Algérie

PEINE DE MORT EN ALGÉRIE



PEINE DE MORT EN ALGÉRIE
Le second jour du Séminaire international sur la peine de mort, organisé conjointement par le Bâtonnat de Boumerdès et le Bureau algérien de l'UIA (Union internationale des avocats) les 28 et 29 de ce mois, a donné lieu à une confrontation directe et argumentée entre un partisan de la peine capitale et un abolitionniste.Il n'est pas difficile de deviner que maître Boudjemaâ Souilah, avocat du Barreau d'Alger, ancien sénateur et membre du Comité central du FLN, est pour la peine de mort. Conscient que la partie adverse a des arguments solides, il entame son intervention sur la défensive, en faisant allusion à la frange des enfants de chouhada à laquelle lui-même et son adversaire de cette joute appartiennent. Il commence son argumentaire par évoquer les spécificités des pays en matière de culture, de démocratie et de droits de l'Homme s'agissant de l'application de la peine de mort. Il revient sur le concept de la démocratie spécifique. «Des partis politiques en campagne électorale demandent l'application de la peine de mort pour faire face à l'apparition de nouveaux phénomènes de violence extrêmes surtout contre les enfants. Ces partis politiques sont des faiseurs d'opinions et demain, ils siégeront au Parlement où ils pourront légiférer.»Il affirme en outre que les réformes de la justice visent à éviter au maximum les erreurs judiciaires. «La Déclaration universelle des droits de l'Homme n'a aucune puissance de droit sur la justice algérienne», est un autre argument qu'il développe. Souilah évoque longuement la situation sécuritaire pour motiver son rejet de ce qu'il considère comme un concept occidental en ce qui concerne l'exigence de l'abolition de la peine de mort. «Où est l'universalité ' Où sont les droits de l'Homme lorsqu'un enfant palestinien naît terroriste?' De quels droits peut-on parler lorsqu'un enfant palestinien qui se cachait sous l'aile de son père est froidement exécuté ' Où est l'universalité lorsque des pays comme la Libye, la Syrie ou l'Irak sont détruits et des forces économiques, militaires et politiques s'ingèrent dans les affaires des paysaffaiblis '»Immanquablement, il fait allusion à la religion pour défendre son point de vue sur le rétablissement de la peine de mort. «Nous avons une référence religieuse et des commandements divins. Un législateur et un politicien ont-ils le droit de transgresser les limites que Dieu a tracées ' C'est une question essentielle. Par ailleurs, comment juger un criminel qui enlève un enfant pour le violer avant de le découper en morceaux '» Selon lui, si l'Algérie a suspendu la peine de mort dans des moments extrêmement difficiles, c'est parce qu'elle n'avait pas les structures et la législation fortes pour juger équitablement les criminels.Parler à la raison et non à l'émotionMaître Mustapha Bouchachi, avocat du Barreau d'Alger, ancien parlementaire et président d'une ONG de défense des droits de l'Homme, avait la lourde tâche de répondre. Rationnel, l'argumentaire de Bouchachi n'est pas aérien. Il commence par tracer les contours de son intervention : «Nous n'accusons aucun courant politique, nous n'exigeons pas l'abolition de la peine de mort pour avoir l'agrément d'une quelconque organisation étrangère ; nous exigeons l'abolition de la peine capitale pour les Algériens et les Algériennes.» Il exclut le discours qui fait appel à l'émotion pour préconiser l'exécution publique des criminels pour en faire des exemples. Répondant sur l'aspect religieux que son contradicteur a employé, il dira : «La vie appartient à Dieu. Seul Lui peut la donner ou la reprendre.» Approfondissant son analyse, il affirmera que les intérêts du régime politique ne sont pas ceux de la population.Cette introduction lui a permis de revenir sur les exécutions en Algérie avant l'entrée en vigueur en 1993 du moratoire sur l'application de la peine de mort. «Les 33 Algériens exécutés depuis l'indépendance jusqu'en 1993 sont tous des marginaux issus des milieux pauvres ou des politiciens opposés au régime politique en place.» Il cite comme preuve le cas du colonel Chaâbani qui a été jugé dans un procès expéditif et exécuté 24 heures après. Il insiste sur le fait que ce sont toujours les pauvres en majorité qui ne peuvent pas se défendre qui subissent la peine de mort. «En Amérique du Nord, 70% des condamnés à mort sont des Noirs.»Bouchachi interroge ceux qui disent que la peine de mort a un effet de dissuasion : «La peine de mort protège-t-elle mieux la société ' La peine de mort en cours en Iran, en Irak et en Arabie Saoudite a-t-elle mis fin aux crimes abjects, le terrorisme '»Bouchachi affirme en outre que la justice algérienne n'est pas indépendante et certains juges bien déterminés sont nommés par décret pour des considérations autres que celles liées à la compétence. Par conséquent, instrumentalisée pour réprimer les opposants au pouvoir en place.Il y a lieu de noter la bonne organisation et la haute qualité des interventions de la part des spécialistes algériens, marocains, tunisiens, mauritaniens et français.Les Marocains étaient présents en nombre. Ce qui permet au Bâtonnat de Boumerdès, que préside maître Ahmed Benantar, de s'affirmer au niveau international.


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