Persécutions

En publiant une demande d'emploi dans un quotidien national, elle n'imaginait pas que les réponses allaient fuser de partout. Des appels, qui, pensait-elle, allaient enfin lui ouvrir la voie vers le monde du travail.- Allô, j'ai lu votre annonce, vous êtes libre de suite '
- Oui.
-Vous portez le foulard, mariée, célibataire, divorcée '
- Mais en quoi est-ce important ' Quel est le rapport '
- Je suis P-DG d'une entreprise et je cherche une femme qui soit disponible et qui me seconde. Vous voyez ce que je veux dire...
- Je crois que vous vous êtes adressé à la mauvaise personne. J'ai fait une demande d'emploi, pas une demande pour une liaison.
Elle raccroche, hors d'elle.
«Mais je rêve !»
Le téléphone sonne.
Une voix tremblotante annonce la couleur :
- Je suis un émigré de France, je suis sérieux, je gagne très bien ma vie, je suis bien installé, à la retraite depuis peu. Je voudrais refaire ma vie avec une femme de mon pays.
- Lisez l'annonce, je cherche du travail. Pas un mari. C'est pourtant clair.
«C'est à s'arracher les cheveux. Mais ils sont malades !»
- Allô, j'ai lu votre annonce et je suis très intéressé par votre profil. Je suis directeur d'une maison d'édition. Je dois juste vous préciser que vous serez appelée à travailler tard, je veux dire après les horaires de bureau. Vous avez quelqu'un dans votre vie ' Si vous êtes libre, on pourrait s'entendre. Et pourquoi pas aboutir à une relation sérieuse.
Elle coupe le téléphone, sans voix, les yeux rougis de colère.
«Mais c'est à cela que nous sommes réduites...»
Elle décide de ne plus répondre. Mais voilà que la sonnerie ne s'arrête plus. Et ce sont les mêmes goujats qui reviennent à la charge, tantôt usant d'autres numéros, tantôt en numéro inconnu ou privé. Le cauchemar aura duré plus d'une semaine. Les coriaces ne lachent pas prise. Elle n'en peut plus.
Elle court vite au journal pour ôter l'annonce et, encouragée par ses amies, envisage de déposer une plainte pour harcèlement.