consommation humaine s’élèvent à 3600 km3, une partie doit être laissée pour entretenir les écosystèmes. Est-ce suffisant ? Si ce volume est réparti équitablement sur les 7 milliards de personnes, chaque individu aura 515 m3/an soit 142 l/habitant/jour. Mais, il y a lieu de signaler que la disponibilité en eau est quasi constante, contrairement à la demande qui, elle, est sans cesse croissante. Cette évolution annuelle de la population de 1,1% engendre des besoins de plus en plus élevés. Quand ces besoins dépassent l’offre, la gestion devient alors problématique. Son inégale répartition dans l’espace et dans le temps la rend indisponible dans certains endroits et excédentaire dans d’autres. Les populations pauvres se retrouvent impuissantes à gérer ces extrêmes variations qui nécessitent un savoir-faire et des moyens. En Australie, chaque individu dispose journellement de 1430 l alors qu’en Somalie, il n’en a à peine que 8. On estime que 40% de la population mondiale souffrent de graves pénuries d’eau propre. L’impropreté de l’eau tue annuellement près de 13 millions de personnes dont 5 millions d’enfants. La rareté de l’eau est synonyme d’aridité et de sécheresse. Près de la moitié (47%) de la surface terrestre, selon l’Atlas mondial de la désertification édité par le PNUE, est considérée comme régions sèches ou désertiques. D’un point de vue étymologique, le désert est un espace abandonné, vide et hostile à toute forme de vie. Cependant, les conditions de vie extrêmement dures ne signifient guère que les espaces adésertiques sont abiotiques. Au contraire, tous les déserts du globe sont peuplés par l’homme et par diverses créatures. Ils même ont été le berceau de plusieurs civilisations et religions universelles qui les ont illuminés pendant des milliers d’années. D’un point de vue climatique, le domaine aride correspond aux régions du globe, caractérisées par un bilan hydrique déficitaire résultant, pour l’essentiel, de l’insuffisance des précipitations, par rapport à l’évaporation. L’examen d’une carte géographique du globe (fig. 1) montre la localisation des zones désertiques, situées de part et d’autre de l’équateur. Elles représentent deux bandes d’une vingtaine de degrés au niveau des tropiques, entre les latitudes 150 et 350. à l’hémisphère Sud, se localisent les déserts du Kalahari et le désert d’Australie. au Nord, se trouvent le désert mexicain, le Désert de Gobi, le désert d’Arabie et le grand désert saharien en Afrique du Nord. Plus proche de l’equateur, se situent les déserts chauds avec des températures record de 56° C à l’ombre, provoquant une évaporation intense. Les précipitations annuelles n’excèdent pas 100 mm et souvent, il ne pleut pas durant des années, engendrant une famine et un déracinement des populations. Outre la latitude, le climat désertique est aussi tributaire de l’altitude ; il fait plus chaud dans le désert namibien au bord de l’Atlantique qu’au Hoggar à 2918 m d’altitude dans le désert saharien où, quelque fois, il neige. Les zones arides sont habitées par le 1/5e de la population mondiale soit 1,2 milliard (en 2000). Au total, plus de 110 pays possèdent des terres arides ou plus ou moins sérieusement dégradées. En Afrique, 73% (1 milliard d’hectares) du total des terres sont arides, alors qu’en Asie, l’aridité touche près de 1,4 milliard d’hectares. Cependant, l’Amérique du Nord est le continent dont la proportion des terres arides ou en voie de désertification est la plus élevée au monde, soit 74% (Unesco, 2006). De nos jours, la désertification est considérée comme une menace de mort en raison de sa dynamique rampante et des préjudices qu’elle engendre. C’est un monstre qui fait fuir les populations et qui dévore toute forme de vie. Le monde arabe, d’une superficie de 14 millions de kilomètres, représentant 10% des terres émergées, est positionné en plein espace désertique. Les Arabes sont nés dans le désert, et ils y restent. Leurs ancêtres ont inventé une panoplie d’outils et de techniques pour créer la vie et la maintenir dans le désert. C’est là où se trouve le plus grand nombre d’oasis. Le Sahara, dont l’hyper-aridité domine depuis le quaternaire, est le plus vaste désert du monde. Les extrêmes climatiques ont atomisé la surface du sol désertique en matière minérale, cependant, en profondeur, le Sahara renferme des gisements pétroliers miniers (fer et métaux rares) et hydriques très importants. Sa singularité et ses richesses naturelles, historiques et culturelles augmentent ses atouts touristiques inexploités.
