Soumettre les salaires des cadres dirigeants des entreprises publiques aux règles du marché est un objectif qui n’a jamais pu être atteint en Algérie. La réforme de 1988 et celle relative aux EPE en avaient pourtant fait un de leurs principaux points d’ancrage. Le PDG était tenu de négocier son salaire et autres avantages liés à la fonction avec le conseil d’administration de l’entreprise concernée.
Un contrat fixant le montant et les modalités de rémunération en contre partie d’un certain nombre d’objectifs à atteindre est conclu entre l’EPE représentée par son Conseil d’administration et le PDG, généralement désigné sous le vocable de dirigeant principal. Cette procédure dictée par la législation encore en vigueur aujourd’hui (code de commerce) ne sera malheureusement jamais appliquée, hormis peut être, les deux premières années de mise en œuvre de la réforme de 1988. Période durant laquelle quelques cas de dérapages démesurément amplifiés par les syndicats et certains relais politiques avaient apparu, justifiant le retour de l’Etat. Ce dernier ne fixera pas d’autorité le montant des salaires des cadres dirigeants d’EPE, mais les soumettra à un dispositif d’encadrement ayant pour référence le SMIG. Selon l’importance de l’entreprise qu’il dirige un PDG touchera entre 6 et 10 fois le SMIG en vigueur. Ses collaborateurs (cadres dirigeants) seront rémunérés un échelon plus bas (n-1). Une résolution de l’assemblée générale des ex-fonds de participation avait été prise en Août 1995 à cet effet et les conseils d’administration des EPE étaient chargés de sa stricte application. Ce mode de rémunération en vogue depuis 1995 durera jusqu’en 2003 qui verra la suppression de l’encadrement des salaires par le Smig et l’introduction du salaire fixe imposé auxquels s’ajoutent des d’indemnités et une partie variable liée aux résultats de gestion. Durant la période 1995-2003, les salaires des PDG et des cadres dirigeants d’EPE devaient connaître une progression au gré des augmentations du Smig. C’est effectivement ce qui s’est passé jusqu’en 1997 où le gouvernement avait pris la décision de geler le Smig de référence à 4000 DA alors qu’il était officiellement passé à 6OOO DA. La raison invoquée par un membre du gouvernement de l’époque est qu’il y avait risque que les PDG dont les salaires valaient 6 à 10 fois le Smig touchent des salaires mirobolants. Avec un SMIG à 1O000 DA comme c’était alors le cas, un PDG d’EPE pouvait gagner 100.000 DA de salaire fixe auquel il faut ajouter environ 80.000 DA de salaire variable et les diverses indemnités auxquelles il a droit. Un montant qui sonnait mal aux oreilles de notre ministre qui, affirmait-il, percevait beaucoup moins que la moitié de ce salaire en dépit des charges autrement plus importantes qu’il assumait. Un jugement qui n’est en réalité pas exclusif à notre ministre. Cette manière de voir est en effet très répandue dans le milieu des cadres des ministères qui continuent à considérer les EPE comme de simples démembrement des administrations centrales et leurs dirigeants comme des fonctionnaires non soumis à l’obligation de résultats. Pourquoi dans ce cas gagner plus qu’eux ? Cette opinion à laquelle vient s’ajouter l’hostilité des syndicats aux cadres dirigeants, constitue à ce jour un des principaux obstacles à l’émergence d’une politique salariale favorable aux élites managériales du secteur public économique. Le marché des cadres dirigeants tel que souhaité par la réforme de 1988, n’est pas prés de voir le jour. Depuis ces trois ou quatre dernières années on assiste même à une certaine régression. Sommées par l’ex-ministre des participations de l’Etat de réexaminer les salaires des cadres dirigeants des EPE, d’importantes coupes ont été effectuées au niveau de leurs rémunérations mensuelles aujourd’hui nivelées aux alentours de 80 000 DA pour tous les PDG sans exception. La partie variable qui dépasse rarement 60% du salaire fixe n’est généralement versée qu’à fin des trimestre. Elle n’est totalement libérée qu’après la tenue des Assemblées générales qui, pour diverses raisons, tardent à se réunir. Il est sans doute bon d’évoquer, les salaires des présidents (75.000 DA brut) et des membres de directoires des SGP (70 000 DA brut) qui ne reflètent aucunement l’importance numérique des EPE à gérer (le portefeuille de certaines SGP dépasse 100 unités économiques) et des capitaux à surveiller. Les privatisations qu’elles ont mené à terme, ont rapporté à l’Etat plusieurs milliards de dinars. Ne pas en être récompensés de retour par des primes ou des salaires autrement plus motivants, est à l’évidence frustrant pour ces cadres dirigeants qui ne peuvent même pas exprimer leurs doléances, en raison de l’absence d’un syndicat patronal public suffisamment fort et organisé. Leur frustration est d’autant plus grande que le statut de cadre dirigeant est éphémère. Il peut être mis fin aux contrats à durées déterminées qui les lient à leurs entreprises, à tous moments et les nombreux redéploiements du secteur public économique (Fonds de participation, holdings, SGP) ont en apporté la preuve avec leurs lots de cadres dirigeants limogés pour laisser places à de nouveaux responsables.
Hémorragie de cadres
Le secteur public économique perd ses meilleurs cadres. Aux nombreux départs pour l’étranger que l’on évalue à environ 4OOO par an, s’ajoute aujourd’hui les recrutements opérés par les entreprises étrangères de plus en plus nombreuses à travailler directement ou indirectement avec l’Algérie. Les cadres qui disposent des diplômes et de l’expérience requis cherchent à s’y placer pour des raisons évidentes de salaires et de conditions de travail. Le chef du gouvernement algérien aurait été alerté par ses services de ce grave phénomène de déperdition en grande partie à l’origine de la déstructuration du secteur public économique. Si la désertion venait à se maintenir au rythme actuel, il ne sera à l’évidence pas possible de mettre en oeuvre la nouvelle stratégie industrielle sur laquelle on veut aujourd’hui asseoir l’avenir économique du pays. L’arrêt de cette hémorragie passe obligatoirement par la mise en oeuvre d’une politique des salaires en mesure de réhabiliter le cadre algérien en tant qu’acteur central de l’économie. Avec un salaire mensuel moyen d’à peine 25.OOO DA brut (soit environ 250 euros) comment un cadre titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur ayant, de surcroît, plusieurs années d’expérience, pourrait résister à la tentation des salaires autrement plus importants offert à l’étranger et, depuis peu, par les entreprises privées algériennes ou étrangères installées en Algérie ?
Posté Le : 12/02/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : Nordine Grim
Source : www.elwatan.com