Alors que l'on
constatait une «explosion» de la jeunesse, alors que commençait à changer
profondément la mentalité de la jeunesse, alors que l'on parlait de plus en
plus de l'école parallèle, alors que tout conduisait à concevoir un système
d'éducation mieux adapté à cette évolution de la jeunesse de notre pays,
l'école algérienne déverse, et continue de le faire,chaque
année,une masse importante d'enfants à la rue sans aucune formation et sans un
minimum de culture.
Nous avons
dénoncé cette fausse démocratisation de l'enseignement, cette antidémocratisation de l'enseignement avec ses structures
au sein desquelles les maîtres, les professeurs, ont donné le meilleur
d'eux-mêmes mais souvent sans aucune préparation, en particulier pour les
classes où les enfants rencontrent le plus de difficultés. Parce que les
connaissances ont évolué ou la façon de les aborder; parce que de jeunes
sciences réclament un petit créneau dans les grilles horaires: l'écologie,
l'économie, la technologie.
Parce que la
concurrence de l'école parallèle celle qui, comme l'apprend la géométrie, n'a aucune chance de rejoindre l'autre, exige que le présent
entre à son tour dans les programmes. Cela ne demande t-il pas de poser en
termes nouveaux le problème traditionnel de l'équilibre des disciplines?il est
possible que la solution de ce problème doit être recherchée non au niveau des
disciplines, ni sous la forme d'un équilibre à trouver entre les objectifs
correspondant à des connaissances à acquérir, à des attitudes, à des valeurs ou
à des savoir-faire, mais peut-être en termes d'effets de convergence qui
utilisent les différents éléments du processus éducatif pour obtenir à la fois
des effets cognitifs, affectifs éthiques, esthétiques et, parfois aussi,
physiques sur le développement de la personnalité.
ESPRIT CRITIQUE
Le but ne serait
pas de faire acquérir des connaissances précisément explicitées dans des
programmes chargés des écoliers, mais d'atteindre des "objectifs"
définis davantage par la capacité d'observer, d'analyser des phénomènes, de
conduire des raisonnements, de préparer à des spécialisations ultérieures.
D'autres domaines devraient être traités avec le même honneur, ceux qui
relèvent de l'activité manuelle et physique ou de l'expression et de la
création artistique.
L'école algérienne a maintenant des finalités
tout à fait différentes de l'école élémentaire du passé. Elle doit non pas
apporter un bagage minimum pour entrer dans la vie, mais préparer les enfants à
recevoir, dans les meilleures conditions possibles, un enseignement qui suivra
une éducation et une formation accompagnant l'école de base pour qu'ils entrent
dans la vie, non seulement avec une formation initiale professionnelle de
valeur, mais aussi avec une formation générale de valeur.
Le nombre croissant de chômeurs que connaît
notre pays rend les jeunes et les parents d'élèves beaucoup plus sensibles aux
problèmes de l'éducation, de la formation mais surtout de l'entrée à la vie. Il
y a là une prise de conscience nouvelle à faire, aussi bien pour les jeunes que
pour les enseignants. Quelques jeunes, lorsqu'ils atteignent quatorze, seize
ans s'ennuient à l'école, on parle du ras- le- bol des jeunes. Mais il ne
servirait à rien de nier le profond malaise des adolescents devant ce
qu'apporte aujourd'hui l'éducation nationale. S'il n'est pas tellement ressenti
au niveau du premier et second palier, il est ressenti à ce que nous
appellerons la période de détermination pour la vie entre quatorze et dix-sept
ans.
Si aujourd'hui
trop de jeunes se détournent de l'école, s'en disent dégoûtés ou préfèrent
vouloir apprendre un métier tout de suite plutôt que de rester dans une structure
scolaire, se croyant inadaptés, ou incapables de continuer, ou non
"doués", c'est peut-être une réalité à laquelle on n'a pas prêté
suffisamment attention. Les jeunes ont quelque chose à dire, il faut qu'on les
écoute. Ils ont quelque chose à apporter, y compris aux professeurs, il faut
qu'on sache le prendre en compte. Les enfants ont des aspirations qui ne sont
pas partagées par tout le monde et que peut-être certains maîtres ne
comprennent pas;mais ces aspirations sont celles de la
jeunesse, il faut en tenir compte.
Dans le système
d'éducation que nous proposons d'imaginer et de repenser, nous incluons des
stages, des visites, des visites en responsabilité , des stages en situation,
des visites dans les entreprises industrielles dans les services publics, dans
le commerce, dans l'agriculture auprès des médecins comme auprès d'une école de
beaux-arts, de musique, auprès d'un théâtre, d'un musée, d'un centre culturel,
d'une bibliothèque municipale, d'une maison de jeunes…Ce qui est important,
c'est que dans les lieux d'éducation aussi ouverts que possible sur la vie;on
essaie de concevoir une éducation, un enseignement, une formation initiale
conforme aux aspirations des jeunes, aux réalités de la vie et aux nécessités
d'une formation humaniste pour notre temps.
Ce n'est pas une
révolution. C'est peut-être une redécouverte du rôle des enseignants qui seront
le fer de lance de la véritable démocratisation de l'enseignement. On redonnera
aux jeunes le goût de revenir, non pas à l'école, au sens traditionnel du mot,
mais le goût de venir apprendre et comprendre pour entrer dans la vie active,
d'une manière beaucoup plus correcte et faire face dans de meilleures
conditions aux mobilités, aux reconversions qui risquent fort d'être pour les
années à venir des dominantes de la vie des adolescents d'aujourd'hui. Tel
enfant montrera sans doute plus d'intérêt, plus de goût pour les
"mathématiques" ou pour" la littérature ".
