Algérie

PATCHWORK DES SENS, DE SAMIA BOUMERDASSI La sarabande métaphorique des cinq sens



PATCHWORK DES SENS, DE SAMIA BOUMERDASSI La sarabande métaphorique des cinq sens
Samia Boumerdassi est connue du public pour ses travaux en art pictural. Elle expose régulièrement ses œuvres où domine l'amour du beau et de la vie. Comme elle est pédiatre de profession, elle a également un contact très particulier avec les enfants. Et puis, il y a l'écriture...Quel immense plaisir, pour nous, d'avoir entre les mains le recueil de poésie qu'elle a publié, à compte d'auteur, il y a quelque temps de cela. Cette découverte, heureuse, d'un autre violon d'Ingres au compte de l'artiste vient confirmer ce que nous avons auparavant décelé dans sa peinture vivante et généreuse : la passion de tout ce qui est beau. Cet univers-là , Charles Baudelaire l'aurait saisi par une petite phrase : «Le beau est l'unique ambition, le but exclusif du goût.» Pour commencer, l'ouvrage se présente comme une admirable broderie d'art. Samia Boumerdassi a réussi, ici, un recueil esthétiquement achevé tant au niveau du format, du caractère d'imprimerie utilisé, de la qualité du papier, que de l'agencement des textes, des illustrations (des reproductions de ses tableaux) et de l'alternance entre poèmes courts et longs. Un régal pour le lecteur épris de raffinement et de beaux livres artistiquement présentés. Juste après la page consacrée à la dédicace, cette petite perle annonciatrice des 56 mini-trésors figurant dans le recueil : «L'écriture est pour moi ce que la couleur est à la vie.../ la modeler.../ lui donner une forme.../ un fond.../ un sens.../ avec cette éternelle excitation de la composition.../ cet immense plaisir renouvelé.../ de jouer avec les mots». Oui, Samia Boumerdassi exprime clairement que l'invitation à la découverte des mots augure un voyage où les autres sens (que la vision) auront leur part de satisfaction. Le lecteur pourra à loisir faire le plein des sens, avec des mots qui se rapportent à l'ouïe, au goût, à l'odorat, au toucher et à la vision. Le poète et artiste peintre en a décidé ainsi. Mieux, le voyage se fera aussi avec les cinq autres sens psychiques tels que définis par Bernard Weber : «Les cinq sens psychiques sont l'émotion, l'imagination, l'intuition, la conscience universelle et l'inspiration. Si on ne vit qu'avec cinq sens physiques, c'est comme si on n'utilisait que les cinq doigts de la main.»
Justement, Samia Boumerdassi utilise dans sa poésie les dix doigts de la main.
«A la manière d'une troublante courtisane (le titre du premier poème) dont on ne verrait que le sourire.../ aussi mystérieux que celui de la Joconde.../ enveloppée d'une étoffe aux couleurs insaisissables.../ un drapé flottant aux confins de notre histoire.../ de nos mémoires...» Dans ce Patchwork des sens, il y a aussi «les petites choses qui font les racines de tout un chacun», telle la tamina (troisième poème) : «Une délicieuse odeur de semoule grillée.../ de miel.../ de fleur d'oranger.../ et de cannelle.../ vient me caresser les sens». Le voyage au cœur de la mémoire, avec les sens en effervescence, atteint même la lointaine contrée où s'offre «du sable à perte de vue». C'est là que, «dans ce grandiose désert saharien.../ le souffle chaud des vents du Sud porté par les dunes.../ n'en finit pas de nous parler de Tin-Hinan.../ reine mythique.../ qui a traversé les mailles du filet du temps.../ et exister éternellement...» Mais Shahrazed aime danser avec les mots partout ailleurs, y compris même «sur le capot d'une voiture». Ou alors à Istanbul, lorsque les mots tourbillonnent à la façon des derviches tourneurs. Eh oui ! avec l'imaginaire et le rêve, «le monde est tellement plus beau». Lorsque, par exemple, «à la façon des contes anciens on le survole d'un tapis volant».
Le fabuleux voyage dans les contes des Mille et Une Nuits comprend des escales un peu particulières.
Et là , Samia Boumerdassi prend le temps de composer «avec beaucoup d'affection le mot le plus tendre de la création.../ le mot... enfant...» Et la tisseuse de vie continue à filer ses métaphores, à chaque fois soucieuse de «pouvoir prendre par la main une âme perdue et l'aider à traverser la vie».
Elle a appris à écouter le monde avec son cœur, ne pouvant exister que grâce à l'amour. Grâce à l'autre qui la fait «renaître à nouveau». Alors, elle oublie «le sablier du temps», redevient la cigale. La nature reprend ses droits, la lune inspiratrice nous rappelle que «demain sera un autre jour». Triomphe de la métaphore, ce «fil d'Ariane de la mémoire.../ de leurs mémoires.../ du bout des temps jusqu'au bout des temps.../ pour que nous puissions communiquer...» De la prose poétique rythmée, cadencée, mesurée comme de la musique symphonique. Une poésie lyrique qui vient du cœur, surtout. Par ce patchwork, Samia Boumerdassi a signé l'œuvre d'une authentique poète.
Hocine Tamou
Samia Boumerdassi, Patchwork des sens, recueil de poésie édité à compte d'auteur, Alger 2010, 78 pages.


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