L'Iran et le
dossier nucléaire, Taiwan, le cours des monnaies, Google et le contrôle de
l'Internet, le Dalaï-lama : tout est objet de frictions au sein du «G2» Si
Georges Bush, persuadé d'une suprématie américaine définitive (et avec les
succès qu'on lui a connu), avait choisi comme tactique diplomatique de « cogner
dur d'abord et très éventuellement discuter après, un petit peu », Barack Obama
avait pris la posture inverse : une politique de dialogue, de la main tendue,
quitte à manifester après, le cas échéant, sa mauvaise humeur. Toujours est-il
que sur ce nouveau schéma des relations internationales apaisées, dans un
«monde multipolaire» mais sur fond d'ébranlements profonds d'une économie
mondialisée et financiarisée, les projets du nouveau pouvoir américain buttent
aujourd'hui sur une évidente mauvaise volonté chinoise. Des commentateurs
avaient émis il y a quelques mois, l'hypothèse d'une nouvelle gouvernance
mondiale, la «Chinamérique», le «G2» qui cumulerait le souhait des deux grandes
puissances de commander ensemble la planète entière et l'obligation de
s'entendre nécessairement entre elles. A écouter ces prédictions, le monde
devait durablement vivre sous la double influence des Etats-Unis, principale
puissance militaire et financière, et de la Chine, énorme locomotive
démographique et industrielle.
Sérieuses
bouderies Hélas ! Tout comme le «Choc des civilisations», «l'hyper-puissance
américaine», la «renaissance du califat», le mythe du «G2» n'a duré que ce que
durent les roses, l'espace d'un instant. Depuis quelques semaines, Washington
et Pékin s'échangent aujourd'hui des balles (de tennis) à tir tendu.
* 1er sujet
majeur de désaccord, les monnaies : après la tempête de l'effondrement
financier, la question des monnaies internationales revient au 1er plan. Le
Yuan et le dollar sont largement sous-évalués, au détriment notamment de
l'Euro, mais pas seulement… Problème : Barack Obama estime que la monnaie
chinoise est plus sous-évaluée que le dollar et que la Chine, passée récemment
1er exportateur mondiale devant l'Allemagne, ne jouait pas le jeu en renforçant
constamment un appareil de mesures protectionnistes destinées à préserver son
propre marché intérieur et sa «sphère d'influence» qui s'étend aujourd'hui sur
plusieurs continents.
«Actuellement, compte tenu de la balance
internationale des paiements et de l'offre et la demande sur le marché des
changes, le yuan est à un niveau proche du raisonnable et équilibré», a
protesté le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ma Zhaoxu.
Une opinion qui n'est absolument pas partagé
par les principaux partenaires commerciaux de Pékin. Selon l'Institut
Peterson pour l'économie internationale, le yuan est sous-évalué de 40% par
rapport au dollar. Le dollar étant lui-même largement sous-estimé par rapport à
l'Euro…
Dans une vaste crise de récession et à
l'heure du « chacun pour soi », le cours de la monnaie avec laquelle vous
achetez et vous vendez compte énormément…
* Second sujet
majeur de fâcherie : l'Iran. Barack Obama a mis tout son poids de président
nouvellement élu, pour bloquer diplomatiquement l'accès de l'Iran au rang de
puissance nucléaire militaire. On peut s'interroger sur les finalités d'une
telle volonté. On doit constater que «l'allié chinois», et plus secondairement
la Russie n'ont guère aidé les Etats-Unis à atteindre ses objectifs dans ce
domaine. Ahmadinejad l'a bien compris : il vient de relancer publiquement le
programme nucléaire iranien. Mauvaise humeur contre arrogance. Pour manifester
sa mauvaise humeur, Barack Obama a voulu toucher immédiatement la « fierté
chinoise» autour de deux annonces : Washington a récemment augmenté la pression
en approuvant une vente de 6,4 milliards de dollars d'armes à Taiwan, dont : «…
60 hélicoptères Black Hawk, des missiles d'interception Patriot, des missiles
Harpoon qui peuvent être employés sur terre ou sur mer, et deux navires
démineurs rénovés » (New York Times, 30 janv. 2010). Le président américain va
prochainement rencontrer le Dalaï-lama, figure symbolique de l'indépendance du
Tibet. Deux nouvelles qui ont mis Pékin en rage.
