Il était présent dans le générique du film «La Bataille d’Alger», Gilo Pontecorvo n’a pas mis longtemps pour introduire cette nostalgique muse qui emplissait toutes les rues d’Algérie. Bravant une tentative d’acculturation par l’administration coloniale. Ce personnage mystique nous arrive tout droit d’un glorieux passé de Tombouctou où naquit le genre Gnawi. Appelé familièrement Baba Salem, il passait durant les «maoussems» (fêtes religieuses) histoire de pérenniser un ancestral héritage de la trans-music. Baba Salem : nous revoilà plongés dans le traditionnel africain et le Gnawa pur et dur. C'est un hommage à Baba Salem, personnage iconique du genre Gnawi au Maghreb et surtout en Algérie qui passe chez les gens pour des cérémonies de thérapie musicale et éliminer les mauvais esprits et intrus venus d’autres horizons occuper le vieux continent. Depuis quelques jours, de petites troupes sillonnent les rues de la capitale et celles de Blida, donnant sur leur passage, un spectacle insolite et gai, empreint de magie. On les surnomme "Baba Salem", "Ouled Sidi B'lel", "Gnawa"... vêtus de tenues mi-sahariennes, mi-modernes, la tête enturbannée, un collier de petits coquillages blancs autour du cou.... La troupe, il est vrai, fait, à son passage, l'effet d'une véritable curiosité, les regards ne la quittent pas. Des fenêtres s'ouvrent, des portes s'entrebâillent, on court au balcon pour les regarder passer... Ils sont incontournables. Celui qui fait figure de chef, le plus âgé, un métis plutôt noir et à la barbe blanche, la soixantaine bien marquée (quoique alerte et enjoué), une sacoche en bandoulière, agite et entrechoque ses claquettes métalliques sonores, le "karkabou", tout en balançant sa tête et son corps comme pour marquer la cadence, à mesure qu'il avance. Et, par à coups, il esquisse des pas de danse en tournant sur lui-même, tout en dodelinant du corps. La grosse caisse "goumbri", le tambourin et le "karkabou" seront suivis de la litanie nasillarde (louant les vertus d'Allah et du Prophète Mohammed), qui accompagne les instruments. Dans une ambiance excitante et envoûtante, les corps se balanceront de gauche à droite, et au fur et à mesure, seront saisis de tressaillements et de trépidations, et le mouvement de va-et-vient de la tête ira crescendo. Jadis certaines demeures algéroises accueillaient des soirées spirituelles de Gnawi et de sacrifices pour éloigner le mauvais sort. Même que certaines pratiques curatives administrées par le Maâlem (maître de cérémonie) sont jovialement animées par la troupe de Baba Salem. Un spectacle qui avait sa place dans un rite qui se tenait par opposition à une campagne de génocide culturel.
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Posté Le : 26/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohamed Bentaleb.
Source : www.horizons.com