Le Sahara
Le Sahara, (mot de l’arabe qui signifie désert), couvre une superficie de 8,5 millions de kilomètres carrés au nord du continent africain sur une dizaine de pays. Il s’étale de l’Atlantique à la mer Rouge et du sud de la Méditerranée (340 N) au sud du tropique du cancer. Le Sahara se distingue par un climat chaud, ensoleillé et aride. Il bénéficie de 90% des radiations solaires, les 10% restantes sont réfléchies par les poussières atmosphériques. En revanche, dans les régions humides, outre ces 10%, 20% sont détournées par les nuages et 30% par le couvert végétal et les plans d’eau. La durée annuelle d’ensoleillement varie entre 3000 à 4000 heures. Il y pleut rarement, sous forme d’averses sporadiques provoquant des crues dévastatrices absorbées par les sables des dépressions et par l’évaporation. Les crues peuvent surgir spontanément et surprendre les plus avertis. Le chanteur targui, Othmane Bali enfant du terroir, a été emporté en juin 2005 par les eaux en furie de l’oued Tinjatat qui traverse Djanet. Les amplitudes thermiques (diurnes-nocturnes) dépassent souvent 45° C, et la couverture végétale est quasi inexistante. Le Sahara offre un paysage d’apparence uniforme sur de vastes étendues de sable, sans cesse remodelées par les vents (sirocco et harmattan) pour former des cordons dunaires « ergs ». Les principaux sont le grand erg Oriental, le grand erg Occidental, l’erg de Mourzouk, l’erg Makteir et l’erg d’Admer. Cette uniformité sableuse est contrastée par de vastes étendues plates caillouteuses, « les regs », telles les régions de Tanezroufit. Le peuplement faunistique saharien est relativement pauvre, les animaux emblématiques sont le scorpion, le serpent, l’antilope addax, la gazelle, le fennec et le téméraire dromadaire. Le domaine floristique se limite à quelques espèces rustiques de xérophytes comme le laurier-rose, l’acacia, le tamarix et le cyprès, singulièrement accrochées aux rives des lits d’oueds. Toutes ces espèces ont adapté des stratégies pour économiser l’eau et éviter la chaleur, l’ombrage y est l’élément le plus important après l’eau. Certains acacias puisent l’eau jusqu’à 35 m de profondeur. D’autres écourtent leur cycle vital le temps d’une période humide, d’où leur nom d’éphéméroptères. Beaucoup de ces plantes sont des géophytes, c’est-à-dire qu’elles persistent dans des organes souterrains qui passent la saison sèche à l’état de vie ralentie (cas des liliacées bulbeuses). Dans leurs racines ou leurs tubercules, les plantes emmagasinent des réserves vitales et beaucoup d’eau, le tubercule du Bi, au Kalahari, peut renfermer jusqu’à trois litres d’eau. Certaines plantes (euphorbes) assurent leur protection contre le broutage en renfermant des substances toxiques. Les oreilles des fennecs et des éléphants se sont allongées pour dissiper la chaleur, de même que les pattes de l’autruche et des antilopes afin d’éloigner le corps de la fournaise du sol. Certaines espèces sont endémiques, elles ne peuvent se rencontrer qu’en ces lieux. L’addax est au Sahara ce que les lémuriens sont à l’île de Madagascar. La désertification peut entraîner la disparition de telles espèces. L’homme du Sahara se contente de 10 litres d’eau par jour pour tous ses besoins, alors que le dromadaire pourrait supporter jusqu’à 17 jours sans boire, tout en étant exposé au soleil et au vent. Par ailleurs, il est admis que chez la plupart des organismes vivants, une perte d’eau de 10% provoque des troubles extrêmement graves. Une chute de 12% est fatale à l’homme, alors que le dromadaire supporte jusqu à 30% et le caméléon 47%. Le contraste est aussi marqué par les rares points d’eau permanents comme certains lacs et guelta ainsi que quelques insolites montagnes volcaniques comme le Hoggar. Le Sahara est façonné aussi par les hamadas, représentées par des bancs de calcaire ou d’arène pouvant atteindre 2000 m d’altitude (Tassili), qui contrastent avec des dépressions ou Dayas déclinant jusqu’à 40 m au-dessous du niveau de la mer. Les eaux de ruissellement s