Algérie

Passion controversée



Passion controversée
Koichiro Hata est un universitaire japonais qui travaille sur la littérature française du dix-neuvième siècle et, plus particulièrement, sur les récits de voyage. Il faut dire que cette période fut propice aux rêves d'aventures européens, grâce notamment au développement des moyens de transport et de communication et de l'esprit colonial qui avait le vent en poupe. Dans son essai très pertinent qui vient de paraître : Voyageurs romantiques en Orient, Etude sur la perception de l'autre, Koichiro Hata s'est attaqué à l'étude d''uvres de monuments de la littérature romantique, notamment Chateaubriand et Lamartine, pour voir dans quelle mesure ils étaient innovants.Il en ressort que ce qu'ils ont écrit sur les Levantins n'était en fait qu'une compilation de clichés puisés dans la besace de leurs devanciers, tels Jean Jacques Ampère, Choiseul-Gouffier et Marcellus. Ainsi, Chateaubriand dans son incontournable Itinéraire de Paris à Jérusalem qu'il n'a ' faut-il le rappeler ', écrit que quatre ans après son retour en France, ne fait qu'attiser les haines religieuses envers l'Islam et sa méfiance à l'égard des Ottomans. Pour Koichiro Hata, Chateaubriand est parti dans une sorte de croisade littéraire, histoire de ressusciter Richard C'ur de Lion et tous ceux qui l'ont accompagné dans cette expédition punitive contre l'Orient. Quant à Lamartine, il avait, selon l'auteur, quelques racines au Levant, et il a essayé de mettre à profit son voyage pour servir sa carrière politique après le triomphe de la Révolution de 1848. Ainsi, il est revenu en France avec des idées de conquête de ces territoires mal gouvernés par les Ottomans et dont les ressources et les richesses manquaient à l'Europe. D'autres voyageurs, non moins prestigieux, ont emboîté le pas à ces deux monstres sacrés de l'époque, à savoir Gustave Flaubert, Théophile Gautier et Gérard de Nerval. L'auteur décrit dans le détail la procédure à suivre pour réussir un voyage en Orient et quelles sont les perceptions qui peuvent guetter ces voyageurs de l'Autre. D'abord, le voyageur qui arrive dans ces contrées doit chercher à se faire établir un « firman » par le gouverneur de la province visitée, sauf-conduit qui constitue une sorte de protection contre toutes les tentatives d'attenter à sa vie et à ses biens. Ensuite, il y a l'aspect vestimentaire. Certains poussent la plaisanterie jusqu'à s'engoncer dans des habits de couleur locale pour mieux pénétrer la société d'accueil. Mais, dans la plupart des cas, ils sont vite démasqués car ils ne maîtrisent pas la langue des autochtones. Les voyageurs viennent aussi en Orient pour faire du prosélytisme. L'auteur cite le cas d'une protestante, Mme de Gasparin, qui a pris sa mission à c'ur, surtout au Liban, avant de mesurer sur le terrain la difficulté de convertir des Musulmans. En fait, cette étude de Koichiro Hata dévoile combien les clichés et les à priori ont la vie dure car, même confrontés à l'épreuve de la réalité, ils restent tenaces dans leurs préjugés et clichés en se reproduisant sans vergogne dans les écrits et dans les esprits.« Voyageurs romantiques en Orient » de Koichiro Hata. Editions L'Harmattan, Paris, 2008.


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