Algérie

Passe d'armes entre Zeghmati et les magistrats



Confronté à une révolte de moins en moins contenue des magistrats, le ministre de la Justice peine à s'expliquer. Attaqué par les représentants des magistrats à propos de la présentation de l'amendement au code pénal, le département de Belkacem Zeghmati peine à réagir.À l'annonce de l'adoption par les deux Chambres du Parlement de la nouvelle version du code pénal, le Syndicat national des magistrats (SNM) et le Club des magistrats algériens (qui n'est pas agréé) ont violemment critiqué le gouvernement. Mais comme pour les autres détracteurs du texte, pour le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, le dossier est "clos".
Il s'est suffi du discours prononcé à l'APN, puis au Conseil de la nation. Dans un communiqué diffusé lundi, le ministère de la Justice a bel et bien "répondu" à un reproche du SNM. Au lieu de répondre sur le fond, il a uniquement donné des explications concernant la présentation, devant les juridictions, du procureur général adjoint exerçant au tribunal d'Aïn M'lila, interpellé la semaine dernière. Le ministère de la Justice précise que l'homme a été arrêté pour avoir falsifié des documents concernant sa deuxième épouse.
Pour le ministère, cela n'a donc rien à voir avec une sanction politique, liée à ses activités syndicales comme l'avance le SNM. Pourtant, les reproches des juges, sur le fond, concernant la nouvelle version du code pénal, sont suffisamment graves pour laisser le ministère sans réponse. Les magistrats, censés appliquer les nouvelles lois, trouvent ainsi que la loi constitue une "violation manifeste du principe de la légalité criminelle, qui stipule que les comportements punissables doivent être clairement et préalablement définis par la loi, pour préserver les libertés et les droits fondamentaux des individus".
Le SNM ajoutera même que le"texte (est) mal rédigé et (il) est extensible pour ce qui est de certains de ses articles". Le président du syndicat va plus loin. Il estime que le texte de loi manque de "précision". "(?) il faut de la précision et une définition claire des condamnations parce que cela touche les libertés individuelles et collectives et nos concitoyens ont le droit de s'exprimer et de critiquer.
Mais tout en sachant avec clarté quels sont les faits susceptibles d'être criminalisés", a-t-il indiqué dans une interview accordée au journal électronique TSA. "C'est comme si quelqu'un se réveille un beau jour et déclare de lui-même ce qui relève du pénal et ce qui n'en relève pas alors que cette décision ne concerne pas que le législateur mais plutôt l'ensemble de la société algérienne", ajoutera Issad Mabrouk qui mettra également le doigt sur l'absence de légitimité du Parlement qui a voté ce texte.
Le représentant des magistrats craint, en effet, que cette élasticité dans la confection de la loi ne donne lieu à des abus. Le même reproche est repris par le président du Club des magistrats algériens. "S'éloigner délibérément de la rigueur et de l'exactitude dans la préparation des textes juridiques en recourant à un style somptueux, élégant et fort, ne contribue pas à l'instauration de l'Etat de droit auquel ont aspiré et continuent d'aspirer les Algériens", a indiqué à Liberté Sadeddine Merzoug.
Ce dernier accuse également le gouvernement de "renforcer l'emprise sécuritaire dans la société et l'adoption d'une méthode de dissuasion judiciaire avec des articles de loi élastiques en matière de liberté d'expression et du droit à la critique et à la différence". Ces reproches ne viennent pas uniquement des magistrats. Des hommes politiques, des partis, des associations de défense des droits de l'Homme... tout le monde est d'accord pour décrier une loi qui a été votée et adoptée dans des circonstances loin d'être anormales.
En pleine crise sanitaire, les autorités se sont précipitées de faire passer un amendement qui peut pourtant attendre la révision de la nouvelle Constitution. L'interrogation est aggravée par une confession faite par le ministre de la Justice qui a annoncé que le code pénal va être adopté dans son intégralité après l'adoption de la nouvelle loi fondamentale. Pourquoi, alors, une révision partielle de cette loi ' Le ministre de la Justice, au même titre que le gouvernement, n'a pas répondu à cette question.

Ali BOUKHLEF


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