Algérie

Patrons, entre enthousiasme et indignation



Patrons, entre enthousiasme et indignation
La Banque d'Algérie suscite depuis quelques jours le débat au sein du patronat. En cause : la publication d'un nouveau règlement destiné à revoir les dispositions concernant les transferts de devises en vue d'investir à l'étranger.Si certains ont accueilli le nouveau texte avec optimisme, d'autres se sont montrés plus mesurés dans leurs propos, si ce n'est outrés par les conditions introduites par la Banque centrale.Du côté des optimistes, les propos de Mohamed Laïd Benamor, patron du groupe agroalimentaire Amor Benamor et tout nouveau président de la Chambre algérienne de commerce et d'industrie (CACI), sont empreints d'enthousiasme. Celui-ci indique que le nouveau règlement de la Banque d'Algérie est tout à fait positif dans la mesure où il offre une marge d'évolution pour l'entreprise algérienne. Il estime, toutefois, qu'il faudrait encore trouver les bons créneaux et les bonnes opportunités dans des conditions fiscales avantageuses pour permettre aux entreprises algériennes de se développer à l'international.Il considère aussi que dans un contexte international de crise, où l'on voit de grandes entreprises internationales faire face à des difficultés, il faudrait aux entreprises algériennes, ayant des velléités d'investissement à l'étranger, disposer de capacités importantes et d'une solidité financière avant de tenter l'expérience de l'international. Le PDG du groupe Benamor, qui se dit ouvert à l'internationalisation de son groupe, explique que son entreprise réfléchit à une vision plus globale de son développement, afin d'être compétitive à l'international, en plus du développement de ses activités en Algérie, même s'il considère que l'investissement dans notre pays présente des attraits certains, liés notamment aux facilitations accordées par le gouvernement algérien en termes de crédits et d'avantages fiscaux, mais aussi au marché : d'abord algérien, ensuite africain.Un point de vue partagé par le PDG de Général Emballage, Ramdane Batouche, lequel estime que «le nouveau règlement de la Banque d'Algérie constitue une avancée positive dans le sens de la mise en place d'un environnement plus propice à la croissance de l'entreprise». Celui-ci se montre néanmoins plus mesuré, disant espérer que la réalité «ne va pas démentir cette appréciation, car théoriquement on était déjà en droit d'investir à l'étranger bien avant la prise de ce règlement». Il précise d'ailleurs à ce propos que «Général Emballage n'a pu, voilà quelques années, construire un relais logistique à Marseille pour approvisionner à flux tendu le pôle pièces de rechange de Peugeot à Poitiers, et j'ai même eu à le déplorer dans vos colonnes».Une loi scélérateLe PDG de Général Emballage espère cependant relancer des projets d'investissements à l'international à la faveur de la publication de ce nouveau règlement. «Aujourd'hui, nous pensons réactiver plusieurs projets mis sous le boisseau pour amplifier notre action à l'international et assez rapidement en Tunisie, où nous sommes historiquement présents. Avec l'imminente entrée en production de notre nouvelle usine de Sétif, Général Emballage aura atteint une taille critique qui le condamne à une plus grande internationalisation», explique-t-il.A contrario, le PDG de NCA Rouiba, Slim Othmani n'a pas caché son indignation quant à la nature du texte rédigé par la Banque d'Algérie. Il explique, à ce titre, que ce que l'on a bien voulu présenter comme une avancée en la matière n'est en fait qu'une régression. Le fait est qu'il aurait d'abord été plus judicieux de mettre en application l'ancien règlement qui autorisait l'investissement à l'étranger. Slim Othmani, qui dresse un réquisitoire sévère à l'encontre du nouveau texte, estime qu'en plus de durcir les conditions d'éligibilité à l'investissement à l'étranger et de bureaucratiser un peu plus les dossier de demande d'autorisation de transfert de devises, le règlement de la BA va à contre-courant et est en opposition avec les discours développés par le gouvernement concernant l'ouverture sur l'économie mondiale et l'amélioration de l'attractivité de l'économie algérienne. Il estime, à ce propos, que la Banque d'Algérie brandit l'arme de la bureaucratie contre les investisseurs algériens.Pis encore, il considère que le nouveau texte est insultant dans la mesure où ses dispositions reflètent une certaine