Pas de retour en arrière
Poursuivons notre réflexion sur les déclinaisons de la notion du progrès et sa relation avec le fixisme réel ou supposé de la pensée et de la pratique religieuses, notamment dans un contexte islamique.Pour cela, nous avons établi dans les chroniques précédentes que le but du progrès est de concourir au bien-être de l'homme et d''uvrer à améliorer sa condition, à l'aider à se reconstruire pour être un homme debout ; être un homme digne, libre et épanoui. Autant procurer à l'homme le confort matériel et lui rendre la vie sinon agréable et plaisante tout le temps, à tout le moins, simplement convenable, autant son équilibre psychique et moral doit être aussi une préoccupation majeure. Néanmoins, toutes ces considérations doivent être prises en compte lorsque les finalités du progrès sont évoquées. Elles doivent être appréhendées avec la même exigence de discernement et de distanciation que celle à laquelle nous appelons de tous nos v'ux quant au traitement de la question religieuse. De prime abord, instruit des expériences précédentes des autres nations dans des temps récents, on pourrait penser que dans une logique capitaliste poussant au bénéfice, à l'efficacité et à la rentabilité, le progrès impose un mouvement inexorable. Il faut coûte que coûte essayer d'améliorer les capacités de l'homme ou, plus grave encore, se passer de lui là où il ne semble plus opérant. Dans ce sillage, on constate que les recherches d'ingénierie sur la robotique, la domotique, l'intelligence artificielle et la génétique foisonnent dans une course effrénée pour « créer » l'homme idéal.Puis sur un autre plan, on assiste à une surmédicalisation dans un excès tatillon en vue de l'accomplissement d'une pseudo-immortalité à travers toutes les tentatives sans cesse renouvelées de repousser la vieillesse. Il en résulte, dans les sociétés dites avancées, l'allongement de l'espérance de vie et la santé s'y substituera au salut dans une peur panique devant la mort. En outre, l'éradication de toutes les maladies, voulue comme telle par les tenants du progrès de la médecine combinée aussi à la volonté d'anéantir les risques d'accidents en tout genre, notamment ceux de la route et du travail ' ce qui est louable en soi ' aura comme conséquence le surpeuplement de la planète. Subséquemment, la question des ressources et des espaces vitaux se posera avec acuité et on réalisera que l'éternité n'est peut-être pas nécessairement souhaitable. Quel sens aura la vie si le progrès s'apparente à l'assouvissement des désirs et à la réponse à des besoins sans cesse recréés '! D'autant plus que la grande caractéristique du progrès technologique vient aussi de ce que, à l'intérieur d'une société donnée, il avance dans une seule direction, sans possibilité de retour en arrière ; le processus paraît irréversible et inflationniste. Une fois qu'une innovation technologique a été introduite, les hommes en deviennent généralement assujettis jusqu'à ce qu'elle soit remplacée par l'innovation suivante, beaucoup plus sophistiquée. Et ce n'est pas seulement chaque individu qui en devient dépendant, mais plus encore toute la société dans son ensemble. Laquelle société n'a plus aucun autre choix que celui de se soumettre à plus de technologie ! Si nous soulignons ces points, c'est parce que nous ne voulons pas nous aligner sur les thèses de ceux qui brandissent des notions, en l'occurrence le progrès, sans les avoir soumises au filtre de la raison et sans les avoir, au préalable, broyées par la machine de l'entendement. En l'espèce, il faut bien comprendre, tout comme l'a dit Jésus à propos de l'observance du shabbat qui est fait pour l'homme et non pas l'homme pour le shabbat, qu'il en est de même pour le développement. Il est fait pour l'homme et ce n'est pas l'homme qui est fait pour le développement.
Posté Le : 07/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghaleb Bencheikh
Source : www.elwatan.com