PéDOPHILIE, FAUSSE MONNAIE ET BRAQUAGES Criminalité : Alger livre ses misères

Deux opérations coup-de-poing ont suffi pour mettre à nu la face cachée d'une capitale, d'apparence sereine. De drame en drame, l'Algérois assiste impuissamment à la montée d'un nouveau terrorisme urbain, caractérisé par le crime organisé, et aussi l'émergence de nouveaux modes opératoires qui menacent la quiétude publique.
Le Nouvel an de l'hégire n'a pas souri à tous les Algérois. Surtout pas à cette fillette de 5 ans et son frère de 6 ans, détournés par deux repris de justice et violés en plein jour. Des individus sans scrupules ont abusé de deux innocents qui jouaient devant leur domicile au quartier de la Bridja, à quelques encablures de Staouéli. Leurs parents ignoraient, jusque-là, les graves sévices que leur progéniture venait de subir de la part de deux criminels notoirement connus et récemment graciés, pour souiller la pudeur de toute une famille, mais surtout de deux bambins qui seront, sans doute, traumatisés à vie. Le verdict du médecin légiste est sans appel : les deux chérubins ont été violés. Inadmissible.
Le commandant Ahmed Maâmeria et le chef de brigade de Staouéli, visiblement choqués, relatent que, récemment, deux enfants âgés de 5 et 8 ans ont été récupérés sur l'autoroute, livrés à leur sort. Il aura fallu une gymnastique pour découvrir qu'ils sont originaires de Bab El-Oued. Jusqu'ici, rien d'anodin certes, mais lorsque les gendarmes ont convoqué leur père, celui-ci répliquera sèchement : 'Je ne savais pas qu'ils n'étaient pas à la maison depuis trois jours. J'ai une dizaine d'enfants qui rentrent et qui sortent à la fois." Quelle responsabilité familiale ! La pédophilie fait des ravages et provoque des drames familiaux à tel point, tabous obligent, que les parents évitent de déposer une plainte. Quant aux victimes, à vrai dire les laissés-pour-compte, ils subissent les pires tortures sexuelles avant de buter sur l'omerta. Mais jusqu'à quand ' Le vide juridique étant bien 'compris" par les violeurs, les parents ne semblent guère inquiétés par la justice. La preuve, dans la majorité des cas, les gendarmes expliquent aux pères et aux mères des victimes qu'ils devraient déposer une plainte, à défaut l'enfant grandira avec un grave traumatisme qui le suivra pendant toute sa vie. Quant au bourreau, il continuera de faire des victimes jusqu'à ce que l'une d'elle osera briser le mur de la peur et le traînera devant la justice...
Une fausse Bougiote pour escroquer des étrangers
L'opération coup-de-poing bat son plein. Les gendarmes viennent de mettre la main sur une jeune fille du 'milieu", la vingtaine passée. Son acolyte, une Oranaise, selon ses révélations, a pris la fuite. Mais pas elle, qui se présente comme étant une Bougiote. La mise en cause a soutiré, le jour du match de football amical Algérie-Bosnie, de l'argent à un ressortissant bosnien. Après le dépôt d'une plainte, elle sera arrêtée. Elle reconnaîtra les faits, certes, mais elle ne semblait pas inquiète du fait de son arrestation. Auparavant, ce sont un Roumain et un Italien qui ont été escroqués par deux individus du même milieu, par ailleurs interpellés après enquête. Mais l'autre misère est ailleurs, sur les routes ou dans les quartiers et autres haouchs. Les rafles se multiplient et atteignent, avant 20h, 479 personnes mises en examen et 258 véhicules contrôlés et fouillés. Les saisies sont énormes : 12 armes blanches, dont des sabres et des bombes lacrymogènes. Mais aussi des outils et des dizaines de liasses pour fabriquer de fausses coupures de 200 euros. Au même moment, un agresseur est conduit par les gendarmes. Un récidiviste notoire. Dans un état second, il criera : 'Je sais que j'irai en prison, mais nos journalistes sont des hommes. Ils disent la vérité. Dites au procureur ce que je vous dis. Les gendarmes de Zéralda ont fait leur travail dans le respect de la loi." Un autre mis en cause, également interpellé, nie avoir commercialisé de la drogue et des quantités impressionnantes de comprimés psychotropes. Mais devant les saisies étalées sous ses yeux, il baissera la tête, surtout que la perquisition des lieux a tout révélé.
