Algérie

Pétrole, la fin des illusions



Le pétrole, hier comme aujourd'hui et demain, demeurera au centre d'importants enjeux. Politiques d'abord, économiques ensuite, et écologiques. Les Etats-Unis, plus gros consommateur mondial, sont en train de donner une autre configuration, une autre direction au secteur pétrolier. Pas pour les deux à trois années à venir, mais avant les dix prochaines années tout au plus.A ce moment-là, les pays producteurs à faibles potentialités économiques alternatives comme l'Algérie vont souffrir et doivent plus que jamais envisager sérieusement de mettre en place une stratégie économique de sortie de la dépendance des hydrocarbures. Car le fait dominant sur ce marché très sensible est que les Etats-Unis, pour la première fois depuis 1975, ont levé fin 2015 l'interdiction d'exportation de brut. Avec une production de plus de 10 millions de b/j, l'équivalent de celle de la Russie, les Américains sont devenus, grâce au pétrole de schiste, premiers producteurs de brut au monde. Pour les pays producteurs, dont l'Opep, il s'agit d'une réelle menace pour le marché, mais surtout pour le maintien des prix du brut dans des proportions favorables aux investissements et aux coûts des installations pétrolières.
Déjà, Washington exporte son brut vers les pays asiatiques et compte dans les prochaines années alimenter le marché européen en l'arrosant avec le pétrole et le gaz de schiste dont les techniques d'extraction, en dépit de l'alarmisme des ONG, sont de plus en plus moins coûteuses. L'avertissement de cette recontextualisation du marché pétrolier dans les toutes prochaines années s'adresse directement à l'Opep qui multiplie les initiatives et les négociations pour stabiliser l'offre mondiale de brut pour ne pas éroder des prix déjà passablement mauvais et qui restent largement non rémunérateurs pour des pays, comme l'Algérie, dont l'économie locale en dépend. Hier lundi au fixing de Londres, le brut de référence de la mer du Nord (Brent) était de 66,01 dollars, un niveau de prix tout juste moyen et qui ne correspond pas aux attentes du gouvernement algérien, par exemple, dont les recettes pétrolières pour 2017 n'ont pas réussi à couvrir la moitié des déficits.
Il est clair que le retour des Etats-Unis au sein des pays exportateurs de brut va rebattre les cartes sur un marché déjà stressé et, surtout, qui va se réduire avec les énormes investissements dans les principales économies importatrices, en Europe notamment, dans les énergies non conventionnelles. L'intrusion de l'éolien, le solaire ou les biocarburants combinés avec l'énergie des centrales nucléaires, même aux Etats-Unis, va limiter, sinon réduire dans les prochaines années la demande mondiale de brut, d'autant que la moitié de la consommation énergétique mondiale, y compris dans le secteur automobile, est de plus en plus tirée de l'électricité.
Le retour des Américains sur le marché mondial du pétrole, avec un client aussi gourmand que l'économie chinoise, n'est vraiment pas une bonne nouvelle pour les petits producteurs. L'Algérie y figure dans ce schéma angoissant avec ses 1,5 mbj. Mais, pas seulement notre pays, mais ce sera toute l'architecture et la philosophie de l'Opep qui seront bousculées, dans moins de 10 ans, par le brut américain, léger et facile à raffiner, donc avec une prime plus importante. Face à cette menace, l'Algérie, qui ne vend plus que moins de deux milliards de dollars de produits d'hydrocarbures aux Etats-Unis contre plus de 10 mds de dollars il y a 15 ans et moins de 35 mds de dollars d'exportations depuis 2014, doit en urgence trouver des parades pour sortir de l'ornière de la dépendance des hydrocarbures. L'incapacité des raffineries américaines, conçues pour traiter le pétrole lourd des schistes bitumineux du Canada ou le pétrole mexicain, à raffiner leur propre pétrole sera levée dans sept ans, période nécessaire pour la construction d'une raffinerie. Le sursis est donc court.


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