Mais est-ce que
c'est seulement l'essentiel? Est-ce que par exemple, on ne peut pas aussi bien
apprendre la langue nationale en suivant un reportage scientifique, historique,
ou un film d'aventures sur "data show" en classe, en apprenant à lire
un article de presse, en apprenant à juger, en apprenant à deviner ce qui n'est
pas écrit quelquefois ? Mais apprendre à écouter, à lire un texte, apprendre à
comprendre, apprendre à discuter et à communiquer, apprendre à accepter la contradiction , développer le sens esthétique, le sens des
responsabilités, est-ce qu'il ne s'agit pas là de thèmes qui intéresseraient
les écoliers?Nous sommes presque tentés de dire qui enthousiasmerait les
jeunes?Tout ceci est une question de pédagogie, de présentation, de relations
entre les élèves et les professeurs. Evidemment, une telle éducation ne peut se
satisfaire du professeur auquel on pourrait donner l'étiquette de traditionnel;
ce ne peut plus être le maître seul qui apporte son cours. L'éducation ne peut
plus être autrement qu'en prise avec la vie, sinon les jeunes ne marchent pas,
mais ce qui est plus grave, ils ont le sentiment de n'être pas traités en
fonction de leur âge, en adultes… même si nous savons qu'ils n'en sont pas
encore. Il faut donc créer le courant .On le peut par la formation générale, y
compris par ce qu'on appelait la culture générale, cette culture générale qui
fait actuellement défaut à une frange non négligeable de la population
algérienne. Pourquoi la masse des travailleurs aujourd'hui et les jeunes
n'auraient-ils pas droit à cette culture générale? Le problème est de savoir
comment les y intéresser, les y amener, leur donner le goût de la lecture, de
la recherche, exciter leur curiosité, leur apprendre à refuser la passivité, à
utiliser leurs loisirs, à ne pas se laisser récupérer, à ne pas tomber dans le
piège des gadgets, à voir ce qui est essentiel.
L'ECOLE DE LA REALITE
Ce qui
caractérise notre jeunesse d'aujourd'hui, c'est qu'elle sait plus de choses que
nous quand nous avions son âge et sur plus de sujets, mais elle ne sait que la
surface des choses. Je ne veux pas dire par là que nous étions des savants.
Mais aujourd'hui,
ni les adolescents , ni même les maîtres ne sont
capables d'aller au fond des choses et de faire les synthèses des
connaissances, des découvertes et des images qui leur tombent chaque jour
devant les yeux.
Toute l'astuce
pédagogique, tout l'art des maîtres, toute cette conception nouvelle de
l'éducation tiennent dans le contact permanent avec la réalité, la
responsabilité des choses et des connaissances: apprendre à faire les
synthèses, distinguer ce qui est superficiel, apprendre aux adolescents à ne
pas retenir seulement les impressions fugitives, mais à réfléchir, à
approfondir.
En un mot former
l'homme, former le citoyen, former aussi le producteur. Proposer et encourager
durant les vacances scolaires des chantiers de formation ou d'initiation, selon
les goûts des enseignants, en chants collectifs ou chorales, musique, théâtre,
arts plastiques, éducation physique, jeux d'échecs, circuits touristiques
(sites historiques), recherches archéologiques et paléontologiques, langues
étrangères, favoriser les échanges et rencontres avec les éducateurs d'autres
pays…pour que soit comblé le vide culturel que connaît notre école et permettra
aux maîtres d'encadrer dans de bonnes conditions nos enfants durant les
après-midi consacrés spécialement à la culture et aux sports. Ainsi les élèves,
s'ils se reconnaissent dans l'enseignement qu'on leur apporte, s'ils sentent
qu'on les prépare à la vie, ils "marcheront".
La vocation du
pédagogue dépasse singulièrement la tâche de "maître d'école".Par
delà les murs de sa classe, il lui appartient d'être le guide intellectuel,
moral et social de la collectivité qui l'entoure. Et cela lui confère une
dignité, une autorité et des devoirs qu'il ne saurait méconnaître. Il doit être
l'animateur de la jeunesse dans tous les domaines, et pour y réussir, il lui
faudra participer intimement aux diverses activités des enfants et des
adolescents, activités physiques aussi bien qu'activités intellectuelles, les
suivre dans leurs jeux, dans l'organisation de leurs loisirs comme dans leurs
études, et leur donner sans cesse l'exemple de la volonté et de la persévérance
dans l'effort.
"La joie de
l'âme est dans l'action".Pour que l'école accomplisse pleinement la
mission sociale qui lui est dévolue, il faut que l'instituteur se préoccupe
sans cesse d'élargir son champ d'action au-delà des murs de sa classe et qu'un
souffle vivifiant de curiosité intellectuelle l'entraîne vers des horizons plus
vastes. Ainsi l'école ouvrira toutes grandes ses fenêtres sur la vie,
l'instruction publique deviendra véritablement l'éducation nationale,
l'éducation populaire. L'instituteur cessera d'être exclusivement
«pédagogue" pour mériter d'avantage le beau titre d'"éducateur".
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Posté Le : 22/12/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdelhamid Benzerari
Source : www.lequotidien-oran.com