Panique sur le tarmac de l'aéroport
Bien avant, nous marquons une halte à Bir-Mourad-Raïs pour faire une sorte de mini bilan de l'opération coup-de-poing qui a touché plusieurs communes et quartiers. D'emblée, Omar Touileb, le commandant de compagnie, révèlera les dessous d'une affaire traitée et liée à la fausse monnaie.
Un réseau international de faux-monnayeurs, infiltré et dénoncé par un acolyte, a pu être démantelé en un temps record. Une somme de 2 milliards en fausses coupures de 1000 et 2000 DA allait être mise sur le marché si les deux Maliens n'étaient pas arrêtés à l'aéroport international d'Alger. Une intervention musclée qui a créé un climat de panique à l'aéroport, surtout que les faux-monnayeurs ont été interpellés dans le bus qui les acheminait vers l'avion en partance vers la Tunisie. La filière possède des ramifications tant nationales qu'internationales.
D'ailleurs, le relevé des appels du 'cerveau de la filière" indique que des communications ont été reçues à partir de Laghouat, Alger, Djelfa, mais aussi de France, d'Espagne, d'Allemagne ou encore d'Italie et de Tunisie. Au même moment, les gendarmes de Saoula mettent la main sur 4 individus qui ont cambriolé un domicile avant de s'emparer d'une grande quantité de bijoux en or et des sommes d'argent en dinars algériens et tunisiens, en euros, en rials saoudiens, etc. Âgés de 20 à 25 ans, les mis en cause ont réussi à écouler la marchandise au marché de Ruisseau. Les investigations aboutiront à la récupération de grosses sommes d'argent en dinars algériens et en euros, produits des ventes, et l'arrestation des 4 individus.
Dans le même secteur, ce sont plus de 20 individus qui seront appréhendés pour trafic de drogue, d'agression à l'arme blanche, au braquage suivi de vol de biens, de coup et blessures volontaires, d'escroquerie, de tentative de vol de véhicule (une Chevrolet), d'insoumission, etc. Les quartiers d'Oued Smar, de Gué de Constantine, Aïn Malha, Baba Ali, Oued El-Karma, Ouled Belhadj ou encore Safsafa ont été ciblés par cette opération inattendue pour un Aoual-Moharrem.
71 gangs et 34 réseaux organisés démantelés à Alger
Pour boucler la boucle, le chef d'état-major du groupement de la GN d'Alger, Bachir Salhi, révèlera que les unités de la capitale ont exécuté 58 opérations coup-de-poing ayant abouti au démantèlement de 71 gangs, de 11 réseaux spécialisés dans le trafic de drogue et de psychotropes et de 23 autres filières activant dans le trafic de véhicules et la fausse monnaie. Lors de ces descentes, menées dans l'espace de dix mois, ce sont 15 véhicules recherchés par les services de sécurité qui ont été récupérés, alors que 700 autres voitures et camions ont été mis en fourrière. Mais pas seulement, puisque 3 079 affaires ont été traitées, dont 49,40% liées à l'atteinte aux biens et 42,87% liées aux atteintes aux personnes. Alger, c'est aussi 718 individus placés sous mandat de dépôt pour le secteur de la GN qui a arrêté 1 788 mis en cause.
Le crime organisé, à lui seul, enregistre 212 cas, dont 95 affaires inhérentes à la drogue. Au volet économique, notamment pour absence de registre du commerce et de factures et défaut d'affichage, la GN d'Alger a traité 3 261 cas de figure. Le point de presse achevé, nous apprenons que deux individus, qui venaient de louer un véhicule à Ouled Heddadj, braquent, en pleine autoroute, un chauffeur et lui subtilisent sa voiture. Pour faire diversion, ils déposent plainte et se présentent comme victime. Mais c'était compter sans un automobiliste qui a vu la scène et qui avise la GN via le numéro vert 1055. La voiture récupérée à Dar El-Beida, les mis en cause seront incessamment traduits devant la justice. Mais pour un jour férié d'Aoual-Moharrem, 'surtout que le week-end est encore long" pour paraphraser le lieutenant-colonel Abdelhamid Keroud, ces deux opérations ont mis à nu la véritable misère morale qui caractérise la capitale...
F. B.