En Algérie, le FIS est mort mais l'islamisme est vivant. Ilne demande plus le Pouvoir mais se cache sous la bonne cause du Devoir. Il nevise pas l'Etat mais son peuple. Les Algériens ne prennent pas le maquis maisde mauvaises habitudes : la prière peut remplacer le travail, l'invocation deDieu sert de prétexte pour ne pas faire d'effort, le détail remplacel'essentiel et l'intolérance se fait passer pour les bonnes manières.Interrogés individuellement, les Algériens vous répondent tous aimer TPS;interrogés en groupe, tous vous diront haïr l'Occident. Le basculement au nom dela religiosité est l'une des mamelles mentales de l'Algérie. L'autre mamelle,c'est la politique. La jonction des deux peut vous mener au maquis ou vers leGSPC, ou peut vous faire basculer dans l'insignifiant ou le débat sur la Zakatet sur ce qu'il faut en faire. C'est donc un des nouveaux chapitres des fauxdébats de la nation selon les journaux.Après avoir « découvert » que le Hadj n'échappe pas audétournement, à l'argent, aux marges, au népotisme comme n'importe quelscandale de détournement dans une banque ou n'importe quel hold-up foncier ouvol à l'étalage, il sera découvert que la dissidence et le redressement peuventmême toucher les Affaires religieuses. Entre le ministère de tutelle qui veutcréer une « Maison de la Fatwa » et gérer la Zakat comme un fonds de régulationcontre le chômage, et le président du Haut Conseil Islamique, rien ne va plus.Pourquoi ? Parce que quand les avis divergent et qu'il y a de l'argent aumilieu, les Algériens ne sont jamais d'accord. Du coup, nous avons droit à unemathématique infinie sur la notion de Zakat et ses fins dernières. Prévue pourconsolider la relation entre le riche et le pauvre, elle pose le problème desavoir qui est le riche (en l'occurrence l'Etat puisque même s'il s'agitd'Islam, cela reste un ministère faisant partie d'un gouvernement qui faitpartie d'un Etat qui fait partie de la biographie de l'actuel Président) et quiest le pauvre. Pour ce dernier, la « loi » veut qu'il soit pauvre, ou malade,ou employé de la « Zakat », ou prêcheur et ou esclave. D'où la polémique : unpauvre est-il un nécessiteux, un esclave ou un passant dépassé par lamondialisation ? La Zakat peut-elle financer des micro-entreprises pour sortirle pauvre de la pauvreté ou aller au nécessiteux pour sauver le pauvre de lafamine uniquement ? La Zakat doit-elle nourrir un pauvre et l'Etat lui donnerun travail ou doit-elle lui assurer un travail pour qu'il ne soit plus pauvre ?Le pauvre est-il un esclave que l'on doit affranchir de sa condition ou unmalade que l'on doit guérir de l'oisiveté ? Ghoulamallah doit avoir sa réponse.Le Président du Haut Conseil Islamique doit avoir la sienne lui aussi. Qui araison ? Il faut revenir en arrière pour un peu comprendre : à l'époque où lesmusulmans étaient le centre du monde et non un de ses quartiers douteux, leproblème ne se posait pas parce que les chômeurs n'existaient pas. Lorsqu'onn'avait rien à faire dans l'Empire, on allait « ouvrir » d'autres pays et enlibérer les croyances en les réformant. Un bon musulman était soit commerçant,soit combattant soit artisan. Aujourd'hui, ces trois portes sont fermées : leDjihad est mal vu à cause de Ben Laden et de Bush, l'artisanat se porte mal etle commerce demande des fonds. Le débat est donc là : la Zakat doit-elle aiderles pauvres à ne pas l'être ou aider les pauvres à supporter la pauvreté ? Unvaste débat comme on le voit et qui implique toute l'humanité sans impliquerles pauvres. D'où, enfin, cette évidence : le débat sur la Zakat fait vivre aumoins deux hauts cadres de l'Etat qui veulent se redresser l'un l'autre, avec,au milieu, le poste du futur Mufti de la République et les fonds collectés.L'islamisme n'est pas seulement, donc, une dérive vers les armes de quelquesmusulmans; il peut être une dérive vers le futile, dans l'autre sens desurgences de l'époque. Une proposition ? Oui : faut-il couper la main à unvoleur de chaussures dans une mosquée ou lui couper le pied pour être plusconcret et plus logique ? Débat ouvert en attendant que les « officiels » del'Islam en Algérie se souviennent qu'il y a urgence à trouver uncontre-discours au discours du recrutement des kamikazes par le GSPC au lieu depolémiquer sur de la monnaie.
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Posté Le : 05/02/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamel Daoud
Source : www.lequotidien-oran.com