Algérie

PETIT PALAIS D’EL EUBBAD



Placées en contrebas de la qoubba, formant pour ainsi dire le degré inférieur de cette superposition d'édifices qui gravissent la pente du Mefrouch, se trouvent les ruines d'un petit monument civil que l'on désigne, dans le pays, sous le nom de « Dâr es-Soltân », maison du Sultan. Cette construction date vraisemblablement de la même époque que la mosquée et la Médersa ; c'est sans doute là un des embellissements que les princes mérinides apportèrent à leur pèlerinage préféré ; mais il nous semble assez difficile de préciser quelle put en être la destination primitive(1).
Il se compose d'un corps de logis occidental formé d'un patio A muni d'un bassin rectangulaire et bordé, au Nord et au Sud, par deux portiques couverts donnant accès chacun dans trois chambres : deux petites à droite et à gauche, une grande très allongée au fond. Deux autres chambres s'ouvrent à l'Est et à l'Ouest du patio, divisées, ainsi que la grande chambre Sud, par des arcatures qui ménagent, aux deux bouts de la pièce, des sortes d'alcôves ou de retraits, fréquents dans les habitations arabes. La partie méridionale est munie de latrines et de lavabos ; des conduits, pratiqués dans l'épaisseur des murs et sous le pavement des salles, y amènent l'eau(2).
Un couloir communiquant avec le patio donne accès, à gauche, sur un escalier B qui descend à deux petites chambres voûtées ayant toutes deux l m ,70 sur 2 m, 10, et à une troisième dont l'accès est impossible. Ces petites salles étaient vraisemblablement affectées à l'installation de bains de vapeur; on y voit encore des conduits pour les fumigations. Le couloir fait aussi communiquer le patio A avec un second corps de logis très endommagé et ayant nécessité des travaux de soutènement. Il se compose d'une cour centrale C entourée de quatre ou cinq salles. Un escalier flanquant la salle placée au Sud permettait de monter à une chambre supérieure.
Un troisième corps de logis fait suite à ce corps central; nous y trouvons un nouveau patio B plus petit que le premier, flanqué de trois côtés par des portiques couverts, du côté de la plaine, par une grande chambre.
Le départ d'une voûte flanquant cette dernière salle indique que là ne s'arrêtait pas le palais, mais qu'un nouveau corps de logis le prolongeait vers l'Orient.
Tel qu'il nous est parvenu, ce monument présente plus d'une dizaine de chambres, dont quelques-unes ont près de 12 mètres de long et dont pas une ne dépasse 3 mètres en largeur. Presque partout subsistent les traces d'une ornementation somptueuse. On rencontre des pavements de mosaïque de faïence à décor géométrique dans plusieurs endroits du grand patio. Les salles, dont la construction fait intervenir à la fois le pisé et les assises de briques, sont couvertes par des voûtes en berceau. Elles semblent avoir été entièrement revêtues d'arabesques de plâtre d'un style très fourni et très élégant. L'échelle en est beaucoup plus réduite que celle des décors de la mosquée et de la Médersa, et bien appropriée à l'intérieur d'un petit édifice privé. Un entrelacs foisonnant et axe suivant la bissectrice de l'angle supérieur garnit les écoinçons des arceaux. Les motifs épigraphiques ou géométriques ordinaires forment les frises; les grandes surfaces des murs et des plafonds portent les habituels losanges à palmes superposées. L'inscription cursive qui court en bordure reproduit l'eulogie constamment répétée dans les monuments mérinides : « L'empire durable est à Dieu, la gloire stable est a Dieu. (3) » Les arcades sont bordées par des motifs réguliers gaufrant les douelles de plis horizontaux. Ce genre de décor, qui ne se rencontre presque jamais à Tlemcen, est fréquent dans les palais espagnols ; l'Alhambra en présente de très analogues. La forme des arcs en plein cintre, non outrepassé, accentue cette ressemblance.
L'emploi de cette courbure, le décor très riche des arcades, l'existence de pavements mosaïques, l'affectation évidemment civile de ce petit palais lui font une place à part dans la série des monuments tlemceniens. Faut-il y voir la résidence spéciale d'un sultan mérinide, sorte de maison des champs où il venait se reposer des tracas du Gouvernement, en même temps qu'il y pouvait plus à loisir vaquer au soin de sa dévotion? Ne faut-il pas y voir plutôt un petit palais destiné aux princes étrangers, sorte de zàwiya pour les pèlerins de distinction ? L'état de délabrement de l'édifice d'une part, le silence des textes de l'autre, ne permet ici que des conjectures.


NOTES :
1- Il n'est fait dans les textes aucune mention de cet édifice: il était inconnu, enfoui sous une couche de terre et de décombres, jusqu'à ce que des fouilles faites, en 1885, 1886, par le Service des Monuments historiques en révélassent l'existence.
2- Notre photographie montre le grand patio occidental A; au premier plan, le bassin rectangulaire, à droite une des salles latérales avec son départ de berceau et des restes de sa décoration de plâtre; au fond, précédant l'entrée de la grande chambre adossée à la colline, la galerie couverte avec ses arcs en plein cintre et ses piles carrées.
3- Cf. suprà, p.253. note.



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