Algérie

Peut-on encore parler de flambeau à remettre'



Peut-on encore parler de flambeau à remettre'
5 Juillet 1962, le jour de l'Indépendance, et après...Les jours passent et les gens ne changent point.«Après cinquante années d'indépendance, la génération de Novembre doit-elle remettre le flambeau en ce 59e anniversaire de la Révolution armée'» C'est une question que nous avons rencontrée, comme ça, sur le Net et qui nous semble intéressante. Oui, après 60 ans, disons ainsi pour arrondir car il y a des gens qui ne calculent bien que lorsque c'est arrondi, le flambeau doit-il être remis' La question est simple et la réponse plus simple encore: non! On ne remet aucun flambeau à personne.Les raisons sont nombreuses et en voilà quelques-unes. Tout d'abord, au lendemain de l'indépendance, une seule phrase envahissait le ciel de l'Algérie: «Nous allons remettre le flambeau à la jeunesse.» A l'école, et nous étions encore enfants dans la belle Ecole algérienne, on nous apprenait qu'il s'agit là d'une phrase déclarative. Une phrase déclarative, nous disait-on, sert à déclarer, à dire une opinion, à raconter quelque chose. Nous étions encore enfants et nous ne connaissions pas encore les subtilités du langage. Nous ne savions pas, par exemple, que «dire» ne signifie pas nécessairement faire, que «déclarer peut ne concerner que les intentions et que «raconter» est plutôt utilisé pour les histoires.Aucun flambeau ne dureNotre innocence était conjuguée à notre naïveté, aussi, pour nous, c'était un bel exemple de phrase et de comportement. Depuis, c'est-à-dire 60 ans après, on ne parle plus de flambeau, au point où tout le monde a oublié jusqu'à l'existence même de ce terme. Et lorsqu'on oublie quelque chose, on ne la demande plus et, à plus forte raison, on ne songe plus à la remettre.Par ailleurs, pour remettre un flambeau, il faut qu'il y ait trois parties. Ceux qui remettent, ceux qui reçoivent et le flambeau lui-même. Or, après 60 ans, il est difficile de convaincre les gens d'une telle intention, car cela suppose qu'il faille trouver encore un flambeau à remettre, par qui le remettre et à qui le remettre.Aucun flambeau ne dure tant de temps car 60 ans sont suffisants pour que se consument tous les flambeaux du monde. Quelle que soit la matière dont ils seraient faits. Soixante ans sont aussi largement suffisants pour le sacrifice d'une génération et même si elle n'avait pas pris le chemin de la mer comme ses enfants, il n'en demeure pas moins qu'elle est partie les bras ankylosés à force de les avoir tendus vers le flambeau invisible qu'on lui promettait. Même ceux qui devaient remettre ce flambeau sont partis d'ailleurs. Après tout, soixante ans, c'est long, c'est même très long. Finalement, aucune partie n'est là pour qu'ait lieu la remise du flambeau et c'est pour cela que l'on préfère qu'on n'en parle plus. On n'en parle plus car on considère que, depuis le lendemain de l'indépendance, cette histoire du flambeau n'a été qu'un subterfuge qui aurait permis à certains de passer toute leur vie là-haut. On n'en parle plus car cette histoire de flambeau est la pire des promesses faites dans ce pays et Dieu sait qu'aucune, absolument aucune promesse n'a jamais été tenue!Enfin, on préfère ne plus en parler car la date de péremption d'un tel événement est dépassée depuis longtemps et la jeunesse algérienne d'alors, qui a vieilli entre-temps, a renoncé à réclamer ce flambeau à partir du moment qu'elle a vu à quel point ceux qui l'ont y tiennent et refusent d'imaginer un jour s'en séparer. Ils sont partis et le flambeau aussi. Ne nous restent que les histoires racontées, chaque fois sur un air différent, que les promesses tissées chaque fois d'un fil différent et que les attentes érigées chaque fois sur des espoirs différents. Mais puisque les choses sont ainsi, pourquoi revient-on nous entretenir aujourd'hui de ce flambeau' Pourquoi poser la question' Est-ce pour remuer le couteau dans la plaie' Ou est-ce parce qu'on aurait l'intention de berner encore ceux qui pourraient y croire' Ou bien alors s'est-on brusquement rappelé qu'il y a une promesse à tenir vis-à-vis de cette jeunesse'Substituer une phrase interrogative à une phrase déclarative n'aide en rien pour tromper les gens aujourd'hui. Nous sommes à l'ère de l'information et, rien qu'à lui seul, ce fait aurait pu pousser beaucoup, sinon à s'en aller depuis longtemps, du moins à se taire depuis plus longtemps encore.Notre retard est incroyablement grandLes jours passent et les gens ne changent point. Les discours dans leur bouche se font de plus en plus à la mode, c'est-à-dire de plus en plus trompeurs et fourbes, et leurs actes demeurent les mêmes. Il leur faudrait inventer autre chose car, maintenant, tout le monde sait qu'il n'y a plus de flambeau à recevoir, ni à remettre. Il y a un pays à développer par contre et cela dure depuis l'indépendance.Malheureusement, la manière dont ceux qui avaient le flambeau s'y étaient pris n'était pas la meilleure. Elle n'était même pas bonne d'ailleurs!Conclusion: nous en sommes toujours à la première page de notre histoire post-indépendance. Nous ne savons toujours pas comment produire la nourriture des Algériens. Nous ignorons comment les vêtir, comment leur assurer le transport, comment leur dispenser un enseignement correct, comment les motiver à travailler, comment les aider à résoudre leurs problèmes de logement et nous ignorons jusqu'à prévoir le nombre des commerces qui seront ouverts le jour des fêtes de l'Aïd.Notre retard est incroyablement grand par rapport aux autres. Certains se tournent vers le passé car, pensent-ils, nous n'avons plus que le passé pour nous comparer avec car là seulement, croient-ils, nous pouvons trouver quelques sujets de contentement. «Nous avons l'électricité alors qu'avant nous utilisions les lampes à gaz, nous avons des voitures alors qu'avant nous avions des chevaux.»C'est ce que nous disent souvent ceux qui veulent nous convaincre qu'ils ont fait quelque chose pour le pays et qu'ils l'ont même développé! Non, même par rapport au passé, notre recul est terrifiant car nous avions une bonne école, nous avions de bonnes valeurs, nous avions de bonnes intentions pour le pays. Aujourd'hui, rien de tout cela n'existe. Même les intentions sont devenues personnelles, propres, intimes et n'ont rien à avoir avec le pays. On ne développe pas un pays à coups de mensonges, ni à coups de promesses qu'on se sait incapable de tenir ni, encore moins, à coups de milliards jetés d'un côté et de l'autre des trottoirs lors de visites aux villes et villages la veille d'élection. Pour développer un pays, il y a des capacités à mettre en oeuvre et des compétences à faire éclater. Ou l'on est capable de cela et le pays se développera ou l'on n'en est pas capable et le pays continuera l'éternité durant à être à la traîne.Le reste, tout le reste, n'est que du blabla qui a même cessé depuis longtemps d'être politique. Soixante ans, c'est le temps qui a suffi à l'Allemagne pour devenir une puissance économique mondiale et au Japon pour devenir le symbole du développement et de la croissance sur cette planète. Soixante ans après l'indépendance, certains s'interrogent encore s'il faut remettre le flambeau ou non. Mais de quel flambeau parlons-nous' Peut-on encore parler de flambeau à remettre'




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