accumulent dans ces bassins endoréiques, transformées par l’évaporation en marais salants dits sebkhas ou chotts. L’Algérie est un pays dont 84% de sa superficie est désertique. Administrativement, elle concerne 13 wilayas et 258 communes. Cet espace de 2 058 543 km2 est limité au nord par l’Atlas saharien marqué par la ligne du palmier-dattier (khat ejrid) qui correspond à l’isohyète 100 mm. Il est occupé par 4 millions d’habitants, selon le recensement de 1998 soit 13,75% de l’ensemble de la population. L’étendue du territoire a de tout temps préoccupé l’aménageur et a suscité des mythes et de grands projets de développement dont la plupart se sont évaporés, emportés par les tempêtes. Quand on évoque la vie dans le désert, on pense forcement à l’oasis. C’est une invention des hommes du désert. Un îlot de verdure et de vie dans l’immensité de l’espace minéral désertique. Les oasis sont au désert ce que les îles sont aux océans. Elles constituent une plate-forme vitale « on shore » favorisant un peuplement malgré les multiples contraintes du milieu environnant. Au risque de subir la rupture menant à d’autres types d’environnements ou à un retour à la forme désertique originelle, la vie oasienne est un effort permanent d’adaptation nécessaire au maintien de l’équilibre fragile créé par l’homme. Les oasis sahariennes sont une constellation de tâches vertes immuables sur cette immensité minérale jaunâtre. Elles représentent un havre de vie, né principalement de la conjonction du soleil, de l’homme, de l’eau, du palmier-dattier et du dromadaire. La superficie totale des oasis est relativement insignifiante eu égard à celle du Sahara, mais elles constituent un concentré de vie. Historiquement, l’oasis à palmiers est d’origine mésopotamienne. Le palmier, à l’image du bambou en Chine, est omniprésent au Sahara ; il fournit une bonne partie de ce qui est nécessaire à la vie courante des dattes pour l’alimentation, du bois de chauffage, des palmes pour les palissades, des troncs pour la construction. Les oasiens vivent en parfaite symbiose avec leur milieu et s’autosuffisent en produits locaux.
La vie d’antan
Quelques oasis algériennes ont été choisies pour servir d’exemples et montrer leur épanouissement dans le passé et la décadence qui les menace. Elles sont de taille relativement petite, installées sur les anciennes routes des caravanes de sel, d’or, d’esclaves et autres denrées. Ces échanges ont débuté entre l’Afrique du Nord et l’Afrique Noire, il y a environ deux mille ans. Elles servent de relais vitaux à ces itinérants de très grandes distances. Dans la fournaise déboussolante et les mirages hallucinants du Sahara, l’oasis symbolise le paradis. On s’y relaxe en paix à l’ombre, se désaltérant de l’abondance d’eau, de légumes, de fruits, de vin de palmier (legmi) et parfois même de cannabis. Cet espace spirituel a servi de refuge à de nombreux religieux musulmans et non musulmans comme témoigne la vie d’ermite du père Charles de Foucauld aux confins de l’Assekrem en Algérie. Les oasis sont des espaces totalement anthropisés et représentent des systèmes de production intensive d’une grande complexité, se maintenant en équilibre quasi fragile. Le mot oasis, d’origine égyptienne, signifiant un lieu habité, a été utilisé semble-t-il par le géographe Hérodote vers 450 av. J.-C. L’Egypte n’est autre qu’une grande oasis. Maintenant, il désigne une palmeraie dattière bien que de nombreuses oasis continentales froides (oasis de la route de la soie en Chine) ou côtières ne comportent pas de palmiers-dattiers. Les oasis à palmiers-dattiers dans le monde englobent une superficie de 800 000 ha. En Algérie, la surface agricole des oasis est majoritairement occupée par le palmier. A Adrar, le palmier domine la totalité de la surface, à Ouargla le taux d’occupation du palmier est de 80%, il est autour de 50 à 60% pour le reste des oasis. Les oasis algériennes représentent une mosaïque très variée, avec 93 000 ha de palmeraies et plus de 10 millions de palmiers-dattiers, soit 