Algérie

Petit récit d'une traversée en Méditerranée : la grande bleue et les hommes en blanc Culture : les autres articles



Cette immensité d'eau reflétant le bleu du ciel en surface et renfermant bien des abysses mystérieux, est à la fois une curiosité, un passage, un divertissement, une source de richesses, mais aussi un danger, un risque, une menace.La grande bleue s'étend et s'abandonne au mouvement des navires telle une Ariane sereine. Elle se laisse prendre sans riposte ni agitation, elle est calme. Poséidon, après l'avoir soumise au tumulte tout un hiver, lui offre une traditionnelle paix estivale. Sa couleur azur scintillant sous les dards généreux du soleil, envoûte et fascine à la fois. Cette immensité d'eau, reflétant le bleu du ciel en surface, et renfermant bien des abysses mystérieux, est à la fois une curiosité, un passage, un divertissement, une source de richesses, mais aussi un danger, un risque, une menace. Laissant un tapis de perles à son passage, le navire éventre l'immense étendue d'eau et se met à tracer son chemin reliant ces deux rives de la Méditerranée qui se font face et se connaissent si bien.
Quête initiatique
Elles qui partagent des milliers d'années d'échanges et d'allées et venues réguliers et riches. La mer qui s'étend d'une rive à l'autre est à elle seule une invitation à la découverte. Elle tend ses bras d'un côté comme de l'autre, appelant ceux d'ici et de là-bas, à tenter le passage. La nature est faite de telle sorte qu'elle est un appel à aller à la rencontre de l'autre, le connaître. Cette étendue d'apparence vide, mais qui est bien pleine, attire des passagers de tous les horizons. Des voyageurs en quête d'un passage d'une rive à l'autre, des fuyants d'une rive vers l'autre, mais elle est toujours visitée par des réguliers qui ont su dompter sa colère et se laisser aller à son mystère.
Ces hommes et ces femmes qui ne jurent que par elle lui ont promis fidélité et loyauté après avoir fait le choix de sa conquête. Eux, ce sont les marins, que les ports du monde connaissent, mais qui ne se sentent chez eux que sur un bateau navigant au gré des vents et des flots. De leur amour pour la mer, ils ont fait leur métier, de leur attachement à la grande bleue, ils ont fait leur code d'honneur. Ils parcourent sans se lasser des milles et des milles d'étendues marines. Ils chantent la mer, la poétisent et même parfois en font leur confidente.
Elle cache dans ses profondeurs bien des complaintes, des histoires, et des prières. Sur leur embarcation tellement impressionnante à quai et tellement minuscule au milieu de l'immensité d'eau, ils ont toujours su retrouver leur chemin, eux qui savent bien compter les n'uds, mais aussi les délier. De l'intérieur de ces machines marchant sur l'eau, ils vaquent à la navigation comme tous les travailleurs passionnés par leur métier. Leurs parcours en mer sont mesurés en journées, en semaines en mois. Une fois arrivés à destination, ils débarquent les passagers et repartent la retrouver pour un autre parcours, une autre aventure.
Tariq Ibn Ziyad multiplie ses conquêtes en mer
De ces mouvements de personnes embarquant et débarquant à quai, occupant pour un temps le car-ferry, ne demeurent que les marins, devenant, comme le bateau et la mer, un élément incontournable de la traversée. Lorsque tout le monde s'en va, ils restent à bord, le pied non loin de la belle étendue.
Le bien nommé, Tariq Ibn Ziyad, multiplie ses conquêtes en mer. Il connaît bien la Mare Nostrum et elle le connaît bien.
Sous la baguette ferme et complice de son commandant, l'équipage se lance, avec un «hisse et oh» muet, dans la traversée. Un mouvement de fourmis s'engage. Tout de blanc vêtus, ils passent d'un étage à l'autre dans ce bâtiment flottant, comme pour s'assurer que tout est paré pour reprendre la mer. Toute la traversée durant ils contrôlent le mouvement du bateau pour certains, ils s'occupent des passagers pour d'autres.
Leur métier de perpétuels voyageurs fascine, mais ils sont les seuls à connaître ses travers. Ils sont coupés de la terre ferme pour de longs mois, ne voient pas grandir leurs enfants, et la mer qui les fascinait jadis les adopte avec le temps et vole leur jeunesse en guise de tribut de bon passage. 36, 32, 28, ce n'est pas là une combinaison pour le loto, mais le nombre d'années passées dans la navigation pour bon nombre des membres de l'équipage du Tariq. Le choix de la jeunesse devient une habitude, puis une nécessité.
«La plupart des marins décèdent une année ou deux ans après leur retraite. C'est dramatique, et personne n'en parle on ne cherche même pas à savoir pourquoi», nous dit un membre de l'équipage qui, pourtant, ne regrette pas son choix de la mer. Les marins revendiquent toutefois de la considération, un meilleur salaire et une retraite à 25 ans d'expérience. «Les gens ne voient que le bon côté de notre métier, les voyages, ils ignorent toutefois que nous sommes continuellement soumis à la pression. Nous souffrons de l'éloignement de nos familles, nous faisons face aux risques de la mer, et subissons aussi la pression des autorités. Le cumul de ces peines fait que le marin retraité ne profite pas de sa retraite, il décède au bout d'une année ou deux», nous dit un autre membre de l'équipage.La fin romancée d'un marin qu'on attribue souvent à son divorce avec la mer, a bien d'autres raisons liées à des années de service bien pénibles.
Une vie vouée à la mer
L'amiante qui couvrait bon nombre des anciens navires qui ne sont plus en circulation, a eu raison de beaucoup de vieux marins qui se retrouvent atteints de maladies chroniques. 23h, le bateau tangue non pas du fait du mouvement des vagues, mais de la musique qui échappe des platines du disc-jockey. Les marins font voler en l'air la stoïque attitude adoptée durant la traversée pour se laisser aller aux rythmes endiablés de la musique et oublier pour un temps les soucis d'une traversée et les soucis d'une vie vouée à la mer.


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