Algérie

Patrimoine pictural



Patrimoine pictural
Doctorant à Harvard (Etats-Unis), Andrew Bellisari veut approfondir ses recherches pour savoir pourquoi l'Algérie, au lendemain de son indépendance, a demandé et obtenu, après une longue négociation (entre 1963 et 1969), le rapatriement des ?uvres transférées le 14 mai 1962 du Musée des beaux-arts d'Alger (MBA) vers «la métropole».Le jeune historien, qui est intervenu dimanche au Centre d'études maghrébines en Algérie (CEMA, implanté à Oran) tient compte du fait que le contenu des ?uvres, à de très rares exceptions, n'a pas forcément de lien direct avec la culture algérienne, y compris chez les Orientalistes, dont le réalisme prête souvent à confusion. «La collection historique», comme on la dénomme aujourd'hui, contient des ?uvres de grands noms de la peinture : Monet, Renoir, Gauguin, Pissaro, Degas, Courbet, Matisse, Delacroix, Fromentin, etc. «C'est l'une des plus grandes collections d'art européen sur le continent africain», s'étonne le chercheur, qui estime sa valeur de l'époque à 28 millions de nouveaux francs, ce qui équivaut aujourd'hui à 1,2 milliard de dollars.Une valeur inestimable et, ajoute-t-il, «si c'était juste une question d'argent, le gouvernement algérien aurait pu se suffire d'une indemnisation.» Andrew Bellisari, qui a consulté la presse relatant la restitution du patrimoine, relève des réactions positives du côté algérien, contrairement à certains journaux français qui ont adopté une attitude très critique avec des expressions telles que «bazarder ou brader les trésors français?» Le musée en question a été inauguré en 1930, alors que le pouvoir colonial célébrait son centenaire en Algérie et son fonds s'est constitué au fur et à mesure sur la base d'acquisitions de toiles auprès de plusieurs galeristes dans le monde ou de dons de colons et d'amateurs collectionneurs résidant en Algérie.Quelques artistes d'origine autochtone ont fait leur entrée, à l'exemple d'Azouaou Mammeri, Mohamed Racim, Mohamed Temmam ou Abdelhalim Hemche. Bref, de manière générale, c'est un art français qui va au bout du compte appartenir à l'ancienne colonie. Pour l'historien, c'est un précédent unique, mais il va d'abord revenir sur les conditions du transfert de ce patrimoine du MBA vers le Louvre deux mois avant la proclamation de l'indépendance. «Le 14 mai 1962, sous escorte policière, 11 caisses ont été acheminées vers la zone militaire du port d'Alger, embarquées par la Marine à destination de Marseille, puis transportées par train à Paris.» L'argument avancé tient compte de l'épisode dit de la «politique de la terre brûlée» adoptée par l'OAS qui a plastiqué plusieurs édifices culturels (bibliothèque de l'université d'Alger) dont le musée lui-même en avril 1962.L'historien évoque également «la crainte du pillage, de la réaction du courant musulman vis-à-vis des nus, ou celle des nationalistes radicaux par rapport aux représentations de la conquête coloniale». Pourtant, la question du patrimoine artistique a été prise en compte dans les Accords d'Evian, mais ce sont en fin de compte des détails techniques et la bonne volonté de quelques hommes de part et d'autre de la Méditerranée qui ont fait pencher la balance en faveur de l'Algérie. Sur un plan technique, le projet de nationalisation du MBA, initié en 1961 conformément à une ancienne ordonnance datant de 1945 et portant sur les instituions implantées en métropole mais non applicable à l'Algérie, n'a pas abouti, en partie pour des considérations financières (transferts de crédits), rendant possible la revendication par l'Algérie indépendante de ce fonds.Sur un plan humain, en 1963, Jean de Maisonseul, désigné comme conservateur, resté en Algérie (qu'il ne quitta d'ailleurs qu'à sa retraite vers 1975) a trouvé un écho favorable chez André Malraux, ministre des Affaires culturelles, et Jean Chatelain, directeur des musées français. Mais ces premières négociations n'ont pas abouti. Le fonds qui intéresse l'historien concerne plus de 180 ?uvres, dont les provenances sont diverses (acquisitions, prêts, mises en dépôt, etc.), ce qui a nécessité l'établissement de 7 listes pour démêler ce qui juridiquement revient de droit à l'Algérie (donc rapatriable) et ce qui appartient à la France et qui doit rester sur place. On devine les tractations et même les tentatives d'effectuer des échanges d'?uvres ou d'objets qui ont émaillé les pourparlers entre les deux parties. Quoi qu'il en soit, pour clarifier la situation, deux autres personnalités sont entrées en scène, à savoir Stephen Hessel et Philippe Robeyrol attachés à l'ambassade de France à Alger.Les listes ont été affinées et les négociations ont, selon le même intervenant, repris en mai 1967 avec «la signature d'un accord entre Jean de Broglie, ancien secrétaire d'Etat aux affaires étrangères français et un certain Abdelaziz Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères du jeune Etat algérien». Mais c'était sans compter sur les réticences du ministre des Affaires étrangères français, Michel Debré, qui, en décembre de la même année, toujours selon le même universitaire, a demandé à Malraux de surseoir à la décision. Un blocage qui a duré deux ans, car en 1969 «la collection historique» du MBA a enfin retrouvé sa place. Pour l'Américain, «s'il y a une appréciation universelle de l'art, pourquoi pas en Algérie '».




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