D'abord, il est important d'apporter cette petite précision : il n'est pas question ici d'aborder le thème du bonheur par le prisme poétique, ou plus généralement artistique ; non, là il s'agit d'une conférence strictement basée sur une étude sociologique.La littérature n'a rien à y faire, même si cela n'a pas empêché le conférencier de débuter la présentation de ses travaux par une référence au philosophe Aristote, celui qui «voit le bonheur comme un état de bien-être supérieur qui ne réside pas dans les biens particuliers». Le Pr Habib Tilliouine s'est ensuite lancé dans un historique des rapports des sociétés avec le bonheur, de l'époque où celui-ci n'avait pas le droit de cité (les années 30' et 40', alors en pleine guerre mondiale), aux années 70', quand le royaume du Bouthan avait instauré le «Bonheur national brut» (un BNB en somme? comme pied de nez au PIB).Les années suivantes, explique-il, de 1976 aux années 80', il y a eu une production intellectuelle grandiose, où de nouvelles mesures, prenant en considération la notion du bonheur et le bien-être, ont été prises. En 2002, Daniel Kahneman, économiste et psychologue, a eu le prix Nobel en économie comportementale et économie du bonheur, et cela bien qu'il ait affirmé n'avoir jamais assisté à un cours d'économie à l'université.En 2011, les 157 Etats membres de l'ONU ont été invités par cette dernière à élaborer de nouvelles mesures qui prennent mieux en compte l'importance de la recherche du bonheur et du bien-être pour orienter leur politique nationale. En somme, préconiser que ce soit la notion du bonheur qui oriente la politique, ce qui était pour le moins une nouveauté. Un an après, soit en 2012, l'ONU a instauré la Journée mondiale du bonheur qui se tient depuis le 20 mars de chaque année.Les années s'enchaînent et les mesures aussi : en 2013 a été établi le premier rapport mondial sur le bonheur, et en 2016, les Emirats arabes unis ont décidé de créer le ministère du Bonheur, avec tout ce que cela impose : un budget, des directions, etc. Le 25 septembre 2015, l'Assemblée générale de l'ONU a adopté un programme, pour l'horizon 2030, de développement durable, dont le quatrième objectif était promouvoir «le bien-être de tous et à tous les âges».Pour parler plus spécifiquement de l'Algérie, celle-ci a été classée en 2016, lors de la 4e édition de la «World Hapiness report», à la 38e place dans l'échelle du bonheur, alors qu'en 2017, elle dégringole à la 53e place (la crise économique étant sans doute passée par là). Pour ce qui est de la région MENA (Moyen-Orient et Maghreb), l'Algérie se positionne à la 5e place dans l'échelle du bonheur, après Bahrein (4e place), l'Arabie Saoudite (3e place), le Qatar (2e place) et enfin les Emirats arabes unis, qui ont décroché la première place.D'ailleurs, ces différents classements de l'Algérie dans l'échelle du bonheur ont valu beaucoup de commentaires dans la société et ont fait couler beaucoup d'encre. Les différents caricaturistes s'en sont donné à coeur joie : «L'Algérie, pays le plus heureux d'Afrique ' C'est vrai? mais seulement quand l'équipe nationale gagne», «On n'est ni heureux ni malheureux, juste dégoûtés.» On apprendra aussi que le déficit en matière démocratique n'a pas de relation avec le bonheur du citoyen. «Malgré ce que les gens vivent sous un système non démocratique, il n'y a pas beaucoup de relations entre le système politique et le bonheur».C'est ce qui ressort d'une étude faite en Afrique. Par contre, il peut y avoir un lien entre le bonheur et les changements en matière de démocratisation. Pour ce qui est de la corruption, là c'est tout autre chose : «Moins il y a de corruption, plus les peuples sont heureux, car la corruption est en relation directe avec le quotidien du citoyen, alors que le système politique, si on le prend dans sa globalité, il dérange certes, mais on peut toujours vivre sa vie quotidienne d'une manière ou d'une autre.»Autre point par lequel on peut mesurer la notion de bonheur dans les pays, celui du développement des infrastructures. Toujours d'après une étude établie en Afrique, il s'est avéré que la relation entre bonheur et infrastructures existe : «Nous nous sommes rendu compte que les pays où il y a le plus de routes, plus d'aéroports, etc. sont plus heureux !» Enfin, en guise de conclusion, le conférencier se demande : «Quelle est l'importance de cette thématique pour nous, algériens '» : elle est, selon lui, de grande importance, car ces données sur le bonheur doivent nous permettre de «réfléchir à ce que l'on veut».Elle nous permet aussi, explique-t-il, de revoir le modèle de développement qu'on a et de laisser de côté un modèle qui n'est basé que sur les chiffres. «Un modèle de développement qui est basé sur des chiffres ou sur le quantitatif plutôt que le qualitatif, laisse à désirer», prévient-il. Aussi, pour le conférencier, «les sciences sociales doivent dépasser l'idée d'être renfermées (elles ont été tellement marginalisées qu'elles ne jouent plus leur rôle), et au contraire, renseigner les décideurs (maires, walis, etc.) pour prendre des décisions sages (en vue justement d'apporter plus de bien-être aux citoyens !».
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Posté Le : 18/05/2017
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : El Kébir Akram
Source : www.elwatan.com