Algérie

Pessimisme en France, optimisme en Irak !



L'information a de quoi étonner. Selon un sondage international de l'Institut BVA-Gallup portant sur 53 pays, les Français seraient le peuple le plus pessimiste du monde ! Commençons par les chiffres : 61% des Français interrogés auraient ainsi déclaré que 2011 serait une «année de difficultés». La tonalité pessimiste est la même dans d'autres pays européens avec 52% pour le Royaume-Uni, 48% pour les Espagnols et 41% pour les Italiens, contre 28% en moyenne dans le monde. L'Allemagne, dont l'économie se porte bien en comparaison du marasme de ses voisins, est la grande exception européenne puisque seuls 22% des Allemands craignent 2011.

 Le constat est encore plus édifiant dès lors que l'on aborde la question de l'avenir personnel. Toujours selon le même sondage, les Français sont les plus inquiets du monde, avec 37% de personnes angoissées quant à leur situation et à leur avenir. A l'opposé, les Vietnamiens sont les plus optimistes au monde avec 70% de la population qui se déclare confiante vis-à-vis de 2011. Plus étonnant encore, des pays que les médias présentent souvent comme étant condamnés à un chaos permanent pointent en tête des plus optimistes. Il s'agit de l'Irak, de l'Afghanistan, du Kosovo et même du Pakistan. Tous figurent parmi les dix premiers pays les plus confiants dans l'avenir.

 Abordons tout de suite ce dernier point. Contrairement à une idée reçue, on peut comprendre que les Irakiens soient confiants. Certes, leur pays a été ravagé par l'invasion américaine et par la guerre civile qui perdure à ce jour. Mais des nouvelles en provenance de ce pays démontrent que les choses changent petit à petit même si la situation demeure extrêmement tendue et dangereuse. Des institutions se mettent en place, des membres de la diaspora ont pris le chemin du retour ne serait-ce que pour investir tandis que le niveau de violence a relativement diminué par rapport à la période 2003-2008. En clair, on peut admettre l'idée que les Irakiens se disent que, désormais, le pire est derrière eux et que les choses ne peuvent que s'améliorer.

 Si on peut tenir le même raisonnement pour le Kosovo, on est tout de même surpris de cet optimisme qui prévaudrait en Afghanistan et, surtout, au Pakistan. Dans les deux cas, la situation politique et économique est des plus explosives. Certes, le Pakistan est un pays dont le dynamisme n'a rien à voir avec les descriptions apocalyptiques que nous infligent de manière régulière les médias occidentaux. A l'opposé des fous furieux qui manifestent pour un oui ou pour un non en brûlant des drapeaux américains, il y existe une presse libre et accrocheuse ainsi qu'une justice indépendante et une société civile très active. Faut-il donc penser que c'est la difficulté qui engendre l'optimisme ? Ou, petite nuance, est-ce la longue habitude de la difficulté et de l'adversité qui permet l'optimisme au lieu, comme on pourrait le penser, de générer du fatalisme ?

 Il serait intéressant de mener un tel sondage en Algérie. En économie, un indicateur permet souvent de se faire une idée globale à propos de l'humeur d'un pays. Il s'agit des fuites de capitaux. Dans le cas algérien, les statistiques ne sont guère utiles car une bonne partie de l'argent qui quitte le pays emprunte des circuits non-officiels. Pour autant, ce n'est un secret pour personne : plusieurs milliards de dinars s'enfuient chaque année en étant convertis en devises étrangères et investis en Europe, dans le Golfe ou même aux Etats-Unis. Un autre indicateur pourrait aussi être très utile. Il s'agit de l'investissement privé et, surtout, de son évolution dans le temps. Si les entreprises algériennes non étatiques n'investissent pas ou peu, ce qui est le cas de l'Algérie, c'est bien la preuve que la confiance en l'avenir n'existe pas.

 Mais revenons au cas français. A dire vrai, les résultats du sondage ne sont pas surprenants. Cela fait des années que l'Hexagone s'enferre dans la sinistrose et semble même s'y complaire. Les exemples sont nombreux à commencer par les stratégies éditoriales des médias. Menace terroriste, épidémies, crise financière, problèmes sociaux, insécurité, il suffit de passer en revue les unes des quotidiens et des hebdomadaires pour se rendre compte que la presse écrite française – et ne parlons pas de la télévision – a du mal à se défaire d'un alarmisme qui, pourtant, ne contribue même plus à faire vendre du papier. Un autre exemple est celui des chanteurs de variétés. Ni joie, ni bonheur et encore moins d'entrain : pour vendre du tube, il faut être dépressif et ressasser en permanence sa mal-vie. Cela donne des chanteurs et des chanteuses lugubres qui deviennent des modèles à suivre pour une jeunesse déboussolée et convaincue que sa vie sera bien plus difficile que celle de ses aînés.

 Mais il faut tout de même se poser la question suivante : ces sondages reposent-ils sur des déclarations sincères ou n'est-ce pas simplement la manifestation d'un mal-être passager ou, tout simplement, la volonté habituelle de râler ? Les concepteurs du sondage ne s'y sont d'ailleurs pas trompés en parlant de «pessimisme déclaratif». On le sait, dire que tout va mal quand on ressent le contraire est une manière d'exorciser ses craintes. Cela signifie que le sondage BVA devrait être interprété d'une manière différente même si la situation économique et sociale en France justifie que l'on soit pessimiste tout comme d'ailleurs la pauvreté intellectuelle du débat politique (sans compter le manque d'envergure des dirigeants de ce pays).

 En réalité, c'est une résistance aux changements qui s'annoncent qu'expriment les Français. Bien conscients du caractère exceptionnel de leur modèle social, ils ont compris que cela risque de ne plus durer. Retraites, sécurité sociale, emploi, santé : autant de domaines où la logique libérale s'est définitivement imposée – elle n'est même plus dénoncée par le parti socialiste. Et ces bouleversements brutaux qui s'annoncent expliquent pourquoi les Français, y compris ceux qui sont satisfaits de leur situation actuelle, craignent autant l'avenir.








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