11% du total mondial. Elles sont réparties pour 60% au nord-est (Ziban, Oued Righ, El Oued et Ouargla) et pour 40% au sud-ouest (M’zab, Touat et Gourara). Les oasis sont tantôt isolées, de taille plus au moins modérée, comme l’oasis de Ouargla qui compte à elle seule plus d’un million de palmiers, tantôt regroupées comme celles de Oued Righ où 47 oasis s’échelonnent sur 150 km avec 1,7 millions de palmiers. La vie de l’oasis demeure singulière à plus d’un titre. Pour survivre dans un milieu hostile, les oasiens ont mis au point des techniques ingénieuses, adaptées aux conditions locales, mais également des formes sociales en adéquation étroite avec les premières. La maîtrise du facteur vital qu’est l’eau a nécessité un effort collectif d’exploitation, de structuration spatiale et de discipline. Le contrôle de l’eau constitue donc un pilier central dans cette organisation collective très hiérarchisée, expression d’un consensus général dans certains cas, mais plus d’un rapport de force dans d’autres. Verticalement, l’espace connaît trois strates végétales dans la quasi-totalité des oasis. Sous les palmiers, poussent les arbres fruitiers alors que le troisième étage, totalement à l’ombre, est celui des cultures maraîchères et fourragères. Horizontalement, la structure foncière se présente comme un puzzle au sein de l’oasis où s’entrecroisent des cultures vivrières. Le type d’oasis dépend de la nature et de l’exploitation de la ressource en eau, de la nature du sol et de sa topographie. La spécificité topographique, hydrologique et hydrogéologique du milieu a été savamment exploitée pour donner lieu à différentes types oasis. L’accent est mis sur la description des stratégies de gestion de l’eau d’irrigation, mais aussi sur les contraintes survenues ces dernières années ainsi que les perspectives de leur prise en charge. Quatre oasis algériennes sont retenues du fait de leurs différences d’exploitations des eaux, destinées à l’irrigation ; il s’agit de l’oasis de Ouargla située sur l’erg oriental dont l’exploitation est basée sur l’exhaure des eaux souterraines par des puits traditionnels. L’oasis fluviale du M’zab à Ghardaïa, qui vit au rythme des crues, l’oasis d’EI Oued située également sur l’erg oriental, elle, utilise l’irrigation souterraine via les nappes phréatiques, utilisant la technique des ghouts et enfin l’oasis d’Adrar et du Gourara utilisant ces puits horizontaux les foggaras. Une attention particulière est accordée à cette dernière, en raison de son extrême fragilisation et de son éventuelle disparition. Le milieu naturel offre des conditions extrêmes à l’occupation humaine, mais il recèle d’importantes quantités d’eau fossile emmagasinées dans quatre ensembles d’aquifères superposés. Les sables de la surface contiennent des nappes phréatiques superficielles, exploitées par de simples puits traditionnels. C’est le cas des régions de Oued Righ et du Souf à l’est du pays. La nappe du miopliocene, dite nappe du complexe terminal, est une réserve d’eau artésienne dont l’exploitation est fort ancienne ; elle a permis la création de certaines oasis. La nappe du sénonien contient une seconde nappe artésienne peu exploitée, car située dans le sous-sol de Oued Righ, à une profondeur entre 150 à 500 m. La nappe du continental intercalaire est fossile, dite nappe albienne. découverte en 1957, elle s’étend sur 600 000 km2 et déborde en Tunisie et en Libye. D’une épaisseur pouvant dépasser plusieurs centaines de mètres, sa profondeur évolue progressivement de 800 m à 400 m à Ouargla et Touggourt, elle atteint 2 600 m à Biskra. Elle est artésienne, caractérisée par un débit spécifique de l’ordre de 250 I/s. Son eau est chaude (55° C) et salée (2 à 7g/l). Le Sahara est un milieu purement naturel, rendu viable grâce à ces espaces anthropiques, les oasis qui jalonnent le Sud de l’Atlas saharien.
L’auteur est : Maître de conférences Université de Blida
Posté Le : 28/08/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : Lakhdar Zella
Source : www.elwatan.com