Quel est le sens de cette brusque montée de
tensions ? Face à une certaine «arrogance chinoise» constatée depuis plusieurs
mois, Washington se rebiffe. La Maison-Blanche reconnaît aisément que Pékin est
devenu son principal banquier. Mais, comme tout banquier, celui-ci risque
beaucoup plus que son principal créancier, si ce client d'exception s'avérait
insolvable. Par ailleurs, les Etats-Unis, restent de loin, et ce malgré des
échecs répétés (Irak, Afghanistan..), la principale puissance militaire
mondiale…
Pour l'essentiel, ces différentes
rodomontades et agitations diplomatiques ont surtout vocation à s'adresser
aujourd'hui à des publics intérieurs. Barack Obama, confronté à une forte
montée du chômage aux Etats-Unis et à un piétinement de sa politique étrangère,
s'évertue à prouver sur tous les dossiers aux citoyens américains «Yes, we can
!». Le président doit reconstituer sa société et éventuellement redonner corps
au «rêve américain». Il est le seul chef d'Etat, aujourd'hui, à pouvoir imposer
une réelle régulation aux excès d'un certain capitalisme financier,
ultra-libéralisé qui, fait nouveau, excède au plus haut point une majorité
d'Américains. Mais, Obama dirige un pays lourdement endetté. Malgré les
nouveaux succès boursiers de ses grandes entreprises (grâce aux efforts des
contribuables !), la consommation ne redémarre pas. Le président américain,
après les huit années catastrophiques de Georges Bush, peine enfin à sortir son
pays d'interventions militaires d'emblée vouées à l'échec.
Le pouvoir chinois, malgré des succès
éclatants, est confronté du fait même d'une croissance économique
extraordinaire, à une dilution des rudes normes d'une société communiste
autoritaire. Les couches les plus aisées rejettent la tutelle du parti, et dans
l'immense peuple chinois qui ne voit pas beaucoup s'améliorer ses conditions de
vie, on assiste depuis plusieurs années à des conflits sociaux croissants. Pour
calmer les uns et les autres, Pékin exalte la «patrie chinoise» et joue la
carte du nationalisme de grande puissance.
Hu Jintao, le discret dirigeant chinois, peut
se féliciter de résultats exceptionnels. La Chine, forte de ses 10% de
croissance annuelle, fait preuve d'un dynamisme industriel, financier et commercial
sans pareil. Ses universités forment, par millions, de
nouvelles élites intellectuelles. Ses diplomates étendent avec habileté et sans
fanfaronnades, l'influence du pays sur plusieurs continents. Des astronautes
(ou cosmonautes) chinois iront sur la lune dans quinze ans ! Le modèle chinois,
mélange habile d'une discipline sociale totale, issue du communisme, et d'un
capitalisme conquérant, séduit bon nombre de chefs d'Etat de pays émergents. Mais
cette construction est également la plus grande faiblesse du système chinois. Sauf
à croire qu'il existerait une âme chinoise, distincte du reste de l'humanité,
vouée éternellement à la discipline, on voit mal coexister durablement de
formidables succès économiques et techniques et une société civile contrainte à
la coercition la plus stricte. La volonté d'un pouvoir politique d'enrégimenter
l'Internet en Chine, là où l'on compte déjà le plus grand nombre d'internautes
au monde, en est une parfaite illustration mais elle parait une tentative bien
vaine…
Humiliation européenne
Dans un tel
contexte, le constant mépris qu'affecte le nouveau président américain à
l'égard de la vieille Europe apparaît peu compréhensible. Certes, l'Union
européenne, malgré son titre de 1er marché mondial, fait toujours la preuve de
son impotence politique et de son incapacité à bâtir une politique économique,
commune et cohérente. Elle reste néanmoins le principal allié des USA.
Barack Obama, pourtant ovationné par
l'ensemble des peuples européens lors de son élection, s'est appliqué depuis à
leur infliger gifle sur gifle. Dernier couac d'une (déjà) longue série, la
décision de Barack Obama, annoncée brutalement lundi 1er février, de ne pas
assister au sommet Union européenne - Etats-Unis prévu les 24 et 25 mai à
Madrid, une réunion qui se tient une fois par an au plus haut niveau. Cette
défection a été perçue par nombre d'observateurs comme un camouflet de plus
infligé par le président américain à l'Europe. Déjà, en décembre, lors du
sommet international de Copenhague sur le Climat, les Etats-Unis avait
ostensiblement boudé les propositions européennes pour s'enfermer dans un
compromis sino-américain, auquel étaient vaguement associés le Brésil et
l'Inde.
