Algérie

PAUL BALTA EVOQUE HOUARI BOUMEDIÈNE


L'écrivain et journaliste Paul Balta a été, samedi dernier, l'invité de marque du Salon national du livre dont la huitième édition se tien du 12 au 21 avril au Palais des expositions, Pins-Mari-times, à Alger.
L'éminent spécialiste du Proche-Orient et de la Méditerranée, auteur de plusieurs ouvrages et articles de référence, a animé à cette occasion une conférence de presse au stand la maison d'édition Dar El Hikma. Avant de donner lecture de sa communication, Paul Balta s'est dit très honoré et heureux d'être l'hôte de l'Algérie, «un pays que je considère comme ma troisième patrie après la France et l'Egypte». Et de porter à la connaissance de l'auditoire qu'il a commencé à écrire ses mémoires intitulés Mémoires des six rives, itinéraire d'un Méditerranéen. Le texte objet de sa conférence en est un extrait, et il est, sans surprise, consacré au regretté président Houari Boumediène. Ce qui est fort logique, du reste, Paul Balta ayant bien connu l'homme et le dirigeant du temps où il était correspondant à Alger du journal Le Monde, entre 1973 et 1978. Durant cette période, le journaliste français avait beaucoup écrit sur l'Algérie, et les entretiens avec le président totalisaient, à eux seuls, cinquante heures (en français). Paul Balta évoque avec beaucoup d'émotion sa première rencontre avec Houari Boumediène : «J'ai rencontré Houari Boumediène pour la première fois en 1973, juste avant le sommet des non-alignés du 5 au 9 novembre. Le président était d'une extrême courtoisie, il me faisait beaucoup d'honneur. Il me posait des questions en français, était bien informé sur ma personne, notamment sur les origines libanaise et égyptienne de ma mère... Houari Boumediène a eu ensuite ce mot à propos de mes articles : «Vous expliquez le monde arabe de l'intérieur». Il y avait donc une certaine chaleur dès le départ. Le conférencier trace ensuite le portrait d'un homme qu'il avait appris à connaître et à estimer : «Discret mais efficace, autoritaire mais humain...» Pour Paul Balta, Houari Boumediène se distinguait par son sens aigu de la dignité et était très fier. Mais aussi, «il travaillait avec acharnement, en équipe, savait se mettre à l'écoute des autres». Voilà donc un dirigeant qui «est passé de l'incantation à l'action» et que l'ancien correspondant du Monde situe «parmi les plus visionnaires aux côtés de Gamel Abdel Nasser et Habib Bourguiba». Au passage, il apporte certaines précisions quant à l'état civil, le parcours du président dans ses jeunes années : «La date exacte de sa naissance est le 23 août 1932. Il était de père arabophone et de mère berbérophone, né Mohamed Boukharouba au sein d'une famille paysanne. Entré à six ans à l'école primaire française, il a ensuite connu l'école coranique puis la médersa de Constantine». Des études qui lui ont donné «ce goût de la lecture qu'il a conservé toute sa vie. D'ailleurs, Houari Boumediène lisait régulièrement Le Monde». Les relations entre la France et l'Algérie ' «Houari Boumediène appréciait la politique arabe de Charles de Gaulle. Il disait : «Entre la France et l'Algérie, on ne peut ignorer le poids de l'histoire. Leurs relations ne peuvent être banales. Il faut tourner la page, même si on ne la déchire pas». A propos de la visite en Algérie du président français Valéry Giscard d'Estaing, en 1975, Paul Balta souligne : «Giscard n'aimait pas l'Algérie et cette visite a été plutôt une catastrophe. Le discours de Boumediène était extraordinaire, alors que celui de Giscard était nul. En privé, il traitait le président algérien de bougnoul... Il est venu sans qu'il y ait réciprocité. Bouteflika, lui, était réticent à cette visite». Quoi qu'il en soit, le journaliste garde l'image d'un homme «resté fidèle à lui-même ». Surtout, ajoute-t-il, «j'ai toujours été impressionné par l'intégrité morale de Houari Boumediène. Un exemple : un monarque du Golfe lui avait offert une voiture de luxe qu'il avait remisée au garage. Il était d'une grande sobriété. A sa mort, ses détracteurs découvrirent, stupéfaits, qu'il n'avait laissé aucun bien derrière lui, seuls 6 000 DA étaient crédités à son CCP». Au cours de leurs rencontres, Paul Balta ne manquait pas, bien sûr, de poser certaines questions «gênantes» au président. En 1974, par exemple, au sujet d'Ahmed Ben Bella. Sa réponse : «Lors du sursaut révolutionnaire, en 1965, on aurait pu le liquider... Ben Bella n'est pas en prison, il est en résidence surveillée et correctement traité». La démocratisation du régime ' Oui, selon Paul Balta : «Houari Boumediène voulait libéraliser le régime. En août 1978, je l'informai que je devais quitter l'Algérie pour l'Iran. Il était consterné. Il projetait la tenue du congrès du FLN. Il me dit : «Vous ne seriez pas déçu si vous assistiez à ce congrès. Des réformes importantes vont confirmer le sens de l'ouverture». Hélas, peu de temps après, il était tombé malade, souffrant d'une hématurie. «Il ne souhaitait pas se soigner en France, sa visite d'Etat ayant été refusée», précise Paul Balta. La suite est connue : des soins pas très bien indiqués à Moscou, le rapatriement à Alger où le président décède le 27 décembre 1978. Paul Balta est né en 1929 à Alexandie (Egypte). Ancien journaliste au quotidien Le Monde, de 1970 à 1985, il a été reçu à plusieurs reprises par d'illustres chefs d'Etat arabes, tels que Gamel Abdel Nasser, Houari Boumediène, Saddam Hussein. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages de référence sur le monde arabe, l'Islam, l'Iran, la Méditerranée et évidemment l'Algérie dont il est un grand ami. La prochaine publication de ses mémoires est attendue avec intérêt par tous ceux qui admirent sa production intellectuelle.


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