Algérie

Patrons en prison, une tradition de la politique



Le soupçon de règlement de compte politique dans les affaires du privé algérien ne sort pas du néant. C?est déjà une tradition dans le pourtant jeune capitalisme algérien. Tout le monde se souvient de la spectaculaire mise en détention au début des années 1980 de Messaoud Zeggar, le puissant homme d?affaires de l?époque de Boumediène, une « mesure extrême » pour libérer des espaces d?affaires au profit de l?entourage du nouveau président, Chadli Bendjedid. Le procédé n?est pas confiné aux patrons du privé. La longue détention arbitraire de Messaoud Chettih, DG de Sider, voulue par le général Betchine au temps du président Zeroual, a accéléré la privatisation d?El Hadjar et dopé l?importation du rond à béton. A chaque fois qu?un important homme d?affaires est entraîné en prison, la question n?est pas de savoir quelle entorse il a commis à la loi ? c?est devenu un détail secondaire ? mais pourquoi ses protecteurs politiques n?ont-ils pas pu le sauver ? Ainsi par exemple pour l?affaire d?Idir Cherfaoui, le frère du PDG du groupe Blanky, lui-même patron de la filiale construction, arrêté en juin 2006, il existait deux interprétations. Officiellement, un litige sur un crédit de 8 milliards de dinars sans hypothèque accordé par une agence BNA démenti par Blanky. Sous le manteau, un coup porté volontairement à une boîte soupçonnée par le clan présidentiel de soutenir le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, devenu trop encombrant au printemps dernier. Ou encore l?affaire de Omar Dechmi et de son fils, propriétaires de la CAB (banque privée dissoute depuis), officiellement en prison en décembre 2004 suite à un conflit commercial avec Rayan Insurance ; détenu selon son entourage pour avoir soutenu sans discrétion Ali Benflis lors des présidentielles de la même année. Quelque chose a changé avec l?affaire BRC, cette joint-venture d?ingénierie et de réalisation entre Sonatrach et KBR (filiale de l?américain Halliburton). Toujours un socle juridique de litige ou de fraude ? dans ce cas ce sont des surfacturations infligées par BRC à ses clients dans des contrats complaisants de gré à gré. Mais les dégâts se comptent cette fois dans le camp présidentiel. L?ex-patron de BRC, Ould Kaddour, est en détention préventive ? certes pour une affaire d?écoute téléphonique sous-jacente aux surfacturations. Il était le protégé de Chakib Khelil lui-même proche de Abdelaziz Bouteflika et qui s?est plaint d?avoir été tenu loin du dossier. De là à penser que l?arrestation du patron de Tonic Emballage est une riposte de la présidence au « harcèlement » subi dans l?affaire BRC? l?histoire alimente les lectures politiques des affaires financières. Khalifa, la mère de toutes les affaires, elle, n?a pas fini de livrer ses interprétations.


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