Lors du tremblement de terre à Haïti,
Washington qui est intervenu de façon quasi militaire a semblé vouloir
marginaliser l'aide européenne dans ce pays francophone.
Les Etats-Unis continuent à déployer leur
système anti-missile en Europe de l'Est (la Roumanie s'est ralliée cette
semaine) à la grande colère des Russes (Moscou vient de classer l'OTAN comme
1ère menace contre la Russie !), alors que ce dispositif a tout sauf l'agrément
de l'Union européenne.
Bref ! La condescendance américaine commence
à agacer et, phénomène nouveau, l'irritation ne se constate pas seulement en France,
pays qui se vit dans un rapport constant d'amour/haine avec les Etats-Unis. Mais
il commence à être perceptible de Londres et à Berlin, comme dans beaucoup
d'autres capitales de l'UE.
CAN 2010 : les
six leçons de Pascal Boniface Après la géopolitique, il nous faut, enfin,
aborder les questions sérieuses, les vrais débats, les enjeux essentiels. Nos
lecteurs le savent, il faut sans cesse et sans cesse revenir sur le bilan de la
Coupe d'Afrique des Nations et tirer avec lucidité et courage toutes les leçons
de cet événement majeur. Le chroniqueur de Paris, étant à peine capable de
distinguer son pied gauche de son pied droit, est évidemment très mal placé. Coup
de chance ! Pascal Boniface, éminent directeur de l'Institut de géopolitique
français IRIS, est également un passionné de foot. Il était décisif de faire
connaître aux lecteurs du Quotidien, son commentaire précis et décisif sur
cette rencontre entre nations africaines. «Triple peine pour le Togo,
organisation chaotique, des stars qui sont passées à côté de la compétition,
demi-finale piètrement arbitrée, soupçon de traitement de faveur envers
l'Egypte, meilleur niveau de la CAN » tranche-t-il de façon laconique en
introduction, semblant regretter une 3ème «victoire à l'arraché» du «pays des pharaons»...
Pour lui, il faut retirer six leçons :
1. L'équipe
togolaise a dû affronter, outre la compétition sportive, une triple épreuve :
une attaque contre l'équipe du Front de libération de l'enclave de Cabinda
faisant deux morts dans l'équipe large du Togo ; la décision du gouvernent de
ce pays, contre l'avis des joueurs, de se retirer de la compétition ; la
décision incroyablement injuste du président de la Confédération africaine de
football (CAF), Issa Hayatou : exclure la sélection du Togo des deux prochaines
Coupe d'Afrique de football !
2. Les mêmes
bureaucrates n'ont guère brillé par leur sens de l'organisation : «
Organisation chaotique : Personne n'a été épargné par la désorganisation durant
les trois semaines de compétition. Un seul exemple : l'avant-veille de la
finale, les joueurs égyptiens ont mis huit heures pour rejoindre Luanda, alors
que le vol depuis Benguela dure à peine quarante minutes », note avec précision
le géopoliticien.
3. Des joueurs et
des équipes en réserve : «Le fait est qu'on n'a pas vu les grandes équipes… ni
les grands joueurs».
4. « La
demi-finale Egypte-Algérie piètrement arbitrée par Koffi Codjia, l'arbitre de
cette demi-finale, a Å“uvré pour l'Egypte. Vu le passif entre les deux équipes
(notamment les émeutes qui ont suivi une de leurs confrontations lors des
éliminatoires), on peut considérer qu'il a totalement manqué de discernement ».
5. «L'Egypte
soupçonnée de traitement de faveur : l'arbitrage de ce match pose la question
du poids de l'Egypte dans la CAF, dont le siège est au Caire».
6. Seule
consolation : « la CAN monte. Elle semble à présent se situer juste derrière
l'Euro, et devant le championnat d'Amérique du Sud des nations ». On laisse ces
commentaires au débat.
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Posté Le : 11/02/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com