perception du patron algérien, celui du voleur voulant à tout prix quitter le pays avec un matelas de devises. Ce qui est, selon lui, faire l'apologie de l'innommable. Slim Othmani estime d'ailleurs que le règlement de la Banque d'Algérie empêche une entreprise telle que NCA Rouiba de mener ses projets d'investissement, notamment dans la distribution en Tunisie et l'exploitation d'usines au Bénin. Ce qui lui aurait permis non seulement de s'intégrer dans la chaîne de valeurs mondiale, mais aussi de se faire un nom à l'international, de mieux exporter, de contrôler la distribution à l'international, de mieux contrôler l'amont via un meilleur accès aux matières premières et, au final, via le rapatriement des dividendes et du produit de l'exportation, de mieux contribuer aux équilibres de la balance des paiements.Relancer l'idée d'un fonds d'investissementLe PDG de NCA Rouiba estime d'ailleurs que par son comportement, la Banque d'Algérie décourage les investisseurs algériens. Le fait est que les dispositions du nouveau texte évoquent des facteurs sur lesquels l'opérateur économique n'a aucune emprise ? telle la viabilité de la balance des paiements ? ou donne des attributions à la Banque d'Algérie quant à l'appréciation des études technico-commerciales dans des domaines aussi divers que variés alors que celle-ci est censée n'avoir que des préoccupation exclusivement monétaires.Un avis d'ailleurs partagé par l'expert et consultant Farid Bourennani, qui pense d'ailleurs que le règlement de la Banque d'Algérie ôte le bénéfice de l'opportunité à l'investisseur dans la mesure où aucune notion de délai n'est évoquée dans le corps du texte. Il estime aussi que la Banque d'Algérie empêche les entreprises algériennes de se diversifier ou d'acquérir des savoir-faire peu ou mal connus en Algérie, dans la mesure où elle limite les autorisations d'investissement à l'étranger aux seuls segments complémentaires aux activités principales développées en Algérie.Le consultant explique également qu'en introduisant la notion de plafond des transferts autorisés proportionnellement à la moyenne des exportations triennales, les possibilités d'investissement sont de fait limitées si l'on prend en considération le fait que les exportations hors hydrocarbures ne dépassent guère les 3 milliards de dollars par an. Il précise également que le règlement de la Banque d'Algérie subordonne l'investisseur à une donnée qu'il ne peut contester en cas de refus : la viabilité de la balance des paiements.L'expert considère également que le règlement de la BA est en fait le reflet d'une méfiance envers certains opérateurs qui pourraient être indélicats. Il reflète également selon lui les préoccupations exclusivement monétaristes de la BA. Il considère qu'au-delà de ces lacunes, le texte, «pour peu qu'il enregistre une ou deux applications concrètes, pourrait devenir incitatif pour que les entreprises algériennes développent leur volume d'affaires à l'export. Ce faisant, ils doivent se conformer à un certains nombre de critères qualitatifs et logistiques qui deviendront des éléments structurants pour l'entreprise».M. Bourennani préconise également des solutions intermédiaires qui pourraient assouplir le corpus réglementaire tout en prenant en considération les préoccupations de la Banque d'Algérie, et qui passeraient par la création d'un fonds d'investissement. Il explique ainsi qu'«additionnellement au règlement de la BA et aux points négatifs recensés, il est parfaitement possible de les compenser en envisageant, par exemple, de doter un fonds d'investissement d'un capital en devises. Ce fonds se chargera d'étudier les propositions d'investissements des entrepreneurs algériens quel que soit le secteur d'activité, que l'entrepreneur soit ou non exportateur. Le fonds porterait une partie de l'investissement avec une option de vente sur l'opérateur à horizon de 5 à 7 ans. Ce modèle de fonds pourrait être le FNI, qui a déjà ce type de mission pour les investissements nationaux, le tout est de lui permettre d'acquérir l'expertise nécessaire».L'expert finit toutefois par une note d'optimisme, se disant «convaincu et confiant que le dispositif connaîtra des ajustements et des compléments pour prendre en compte les préoccupations de la Banque d'Algérie et de l'internationalisation nécessaire, mais sélective et ordonnée, des entreprises algériennes».




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