Le chômage demeure la variable macroéconomique la moins maîtrisée dans les pays développés et surtout sous-développés.C'est un phénomène de grande ampleur dans les pays qui n'ont pas su maîtriser leur dynamique de développement économique et surtout ceux qui sont perturbés par les chaos politiques de leurs pays, à l'instar de la Syrie où le taux dépasse les 50% dans les zones sous contrôle de l'Etat.
Même les grandes puissances mondiales ont du mal à réduire l'impact de ce phénomène, même si la reprise timide après la crise des subprimes avait permis une nette amélioration dans le traitement du problème. Comme la France qui a beaucoup de difficultés à descendre sous la barre des 8%, alors que ses partenaires jouissent d'un taux deux fois moindre. Avec ses 8,5%, le pays est loin de réaliser un taux désiré de 4 à 5%.
Il y a beaucoup de phénomènes cachés sous les simples statistiques fournies par les institutions spécialisées. Les différences de taux intercommunautés, tranches d'âges, types de qualifications, pressions démographiques, taux d'emplois, etc., éclairent davantage sur les caractéristiques profondes du problème. Il faut cependant noter que beaucoup d'autres variables économiques sont beaucoup plus faciles à atteindre que la réduction drastique du chômage. Les Banques centrales dans le monde ciblent des taux d'inflation à atteindre et manipulent les instruments monétaires pour les égaler.
Généralement, elles parviennent à réaliser leurs objectifs ou du moins les écarts avec les buts fixés sont très tolérables. La plupart des Banques centrales estiment que des taux d'inflation de 2% ou moins sont tolérables et elles travaillent à ne pas dépasser cette limite. Les résultats sont dans l'ensemble très acceptables. Mais pas pour le chômage !
Ce dernier demeure le mal le plus important que la science économique n'a pas pu éradiquer.
Difficultés de la maîtrise
Lorsqu'on évoque le taux de chômage moyen dans le monde, on croirait que le problème est maîtrisé. Il se situerait autour de 5%. Cette moyenne cache mal la variabilité qui existerait entre nations. La Chine avec 3,6% et une population de plus 1,35 milliard d'habitants explique en grande partie une moyenne mondiale qui semble acceptable. Les USA arrivent presque au même résultat avec 3,8%. Ce qui donnerait à Trump une forte probabilité de réélection malgré ses déboires politiques. Mais ce taux cache mal les difficultés de nombreux pays, surtout en Afrique. Le Mali avec 30% et le Nigeria avec 23% montrent l'étendue des problèmes dans des pays où le phénomène est loin d'être maîtrisé. En Algérie, le taux de 11,7 est loin d'être acceptable, surtout que le chômage des jeunes dépasse allègrement les 23% et donc nous avons une jeunesse qui désespère de plus en plus de trouver un emploi et amplifie le phénomène de l'émigration clandestine. Malgré les énormes ressources injectées pour juguler le problème, il demeure la première préoccupation du pays, avant toute autre considération.
Economistes et non économistes sont unanimes à dire que le meilleur remède au chômage est une économie productive, diversifiée et compétitive qui crée de la richesse et de l'emploi pour tous ses citoyens. Les emplois bureaucratiques ou assistés sont dangereux pour la culture économique et la dynamique de développement. Un emploi bureaucratique assisté est parasite. Il se nourrit d'un salaire sans contrepartie productive. C'est une aumône déguisée.
On a habitué une grande partie de notre jeunesse à se nourrir d'une aumône qui crée l'illusion de travail. Un emploi économique permet de produire des biens et des services commercialisés qui améliorent les profits des entreprises. Le réinvestissement direct ou indirect de ces profits permet de créer d'autres emplois. La grande différence est là. Un emploi économique produit de la richesse et crée d'autres emplois, un emploi assisté réduit l'investissement productif et détruit des emplois. Pour un emploi assisté que l'on finance, on détruit deux à trois autres emplois qui auraient pu être induits par la création d'un véritable emploi productif.
Le temporaire qui dure
Nos administratifs pensent que ces emplois assistés sont provisoires et donneront lieu bien plus tard à des embauches pour des emplois à durée indéterminée. Ceci serait le cas pour une minorité de personnes. Et de surcroît, pourquoi immobiliser des ressources financières dans des emplois improductifs de nombreuses années, alors qu'elles auraient pu permettre la création et le développement d'entreprises productives qui auraient réduit les importations et préservé les réserves. Le problème des non-économistes est qu'ils voient ce qui est et non ce qui aurait pu être. Pour cela, on a un célèbre adage en économie qui stipule que «peu de connaissances sont de dangereuses connaissances». Nous savons tous que le Paracétamol calme la douleur. Mais un médecin connaît plus.
Il sait que parfois il calme les douleurs d'une méningite mortelle qui peut tuer le malade plus tard. En économie, on sait qu'un emploi assisté permet à une personne d'être présente à un lieu de travail, de percevoir un salaire et d'attendre jusqu'à ce qu'un emploi permanent se libère. Mais notre administratif ne sait pas qu'avec ces ressources, on aurait pu créer une microentreprise qui aurait pu créer quatre ou cinq emplois permanents créateurs eux aussi de richesses.
Il y a beaucoup de conditions pour que l'injection de ressources dans l'économie productive induise des emplois et de la création de richesse en adéquation avec le volume des moyens mobilisés. Pour le moment, dans notre contexte, la vaste majorité de ces conditions n'est pas réunie. Nous avons seulement le marché qui est disponible si on maîtrisait les importations. Mais il nous manque un management de qualité pour rendre nos administrations et nos entreprises efficaces, compétitives et exportatrices. C'est un problème qui n'est pas simple à régler. Les gouvernements qui se sont succédé depuis l'indépendance ont tous échoué à ériger un management efficace qui rendrait notre appareil économique un instrument de création de richesse et de développement économique.
L'Etat peut aussi créer des entreprises publiques mais productives qui emploieraient toute personne disponible pour créer les emplois et la richesse (lait, blé, habitations bas de gamme, etc.). Mais le gros des emplois devrait provenir du secteur privé. Il nous manque beaucoup de choses pour venir à bout du chômage, car l'essentiel n'y est pas encore : l'organisation de l'Etat et un management de classe mondiale dans nos administrations et nos entreprises. On sera donc condamnés à subir des taux de chômage plus élevés que nécessaire.
Par Abdelhak Lamiri
PH. D. en sciences de gestion
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Posté Le : 09/03/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdelhak Lamiri
Source : www.elwatan.com